L214 et les associations Eyes on Animals et Ethical Farming Ireland ont mené une enquête sur le commerce des veaux. Les associations ont suivi ces animaux depuis les marchés aux bestiaux irlandais, durant la traversée de la Manche en ferry, dans un centre de transit français près de Cherbourg, sur la route jusqu’aux Pays-Bas et dans un élevage d’engraissement néerlandais. Entre la violation flagrante de la réglementation et les sévices graves observés, L214 porte plainte contre l’Irlande, la France et les Pays-Bas. Nous faisons ici le relais de son communiqué. 

L214, Ethical Farming Ireland et Eyes on Animals ont suivi plusieurs bétaillères depuis des marchés aux veaux en Irlande jusqu’aux élevages intensifs d’engraissement aux Pays-Bas. L’enquête filmée montre des veaux vendus aux enchères sur différents marchés. Le prix d’un veau se situe aux alentours de 10 € (certains à 5 € !). Les veaux sont âgés d’une quinzaine de jours à 1 mois. Ils sont chargés dans des bétaillères sur 3 niveaux. Chaque bétaillère compte environ 300 veaux. Au moment de l’enquête, 14 bétaillères ont été observées. Résumé d’une enquête au coeur de l’industrie animale.

Des violences à chaque étape de la vie des veaux

Pour traverser la Manche, les camions embarquent sur des ferries de la compagnie Stena Line. Les images montrent les camions sanglés dans une cale du bateau. Les veaux restent dans les camions pendant toute la traversée. Arrivés au port de Cherbourg, les veaux sont déchargés des bétaillères pour être nourris et pour bénéficier théoriquement d’un peu de repos. Les images d’enquête montrent les manipulations et les coups violents portés sur les veaux au moment de leur nourrissage et de leur re-chargement dans les camions.

Photo de L214

Leur parcours se poursuit alors jusqu’aux Pays-Bas où ils sont déchargés dans d’immenses élevages intensifs pour être engraissés durant 6 à 8 mois avant d’être envoyés à l’abattoir. Les images montrent également un de ces élevages où ont été déchargés les veaux.

Violation systématique de la réglementation 

Pour les longs transports de veaux non sevrés, la réglementation impose qu’ils soient nourris au bout de 9 heures si nécessaire et dans tous les cas après 19 heures de transport au maximum. L’enquête montre que les veaux sont restés dans les camions sans être nourris pendant une durée allant de 27 à 40 heures.

Photo de L214

Les durées de transport des veaux dépassent systématiquement la limitation maximale imposée par la réglementation européenne. Les autorités des différents pays ferment les yeux sur ces violations caractérisées et systématiques de la réglementation. En conséquence, L214 dépose une plainte formelle auprès de la Commission européenne contre les États français, irlandais et néerlandais pour violation du règlement 1/2005 relatif à la protection des animaux pendant le transport (voir ci-dessous), et dépose un recours en responsabilité contre l’État français pour carence de ses services vétérinaires.

Volée de coups sur les veaux au centre de transit près de Cherbourg

À Couville, les veaux ont été déchargés dans le centre de transit Jean-Luc Pignet. Filmées en caméra cachée, les images montrent la violence avec laquelle sont manipulés les veaux : ils reçoivent de multiples coups de rames (outils utilisés pour les déplacer), certains sont tirés par les oreilles ou par la queue. Il arrive que des employés perdent leur sang froid et passent leurs nerfs sur les veaux.

Photo de L214

Les associations et deux eurodéputées, Caroline Roose et Anja Hazekamp, se sont présentées devant le centre pour demander une visite. Seules les députées ont pu y accéder, sans caméra. Elles ont vivement réagi contre les violences faites aux veaux et demandent la fin des longs transports des veaux non sevrés. Les services vétérinaires de La Manche ont suspendu l’agrément du centre pendant 8 jours suite à notre signalement.

