En Belgique, le parc animalier Pairi Daiza, à Brugelette en Wallonie, est au cœur de toutes les polémiques. La récente interdiction par le bourgmestre d’une manifestation contre l’arrivée prochaine d’ours polaires illustre les tensions croissantes entre les autorités et les gestionnaires d’une part et les militants d’autre part. Sur place, plusieurs agriculteurs risquent d’être expropriés pour construire une nouvelle route au profit du zoo.
D’abord le projet de construction d’une nouvelle route d’accès au Pairi Daiza. Puis l’annonce de l’arrivée prochaine d’ours polaires au centre du complexe, eux-mêmes faisant suite à l’introduction d’un grand nombre d’espèces sauvages. Depuis plusieurs mois, le parc animalier à l’ouest du pays cristallise les regards, entre les promoteurs du projet bien décidés à poursuivre le développement tentaculaire de ce zoo créé en 1994 et les opposants qui y voient une aberration écologique, tant du point de vue de l’empreinte environnementale que du bien-être des animaux. Pour cause, le zoo géant accueille 7 000 animaux de 700 espèces sur 70 hectares.
Contournement polémique et nouvelles places de parking
Si les zoos sont régulièrement sous le feu des critiques en raison des conditions de détention des animaux, au Pairi Daiza, c’est l’hiver dernier que le ton a été haussé, à l’annonce de plans de construction d’une nouvelle route pour accéder au site. L’accès doit permettre de faciliter l’arrivée au parc pour les touristes, mais aussi de soulager les communes adjacentes, où les riverains se plaignent des aller-retour incessants des visiteurs et de nombreux bouchons. Les coûts de l’infrastructure de 10 kilomètres entre Ghislenghien (Ath) et le parc animalier ont été estimés à 19 millions d’euros, des frais qui seraient partagés entre le service public de Wallonie et le parc animalier. Mais cette nouvelle bétonisation n’est pas au goût de tous.
Les tenants du projet mettent en avant les retombées économiques positives de ce raccordement notamment en ce qui concerne les emplois, mais aussi l’attractivité du territoire. Mais lors des réunions publiques de concertation, les oppositions se sont multipliées. Une bonne part des contestations exprimées soulignent le paradoxe de vouloir construire une route qui serait source de pression supplémentaire pour l’environnement. Par ailleurs, si le contournement devait être construit, plusieurs agriculteurs seraient expropriés de leurs terres.
Les opposants voient dans cette nouvelle connexion au Pairi Daiza une bétonisation supplémentaire des terres et un geste en faveur des automobilistes, en contradiction avec les objectifs climatiques, la nécessité de penser la résilience des territoires et celle de réduire les émissions de gaz à effet de serre. « Cette route va être construite dans une zone tranquille où il y a des bois, des champs et une faune locale. Cette faune est moins exotique, mais elle est aussi belle que le panda ou la panthère des neiges. On va détruire notre nature ordinaire pour permettre à des gens d’admirer une nature extraordinaire dans un décor artificiel« , commentait début février Luc Norga du Comité Pays Vert- Brugelette.
En dépit des critiques, les défenseurs du Pairi Daiza continuent de voir les choses en grand. Le parc animalier vient d’introduire une demande pour construire un nouveau parking géant de 12.500 places, remplaçant l’ancien, ce contre quoi les collectifs locaux s’insurgent. Le débat est alimenté par une controverse à propos d’arbres remarquables qui seront abattus pour laisser place à cet énorme chantier. Défendant ardemment ce projet de développement économique, les autorités locales déclarent que ces arbres sont malades et que leur abatage était envisagé de longue date. Le parc souligne pour sa part que le plus grand champ de panneaux photovoltaïques de Wallonie sera installé à proximité, un argumentaire « green-marketé » qui doit faire permettre d’oublier toutes les retombées néfastes du projet. Car pour les opposants, toutes ces volontés d’extension ne font que progresser l’urbanisation, la bétonisation de la région, les flux de visiteurs ainsi que la pression sur les terres.
En toile de fond s’imposent donc des visions totalement contradictoires du développement des territoires. La première considérant qu’il faut encourager l’économie via des projets capables d’attirer les touristes en rendant la région compétitive vis-à-vis d’autres centres urbains. La seconde mettant en avant la nécessité de ne pas accroître la pression sur l’environnement avec une nouvelle bétonisation des espaces naturels disponibles.
Tensions autour de l’arrivée d’ours polaires
Cette controverse n’est pas la seule à toucher le parc zoologique wallon. Depuis le début de l’année, le projet « Terre du froid » et l’arrivée prochaine d’ours polaires insurge les associations de défense des animaux qui ont mis une pétition en ligne. Les propriétaires estiment que ces animaux doivent servir de symbole afin de sensibiliser au changement climatique. Mais les opposants rappellent que ces mammifères souffrent d’enfermement dans les zoos, leurs conditions de vie y étant trop éloignées de celles en milieu naturel. Les arguments d’experts abondent en ce sens : « Un ours polaire captif devient plus gros, plus gras et ne va pas à la recherche de sa nourriture. Il est sujet à des troubles névrotiques de comportement : balancement de la tête, déplacement stéréotypé. En aucun cas, il ne peut être relâché. Rien à voir donc avec la protection de l’espèce, comme le revendiquent certains zoos « , soulignaient l’année passée Rémi Marion et Farid Benhamou, auteurs de Géopolitique de l’ours polaire. (Préface de Valérie Masson-Delmotte, éditions Hesse, 2015), auprès de La Croix.
Les arguments de la « préservation » ou du changement climatique permettent en réalité de justifier la mise en place de nouvelles attractions touristiques, mais ne sauvent certainement pas les ours qui continueront de disparaître tant que les activités humaines seront à l’origine du bouleversement rapide de leur milieu de vie. Et c’est tout le paradoxe d’un tel projet : soutenir une activité non éthique et polluante pour exposer aux « consommateurs » que c’est mal de polluer, tout en générant de gros profits au passage. En d’autres termes l’argument recèle une certaine hypocrisie, puisque pour préserver les ours, il faudrait impérativement limiter les émissions de gaz à effet de serre. Le développement du tourisme, quelle que soit l’échelle, est contraire à cet objectif. Rappelons que les ours polaires sont classés sur la liste des espèces vulnérables par l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Les militants qui voulaient manifester le 6 avril dernier leur opposition à l’accueil des ours se sont vus opposer une réponse défavorable des autorités. Pour motiver cette décision, le maire de Brugelette, André Desmarlières, a prétexté le risque de débordements (…), se fondant sur des publications jugées « haineuses » sur les réseaux sociaux, mais aussi le risque de tensions en raison de l’organisation d’une contre-manifestation. Face au bourgmestre, les défenseurs de l’environnement ont cédé pour cette fois, mais ont d’ores et déjà annoncé vouloir introduire une nouvelle demande de manifestation. En attendant, ils sont priés de se taire.
Rares sont les médias belges à leur donner la parole. Bien au contraire, l’entreprise Pairi Daiza est constamment médiatisée sous un aspect flatteur avec, pour chaque nouvelle naissance ou introduction d’animaux, une large promotion sans frais dans la presse belge. Le journalisme au siècle de l’effondrement.
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