« Nous Tous » le documentaire qui redonne foi en l’humanité

Ce n’est pas une révélation, notre époque vit une période de sérieuses crispations autour de la question de l’identité. Il suffit d’allumer sa télévision et d’aller sur les réseaux sociaux pour tomber (de plus en plus) régulièrement sur des débats enflammés concernant les différences culturelles, ce qui fait la nationalité française, l’utopie du « vivre ensemble »… De même la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’alarme dans son rapport 2020 sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie de la montée des actes racistes en France. Serait-il vraiment impossible pour des personnes de religions, de couleur de peau, de culture différentes de partager le même lieu de vie ? Avec son documentaire « Nous Tous« , Pierre Pirard nous montre qu’un monde de tolérance est possible.

« Et si, loin des crispations autour des questions identitaires et de la peur de « l’autre », nous montrions d’autres réalités ? Et si, nous racontions des histoires de citoyens audacieux qui, dans l’optique d’une vie harmonieuse entre gens de croyances différentes, réinventent la famille, l’éducation, les relations sociales, la culture, le travail… et ce malgré les difficultés et tensions existantes. Et si, grâce à ces récits glanés aux quatre coins de la planète, nous commencions à voir émerger ce que pourrait être le monde multi identitaire harmonieux de demain ? Et si, nous y prenions tous part ? »

C’est de cette réflexion qu’est parti Pierre Pirard pour aboutir à la création de « Nous Tous« . Après deux ans de voyage à travers le globe, Pierre Pirard nous livre un film qui redonne de l’espoir en l’être humain, en ses capacités de pardon, de résilience, d’écoute, d’altruisme, de bienveillance. Deux années durant lesquelles il est allé à la rencontre de personnes qui ont su dresser des ponts entre des communautés que tout semblait opposer (religions, coutumes, guerres…), et qui ont développé des projets pour qu’au-delà d’un « vivre ensemble » passif, se crée un « faire ensemble » actif. Les fondations d’un monde qui n’exclurait plus, de sociétés qui cesseraient de se replier sur elles-mêmes et de dresser des barrières, aussi bien physiques que mentales.

De toutes ces rencontres, aussi différentes soient-elles les unes des autres, on relève un point commun essentiel, à la base de tout : la volonté d’aller vers l’autre, cette personne différente, cet inconnu qui nous effraie parfois, de chercher à le connaître, à le comprendre. Ne plus le réduire à une identité stéréotypée, souvent issue préjugés négatifs. Car c’est de l’ignorance que se nourrissent la peur et le rejet, terreaux de tous les extrêmes. Faire ce premier pas, parfois difficile mais indispensable, pour bâtir de nouvelles relations basées sur le respect, la tolérance, l’entraide. Dépasser les rancœurs, apprendre à pardonner, enseigner et partager.

Pour suivre ce long chemin, Pierre Pirard a défini quatre jalons, qui forment l’armature de « Nous Tous » : Dépasser la victimisation ; Rendre la dignité ; Apprendre de l’autre ; Enseigner « l’autre ».

Des hommes et femmes forçant le respect

Ainsi, lors de son séjour à Sarajevo en Serbie, il rencontrera Nudzejma qui a perdu son père à l’âge de 4 ans, tué par l’armée Serbe lors de la guerre en Bosnie-Herzégovine qui a déchiré les communautés chrétienne, orthodoxe et musulmane. Loin de vivre dans le ressentiment, Nudzejma a su dépasser une haine qui aurait pu la ronger et ne plus être victime de son passé. Elle décida au contraire de « puiser dans le passé la force de rebondir pour agir ». En 2017, elle crée un club de course à pied (TITO) où se côtoient Serbes, Croates et Bosniaques. Des individus entre lesquels un lourd passé se dresse, s’unissent ainsi grâce au sport.

Nudzejma

Toujours en Bosnie, Kemal, enfermé dans un camp de concentration et torturé en 1992 pendant la guerre car musulman, témoignera de sa reconstruction. Lui, dont des amis, des voisins s’étaient transformés en bourreaux trouva la force de pardonner, de faire taire (non sans mal) son désir de vengeance et la colère. De victime, il devient survivant, capable d’aller à la rencontre d’un ancien professeur qu’il appréciait et qui l’a pourtant torturé…

Au Liban, nous ferons la connaissance du docteur Jamal Ismaïl. Musulman chiite, il se rend dans les camps de réfugiés où il soigne indistinctement ces syriens sunnites en partenariat avec une organisation chrétienne. Pour cet homme décidé à travailler jusqu’à son dernier jour, l’Humain passe avant la religion. La relation de confiance qu’il tisse avec les réfugiés leur rend une dignité alors même qu’ils doivent subir la tension (voire le rejet) que leur nombre (les réfugiés représentent un tiers de la population libanaise) fait naître chez les locaux.

