Face au projet de réforme du financement des retraites annoncé par le Président du Nicaragua, Daniel Ortega, une partie de la population est descendue dans les rues depuis quelques jours pour manifester son mécontentement. Alors que de nombreuses scènes de violence ont éclaté, faisant 24 morts en cinq jours, aussi bien parmi les opposants à la réforme que dans les rangs des partisans du gouvernement. Les médias locaux rapportent de nombreuses tentatives de censures, des actes d’intimidation auprès de journalistes ainsi que la présence de milices armées pour écraser les manifestations.
Ce sont des scènes d’une extrême violence et un nombre alarmant de morts et de blessés que nous rapportent les réseaux sociaux et les médias depuis le Nicaragua. En cause de ce déchaînement, l’augmentation des cotisations de retraites envisagée par le gouvernement, réforme qui risque de frapper le plus durement les personnes les plus pauvres. Dimanche soir, le bilan s’est alourdi à 24 morts, témoignant de la violence des heurts entre les opposants à une réforme d’austérité et les forces du gouvernement. Dans le chaos, des scènes de pillage se produisent avec des grandes surfaces saccagées et vidées de leurs marchandises.
Réforme du financement des retraites
Le projet de réforme prévoit d’augmenter les cotisations de retraite, aussi bien pour les employeurs que pour les salariés. Pour ce qui est des retraités, déjà particulièrement précaires, ils verraient leur charge fiscale augmenter de 5 % selon les mesures annoncées. D’après le gouvernement, la réforme est justifiée en raison de la dette importante ainsi que du déficit accumulé par le système de sécurité sociale. Pour s’opposer à ce projet, qu’elle estime décidée de manière unilatérale et non-démocratique, une partie de la population occupe les rues depuis cinq jours, d’abord dans la capitale du pays, Managua, puis sur l’ensemble du territoire. Les opposants craignent que cette réforme touche en premier lieu les personnes qui sont déjà dans une situation de précarité, c’est-à-dire les travailleurs aux revenus modestes ou encore les retraités.
Daniel Ortega, leader du Front sandiniste de libération nationale est aux manettes du Nicaragua depuis 2006. Il est parfois décrit comme un dictateur en herbe dont les méthodes pour imposer une politique d’austérité sont chaque jour de plus en plus autoritaires. En 2011, la Cour Constitutionnelle du pays lui avait donné l’autorisation de briguer un second mandat présidentiel consécutif. Mais depuis novembre 2016, il poursuit un troisième mandat. Lors de son arrivée au pouvoir en 2006, l’une de ses premières mesures avait été de faciliter l’accès pour la population aux services sociaux en matière de santé et de sécurité sociale, mais aussi d’éducation. Un revirement qui passe mal.
Répression dans un bain de sang
Face aux manifestants, d’abord essentiellement des travailleurs et des retraités rejoints rapidement par des étudiants, l’État a décidé de déployer un nombre important de forces de l’ordre pour disperser les regroupements, faisant ainsi augmenter les tensions plutôt que d’ouvrir un dialogue. Le journal « Confidencial » rapporte de nombreuses agressions sur des journalistes et des photographes dans l’objectif de les intimider, de les empêcher de travailler, allant jusqu’au vol de leur matériel. Des chaînes de télévision indépendantes auraient également été censurées, via la suspension de leur signal d’émission. Un journaliste, tué par balles, fait partie des victimes.
Selon ce même journal, des groupes sandinistes n’appartenant pas à la police seraient également intervenus avec violence contre les manifestants, menant à de nombreux affrontements dans les rues de la capitale. Parmi eux, des hommes masqués aux visages recouverts par des casques de moto. Difficile de savoir à ce stade si ces milices sont spontanées ou mandatées par le gouvernement. Comme on peut le voir sur les vidéos qui circulent sur internet, certaines de ces personnes arboraient des t-shirts aux couleurs du parti au pouvoir. Par ailleurs, des bâtiments publics ont été mis à sac, des véhicules incendiés et des centres commerciaux pillés par la foule.
Le Président Daniel Ortega, qui n’avait pas pris la parole pendant les premières journées des protestations, est finalement sorti de son silence pour promettre l’ouverture d’un dialogue, sans pour autant fixer de calendrier. Selon certains, il a été surpris par ces manifestations qui sont les plus importantes depuis son arrivée au pouvoir il y a 11 ans. Cité par Le Monde, Oscar René Vargas, spécialiste des questions politiques explique : « C’est une protestation qui vient de la base, pas d’un parti politique » et « je crois que le gouvernement n’a pas anticipé cette réaction ». En effet, ces mouvements de contestation se produisent dans toutes les régions du pays et toutes les universités en même temps, signifiant un réel malaise dans la population.
Alors que les nicaraguayen comptent leurs morts, les yeux sont rivés sur le président Ortega dans l’attente d’une prochaine décision.
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