Durant plusieurs années, elle est restée silencieuse, dans l’ombre du lanceur d’alerte pour protéger le peu de vie privée qu’il leur restait. Mais après de très nombreuses années de discrétion, le secret vole en éclat sous la pression d’une juge britannique en charge du procès du lanceur d’alerte : Stella Morris, une avocate de Julian Assange, révèle être sa compagne et avoir eu deux enfants avec lui. De quoi bousculer son image dans l’opinion et faire évoluer sa situation critique ?
Sous le feu des critiques et des menaces depuis les révélations de WikiLeaks, Julian Assange est un homme mondialement connu et traqué. Les États-Unis veulent le juger pour piratage informatique dans le cadre de lois anti-espionnage ce qui pourrait le condamner à la réclusion à perpétuité. Pourtant, Julian Assange n’a fait que son travail de passeur d’information en exposant des vérités sensibles mais bien réelles. Pendant sept années à compter de juin 2012, le lanceur d’alerte a vécu reclus dans l’ambassade équatorienne de Londres pour se protéger des poursuites abusives lancées contre lui.
Mais le 11 avril 2019, le président équatorien Lenín Moreno décidait soudainement de lui retirer son droit d’asile. Le jour même, Julian Assange était arrêté dans la précipitation par la police britannique. Les images de son visage épuisé faisaient le tour du monde. Depuis, il est incarcéré en détention préventive à la prison de haute sécurité de Belmarsh sans pratiquement avoir de contact avec le monde extérieur tel un vulgaire terroriste. Alors que sa santé se dégrade un peu plus chaque jour, un procès a débuté le 24 février dernier pour statuer sur l’extradition de Julian Assange aux État-Unis (voir notre récent article revenant sur l’affaire).
Le monde ignorait jusqu’ici que le lanceur d’alerte avait eu une vie privée pendant sa période d’enfermement à Londres. Durant le temps qu’a duré son isolement à l’ambassade équatorienne, Julian Assange a fondé une famille et est devenu père de deux fils dans le plus grand secret. Sa compagne, Stella Morris, est une avocate qui faisait déjà partie de l’équipe juridique du lanceur d’alerte en 2011 lorsqu’il était sous le coup d’une accusation de viol qu’il a toujours récusée et qui a depuis été abandonnée. C’est elle qui a pris l’initiative et le risque de révéler l’existence de la famille du fondateur de WikiLeaks.
L’annonce a été postée ce 11 avril dans un article du Dailymail et dans une vidéo sur le compte youtube du comité de soutien de Julian Assange. L’avocate y raconte leur histoire détaillée, la naissance de leurs enfants et comment ils ont préservé tant bien que mal le secret autour de leur famille malgré la surveillance dont ils faisaient l’objet par les autorités et diverses agences de surveillance. Stella Morris a choisi cette date anniversaire pour marquer la première année d’emprisonnement subie par son fiancé. Mais si cette révélation arrive maintenant, la raison en est à chercher principalement du coté de la Justice britannique et l’épidémie de coronavirus y joue également un rôle.
Quatre jours plus tôt, la juge britannique Vanessa Baraitser avait avancé l’hypothèse de lever l’anonymat dont bénéficiaient Stella Morris et ses enfants pour faire pression sur le lanceur d’alerte. Une stratégie judiciaire humainement douteuse. Cette possibilité fut dénoncée immédiatement par la mère du lanceur d’alerte, Christine Assange, qui n’y voyait qu’un moyen pour torturer psychologiquement son fils. Une opinion partagée par Stella Morris qui a alors décidé de prendre les devants et de se dévoiler publiquement, coupant l’herbe sous le pied de la juge.
Et maintenant qu’elle a révélé leur secret, Stella Morris peut se joindre publiquement aux voix qui défendent son compagnon à qui elle ne peut plus rendre visite en prison en raison de l’épidémie de coronavirus. Une maladie qui lui fait craindre pour la vie de Julian Assange dont elle dit qu’il est particulièrement vulnérable en raison d’une maladie pulmonaire chronique exacerbée par les années passées confiné à l’ambassade équatorienne ainsi que des troubles de santé mentale aggravés par l’isolement de 23h30 par jour qu’il subit en prison, sans avoir accès à des soins.
Stella Morris réclame que Julian Assange soit libéré et puisse retrouver sa famille comme le prévoit le plan du gouvernement britannique pour enrayer la propagation du coronavirus dans les prisons en relâchant des milliers de détenus. Une demande rejetée par les autorités britanniques au prétexte que Julian Assange ne purge pas une peine de prison mais se trouve en détention provisoire… Prétexte hallucinant au regard du temps déjà passé en détention provisoire sans jamais avoir été jugé. Une demande de libération sous contrôle judiciaire avait déjà été refusée par la Justice fin mars.
Le procès qui décidera de l’extradition de Julian Assange est suspendu jusqu’au 18 mai. A condition que le lanceur d’alerte échappe au virus. Mais ses nombreux soutiens à travers le monde, en premier lieu desquels se trouve dorénavant Stella Morris, ne désarmeront pas.
S. Barret
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