Le docteur Jamal Ismaïl en consultation dans un camp de réfugiés

Aux États-Unis, le couple formé par Arif et Rorri Mohammed-Geller défie l’idée reçue selon laquelle un couple de confession différente ne peut pas fonctionner. Arif est musulman, Rorri est juive. Ils ont eu deux enfants qu’ils ont décidé d’élever dans les deux religions pour qu’ils soient à la fois 100% juifs, 100% musulmans et qu’ils n’aient à sentir le besoin de choisir dans le futur. Pour qu’une telle harmonie soit possible, tolérance et ouverture d’esprit sont indispensables. Lors des fêtes religieuses, Arif et Rorri s’adaptent et respectent à tour de rôle les rites spécifiques à la religion de l’autre. Leurs familles respectives ont appris à se connaitre et à s’accepter autour des valeurs communes aux deux religions. Qu’importe si les pratiques diffèrent, après tout, ils prient le même dieu.

En Indonésie, dans l’archipel des Moluques, une guerre a déchiré chrétiens et musulmans entre 1999 et 2004, causant plusieurs milliers de morts. Plus de quinze ans après la paix, les villages sont divisés entre chrétiens et musulmans qui ne se croisent donc jamais. L’espoir de la réconciliation se porte sur les enfants, alors que les adultes restent piégés dans le passé. Les enseignants d’écoles chrétiennes et musulmanes organisent des week-ends pour que les enfants apprennent à se connaître au delà de leur religion et malgré les cicatrices d’une guerre trop récente. C’est lors d’un de ces week-ends qu’Ella, jeune chrétienne, et Miska, jeune musulmane, se rencontreront et deviendront amies, dépassant leurs idées préconçues dont elles étaient déjà imprégnées. Chacune découvrira la religion de l’autre qui leur était jusqu’alors inconnue : Miska ira assister à une messe chrétienne et Ella à une prière musulmane. Grâce à ces échanges et ces amitiés extracommunautaires, les enfants deviennent des ambassadeurs de la réunification auprès de leur famille et de leur communauté, pour faire renaître la fraternité perdue et pérenniser la paix.

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Miska et Ella

Et d’autres rencontres tout aussi passionnantes vous attendent dans « Nous Tous ».

Une utopie à notre portée

Que conclure sinon que ce monde inclusif et tolérant dont certains voudraient nous faire croire qu’il n’est qu’un « rêve de Bisounours », est non seulement réalisable mais qu’il existe déjà dans de nombreux endroits comme « Nous Tous » nous le démontre dans une leçon de vie magistrale incitant à l’humilité et l’introspection.

Certes pour que ce monde vive et perdure, chacun doit vouloir y mettre du sien, s’impliquer concrètement, laisser tomber son individualisme égoïste, les préjugés d’une autre époque que l’on répète par peur du futur en pensant que le passé est le seul refuge possible. Or le passé est rempli d’erreurs que nous ne voudrions pas voir se répéter, de valeurs largement dépassées.

La société, le monde a changé et continuera d’évoluer. Le progrès technologique a permis l’émergence d’une mondialisation, tant du point du vue économique qu’humain. Il est dès lors temps de détourner notre regard d’époques idéalisées pour le porter vers un avenir qu’il nous appartient de construire, ensemble, et meilleur. Parce que chacun mérite d’avoir sa place dans ce monde. Personne ne dit que ce sera facile, du temps et de l’abnégation sont indispensables. Il est toujours plus facile de détruire que de construire. Mais après avoir vu « Nous Tous », vous ne pouvez plus penser que c’est impossible.

S. Barret

Informations pratiques

« Nous Tous » sortira en Belgique via sa sélection au BRIFF (Brussels International Film Festival) avec une diffusion le 5 et 6 septembre. Puis, il sera dès le 13 octobre à l’affiche dans des salles belges. Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site du film, sa page facebook et son compte instagram.


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