« Heureusement que les ONG et les lanceurs d’alerte nous remontent ces infractions. Nous pouvons alors constater par nous-même sur le terrain et nous adresser aux autres parlementaires pour faire changer la législation. Ces animaux n’ont pas à subir cette violence. » Caroline Roose, eurodéputée Verts/ALE

L214 porte plainte auprès du procureur du tribunal de Cherbourg contre le centre de transit pour sévices graves (réprimé par l’article 521-1 du code pénal et puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende) et pour le délit de mauvais traitement exercé par un professionnel (réprimé par l’article L215-11 du code rural et puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (X5 si c’est une personne morale).

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Mettre fin au transport des veaux non sevrés

Le règlement européen 1/2005 sur la protection des animaux pendant le transport stipule que les veaux non sevrés doivent bénéficier d’une heure de repos à bord du camion pour boire de l’eau et, si nécessaire, être nourris après 9 heures de transport. Après une deuxième phase de 9 heures, ils doivent être déchargés dans un poste de contrôle afin de se reposer et d’être nourris.

Photo de L214

Un guide de bonnes pratiques établi par la Commission européenne en 2016 indique que la configuration de la plupart des camions ne permet pas de distribuer une alimentation liquide, et que, de fait, les veaux nourrissons doivent être déchargés durant les arrêts pour être alimentés. Ce même document indique qu’une alimentation satisfaisante pour les veaux est de 2 litres de lait toutes les 12 heures, distribués individuellement, avec au minimum 1 heure de repos avant de reprendre la route.

Sur le terrain, on peut constater que les veaux chargés sur les marchés en Irlande ne sont déchargés que 30 heures (entre 27 et 40 heures suivant les situations) plus tard dans un poste de contrôle près de Cherbourg, ce qui dépasse de 11 heures le maximum autorisé. Les veaux non sevrés dépendent uniquement du lait pour se nourrir, Ils ne peuvent pas être alimentés à bord d’un camion.

« J’ai vu ces veaux, à peine sortis du ventre de leur mère, subir 3 jours de transport dans des conditions terribles : entassés à 300 dans des bétaillères sur 3 niveaux, assoiffés, manipulés avec violence, ils vivent un véritable enfer. Le transport des veaux nourrissons depuis l’Irlande jusqu’au Pays-Bas en passant par la France est en infraction systématique avec la réglementation européenne. Les autorités doivent y mettre un terme immédiatement. » Bérénice Riaux, enquêtrice de L214

Le trajet en ferry seul, du port de Rosslare en Irlande à Cherbourg en France, dure de 18 à 19 heures. En tenant compte du trajet jusqu’au port de Rosslare depuis les différents marchés disséminés dans toute l’Irlande, du temps d’attente pour embarquer et débarquer dans les ports et du temps nécessaire avant que tous les veaux ne soient déchargés aux postes de contrôle en France pour recevoir du lait (ce qui peut prendre jusqu’à 7 heures), le transport des veaux non sevrés d’Irlande vers le continent est en violation totale du règlement européen 1/2005 et est également totalement irresponsable vis-à-vis des besoins physiologiques et du bien-être des veaux.

L’enfer des centres d’engraissement

Chaque année, entre 1,7 et 2 millions de veaux sont exportés par les États membres de l’Union Européenne. L’Irlande exporte jusqu’à 150 000 veaux nourrissons par an, majoritairement au printemps, au moment des naissances dans les élevages laitiers. Ces veaux sont transportés dans des élevages d’engraissement principalement à destination de l’Espagne et des Pays-Bas.

Photo de L214

Les Pays-Bas ont la plus grande densité de veaux au monde. Ils ont été les pionniers de l’engraissement intensif de veaux sur caillebotis, et s’y sont progressivement spécialisés. Ils ont d’abord commencé à engraisser les veaux issus de leur propre industrie laitière, puis se sont mis à en importer depuis toute l’Europe.

Les Pays-Bas sont le premier importateur européen avec 830 000 veaux nourrissons importés en 2020. 90 % de la production est intégrée et trois entreprises concentrent la quasi-totalité de la production (VanDrie, Denkavit et Pali group). La production de viande de veau est à plus de 90% tournée vers l’export, notamment à destination de la restauration hors domicile en Europe. 

– Communiqué de L214


Photo de couverture de L214

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