On croirait cette histoire sortie tout droit d’un film sur l’occupation allemande durant la seconde guerre mondiale. Et pourtant. Cédric Herrou est devenu en l’espace de quelques semaines la figure de proue d’un engagement citoyen qui rejoint une certaine idée de la désobéissance civile. Si les titres de journaux font allusion à la poursuite judiciaire dont est victime cet habitant de Breil-sur-Roya, le motif de celle-ci laisse perplexe, si ce n’est ahuri. L’homme sera en effet prochainement jugé pour « aide au séjour irrégulier ». Son véritable tort ? Être venu en aide à des migrants qui cherchaient à traverser la frontière italienne.

Un homme et une association pour mettre fin à la passivité

C’est une histoire comme seule la législation et la rigidité judiciaire savent en inventer. Depuis la fin du mois d’octobre, Cédric Herrou, agriculteur dans la région du Val Roya, près de la frontière franco-italienne, est poursuivi par la justice française pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour d’étrangers en situation irrégulière » et pour « installation d’une habitation dans des locaux privés« . Connu pour son activité militante dans cette région enclavée de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Cédric Herrou avait déjà fait l’objet d’une interpellation en août dernier pour avoir transporté huit érythréens à bord de son véhicule (l’un des pays les plus pauvres du monde). Il avait alors bénéficié de la clémence de la justice, qui attribue parfois une « immunité » aux passeurs désintéressés qui agissent pour la sécurité et le bien d’autrui.

03_no_namePhotographie : Facebook de Cédric Herrou

Membre de l’association d’aide aux migrants « Roya citoyenne », l’agriculteur de 37 ans se démarque par l’importance et la force de son engagement. Ainsi, sur les dernières années, il aurait accueilli et hébergé chez lui plusieurs dizaines de migrants, répondant fièrement à une invective commune de la fachosphère : « prenez les chez vous« . L’association, quant à elle, lutte pour aider comme elle peut les nombreux migrants qui se retrouvent coincés à la frontière franco-italienne. Nombre de ses membres prennent part personnellement à cette action en ouvrant les portes de leurs maisons au migrants et réfugiés qui frappent aux portes de la ville. En tout, une centaine de personnes s’investissent chaque jour dans cet accueil informel de migrants en situation de détresse.

Un squat et une récidive qui lui valent un procès

Cédric Herrou sera jugé le 23 novembre prochain. L’occupation d’une ancienne colonie de vacances abandonnée de la SNCF afin d’y mettre en place un centre d’accueil et d’hébergement a mis le feu aux poudres. Situé à Saint-Dalmas-de-Tende, le lieu devait devenir un lieu de transit pour les migrants recueillis temporairement par l’association. Alors qu’une cinquantaine d’individus y étaient hébergés, le département ainsi que la région PACA en ont demandé le démantèlement immédiat. C’est alors que Cédric Herrou a été arrêté. Il attend aujourd’hui le verdict d’un procès qui aura lieu le 23 novembre prochain. L’arrestation et le démantèlement par la police avaient donné lieu à quelques mises en garde à vue, mais aussi et surtout à plusieurs reconduites à la frontière italienne. Cédric Herrou, quant à lui, encourt 5 ans de prison et 30 000 euros d’amende. Fin octobre, l’homme et son avocate ont été déposer une main courante contre l’État français, lui réclamant la prise en charge des mineurs réfugiés chez l’agriculteur, que lui-même ne peut plus assurer.

01_no_namePhotographie : Maxppp

Depuis cet événement, Cédric Herrou est devenu une figure de proue de la lutte citoyenne et de l’entraide aux migrants. Les habitants de la région de Breil-sur-Roya, impliqués parce qu’ils sont les premiers spectateurs de la misère de ces migrants qui longent inlassablement les autoroutes alentours, soutiennent l’agriculteur. Certains se rendent eux-mêmes de l’autre côté de la frontière afin d’y opérer des maraudes et apporter leur aide aux migrants. S’ils sont au courant des limites légales de leur action, ils sont également nombreux à soulever qu’ici, la passivité des autorités est inhumaine. Sur la page Facebook de l’agriculteur, les articles et les messages de soutien se succèdent. La page de l’association, également, relaie les informations essentielles, notamment une pétition adressée à Christian Estrosi et appelant à la suppression d’une motion contre l’accueil des migrants en PACA.

À la frontière italienne, près de Vintimille, ce sont depuis 2015 plusieurs dizaines de milliers de personnes qui s’entassent dans l’espoir d’un jour accéder au sol français. Non pas forcément pour y rester, mais pour continuer leur route vers l’Allemagne, ou d’autres pays jugés plus accueillants, et plus porteurs d’opportunités pour ces hommes et ces femmes brisés par des conditions de vie et de transit inhumaines. Mettre fin à la passivité spectatrice vers laquelle nous tendons tous plus ou moins instinctivement, c’est déjà dénoncer l’inhumanité d’un certain quant-à-soi qui ne peut plus durer face aux crises actuelles et à venir. C’était le combat d’une vie pour cet agriculteur au coeur sur la main, violemment arrêté dans son action de désobéissance civile. « Aider ne devrait pas être un droit mais un devoir » a exprimé Cédric Herrou, aujourd’hui emporté dans une tempête judiciaire.

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05_no_namePhotographie : Facebook de Cédric Herrou


Sources : Roya06.unblog.fr / Humanité.fr / Ouest-france.fr

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