C’est une triste constatation de l’UNICEF : les enfants sont les plus touchés lorsque surgit un conflit armé. Particulièrement vulnérables, ils ont des besoins bien spécifiques et n’ont pas toujours les moyens de les exprimer. Mais une simple peluche pourrait faciliter leur accès à des soins et à leur reconstruction. Ce compagnon, c’est Poupi.

POUPI, un compagnon de vie

Les enfants sont les victimes les plus vulnérables face aux conflits armés. Sur la seule année 2017, l’ONU a confirmé plus de 10 000 cas d’enfants tués ou mutilés durant un conflit à travers le monde. Lorsque des organisations arrivent sur le terrain pour répondre aux besoins de soins et d’attention des enfants, il arrive qu’ils soient confrontés à la barrière de la langue. Cela peut rendre plus difficile leur travail pour soulager les souffrances des petites victimes, qui peuvent en plus se réfugier dans un certain mutisme à cause des évènements traumatisants qu’ils ont pu vivre.

C’est dans ces situations spécifiques que pourrait intervenir POUPI, une peluche pensée pour être un support de reconstruction pour les enfants victimes de la guerre. C’est Anne Merienne, une designer française établie à Rome, qui a proposé l’idée de ce jouet thérapeutique au concours Design Agains War. Il est organisé par l’association humanitaire EMERGENCY, le programme de collecte d’idées SOSDesign, ainsi que la plateforme d’innovation en design Desall.

Petit garçon Syrien. Crédit : Isakarakus.

POUPI est une peluche de 38 cm de hauteur, en laine et coton, destinée aux enfants pris en charge par des organisations humanitaires dans des situations de conflits armés. Des enfants susceptibles d’avoir vécu des drames humains difficilement descriptibles. Elle serait donnée à l’enfant, devenant ainsi parfois son unique propriété et son seul compagnon de vie. Une étiquette est d’ailleurs prévue pour y inscrire le nom de son petit propriétaire. Ses pieds et ses mains seraient aimantés, permettant de les placer sur le corps du jouet sur lequel seraient imprimés des pictogrammes en peinture magnétique.

Poupi est destiné à des petites filles et des petits garçons entre 3 et 6 ans, afin de leur servir d’outil de communication non-verbale. Les adultes pourraient ainsi mieux comprendre leurs envies, leurs besoins et souffrances. En surpassant les barrières linguistiques par son aspect ludique, le nounours faciliterait les relations entre soignants et soignés en communiquant de façon plus légère, moins stressante. En rendant la parole à l’enfant, il pourra le rendre actif de son traitement ou de ses soins médicaux, en le rendant capable de faire des demandes ou d’exprimer ce qu’il ressent.

Crédit : Anne MERIENNE

Répondre efficacement aux besoin des plus petits

À partir de la pyramide des besoins primaires de la théorie de Maslow et des quatorze besoins fondamentaux selon Virginia Henderson, la designer a dégagé 7 pictogrammes censés être reconnaissables pour les plus petits (ce qui devra être testé sur le terrain et adapté au besoin). Selon la pyramide du psychologue Abraham Maslow, les cinq besoins fondamentaux de tous les êtres humains sont hiérarchisés ; d’abord, une personne chercherait à satisfaire ses besoins physiologiques comme respirer ou manger, puis celui de sécurité, d’appartenance et d’amour, d’estime et enfin d’accomplissement de soi. Cette théorie a été remise en question notamment à cause de l’idée de progression qu’elle implique : par exemple, la théorie suppute qu’un être humain n’aurait pas de nécessité aussi vitale de relations sociales que de remplir des besoins physiologiques, alors que l’état dépressif voire le décès de jeunes enfants privés d’interactions sociales suffisantes observés par le psychanalyste René A. Spitz tendent à prouver le contraire, avec une approche des besoins beaucoup plus horizontale.

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Petite fille Syrienne a un bazard dans un camps de réfugiés. Crédit : Jeyeonwon.

Les besoins fondamentaux de Virginia Henderson, quant à eux, ne sont pas hiérarchisés. Sa liste en contient quatorze, à la fois biologiques et physiologiques comme éliminer ou se mouvoir, que psychologiques et sociaux comme apprendre ou se récréer, et même spirituelle comme agir selon ses croyances et ses valeurs. Plus souvent utilisée dans les soins et notamment infirmiers, cette classification a l’avantage d’être plus dynamique. En ce qui concerne POUPI, les 7 besoins que peut exprimer l’enfant grâce à sa peluche sont de manger, de boire, d’éliminer, de jouer, de dessiner, de se divertir, et enfin de recevoir de l’affection. Ainsi, faire entrer le jeu dans le quotidien des plus jeunes victimes de guerre permettrait non seulement de faciliter son rétablissement, mais aussi de l’accompagner dans sa croissance et son éducation. Anne Merienne voudrait permettre à chacun d’entre eux de « retrouver sa place d’enfant et non de victime de la guerre ».

Les enfants, premières victimes de la guerre

Blessés, perdus et isolés à cause du chaos de la guerre, enfants-soldats ou exploités, victimes de violences, parfois même de viols ou de meurtres, les plus petits sont souvent les plus fragiles lorsqu’un conflit armé éclate. De plus, les structures accueillant des mineurs comme les écoles ou les hôpitaux sont régulièrement la cible de destructions et de pillages. En Syrie par exemple, selon l’UNICEF qui défend les droits et la santé des enfants à travers le monde, presque la moitié des personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire sont des enfants. Elle est dispensée sous des formes variées, car les enfants ont des besoins spécifiques à leur âge et leur niveau de développement. Il faut bien sûr répondre à leurs besoins primaires comme l’accès à de l’eau potable ou à des repas adaptés à leur âge et leur condition de santé, mais cela passe aussi par de l’aide psychosociale pour surmonter les traumatismes, jusqu’à des Espaces amis d’enfants pour qu’ils puissent jouer en retrouvant un peu d’insouciance.

Enfant-soldat durant la guerre du Vietnam, 1968. Crédit : Janeb13.

Le concours pour lequel POUPI est proposé, Design against war, invite les designers, les architectes, les graphistes, et toute personne créative à proposer un projet qui « répond aux besoins et désirs de la vie, et des soins, dans les territoires conditionnés par la guerre ». C’est l’association italienne EMERGENCY qui est à l’origine du projet. Crée en 1994, elle offre des soins médicaux et chirurgicaux gratuits et de haute qualité aux personnes touchées par la guerre, les mines anti personnel et la pauvreté. L’organisation milite pour la paix, la solidarité et le respect des droits de l’Homme. Ils sont soutenus par SOSDesign, un programme de collecte d’idées et de financement au bénéfice d’organisations à but non lucratif comme EMERGENCY. Le concours est hébergé par le site Desall. C’est une plateforme de partage de designs promouvant l’innovation. Elle soutient l’initiative en lui fournissant des ressources ainsi qu’une visibilité internationale.

Crédit : EMERGENCY

Le concours Design against war est encore ouvert aux votes. Entre septembre et octobre, trois projets seront sélectionnés pour voir le jour. Même si POUPI n’est pas sélectionné, sa créatrice aimerait quand même pouvoir le réaliser et voudrait connaître les associations qui souhaiteraient participer à la concrétisation de sa peluche humanitaire au service des jeunes enfants.

C.G.

 

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