Aoste, célèbre marque de jambon nous gratifie d’une publicité qui fait le « badbuzz » depuis quelques jours dans la communauté végétarienne. Simple publicité humoristique ou opportunisme insultant une communauté ? On vous laisse juger par vous-même.
Entre 10 et 15 millions de végétariens en UE
Le végétarisme a le vent en poupe depuis des années. En constante croissance, ils sont entre 10 et 15 millions dans l’Union Européenne (de 2 à 3%). Loin d’un simple effet de mode, c’est le symptôme d’une conscience citoyenne grandissante « encouragée » par les scandales à répétition de l’industrie de la viande. Si le végétarisme séduit de plus en plus de monde, nous pouvons y voir l’addition d’une multitude de facteurs :
Il y a d’abord les éléments révélés par les associations de défense du droit des animaux depuis des années. Conditions d’élevage, de détention, de mise à mort des animaux, les documents ont de quoi interroger les consommateurs sur leur rôle à jouer dans l’industrie de la mort loin de l’idéal d’un élevage équilibré à taille humaine.
L’environnement fait également partie des arguments principaux du choix des végétariens. En effet, la production de viande demande une quantité exorbitante de ressources naturelles et rejette, non seulement du CO², mais aussi des tonnes de lisier qui polluent les nappes phréatiques et de facto, l’eau des rivières puis des océans. En dehors des problèmes locaux comme la prolifération des algues, on notera qu’une large partie de la viande industrielle provient du Mexique et notamment d’Amazonie où la déforestation sert à créer des espaces soit pour placer du bétail, soit pour y faire pousser leur nourriture.
Enfin, vient la critique générale de l’industrialisation d’un point de vue sanitaire. Des consommateurs ont le souci de s’alimenter correctement et de ne plus avaler aveuglément les produits manufacturés dont on ne connait parfois ni la provenance ni la composition. Le souhait de manger local et sainement pousse ainsi des individus à faire une croix sur la viande et beaucoup d’autres à privilégier la qualité à la quantité, l’artisanal à l’industriel.
La publicité originale d’Aoste 2015
https://www.youtube.com/watch?v=SASWK5nIlcI
Le web « végétarien » s’indigne
Les bénéfices du régime végétarien ou même d’une critique de l’industrie de la viande se voit balayé d’un revers de main par ce spot télévisé pour le moins étonnant. Par ailleurs, elle divise la société en 2 classes niant l’existence d’une consommation de viande locale de qualité à échelle mesurée. « Si tu le veux vraiment, fais le… Mais fais-le bien ! » La publicité incite donc au raisonnement binaire : c’est Aoste (l’industrie sous film plastique) ou rien ! Les réactions ne se sont d’ailleurs pas faites attendre et certains sont montés au créneau pour défendre ce mode de vie et incriminer la publicité jugée caricaturale et réductrice.
Un édito publié sur terraeco.net et dont le titre est sans appel « Dis Aoste, tu voudrais pas foutre la paix aux végétariens ? » vient s’inscrire dans ce florilège de réponses outrées par les amalgames véhiculés par cette publicité. En voici un extrait :
« Et non, Aoste, je ne suis pas hippie, je ne suis pas malade, je ne suis pas carencée, je ne suis pas triste, je ne suis pas chiante, je ne suis pas en manque. Et surtout, Aoste, ingurgiter le moindre bout de ton jambon ne me ferait pas pleurer. Pas de joie en tout cas.
Et pourtant, Aoste, c’est à cause de toi, à cause de publicités d’un autre âge comme la tienne, que je dois tous les jours m’expliquer, me justifier, et raconter le pourquoi du comment. A midi, le soir, au restaurant, quand je rencontre de nouvelles personnes. Et j’en ai un peu marre, figure-toi. »
Mais qui est Aoste ?
Consommer du jambon Aoste reviendrait donc à « bien faire les choses » ? Il y a de quoi en douter ! Comme l’explique le mensuel Politis dans son article « Arnaque au ‘Made in France’ agricole et gastronomique » : « le jambon d’Aoste qui a envahi les gondoles des grandes surfaces n’est que le sous-produit d’une multinationale américaine. Ses filiales ramassent des carcasses de porcs dans tous les pays du monde (et en Bretagne) mais le résultat n’a rien à voir avec la charcuterie de la ville italienne d’Aoste dont elle n’a plus le droit de se réclamer après de nombreux procès et surtout l’intervention (en 2008) de la Commission européenne qui a mis fin à cette tromperie organisée par Cochonou et Justin Bridou, saloperies industrielles bien connues et passées sous coupe américaine. Elle a sauvé son appellation trompeuse en installant ses usines dans la commune d’Aoste qui se trouve en Isère ; et vend ses produits sous le nom de « Jambon d’Aoste ». »
Et oui, Aoste n’est ni plus ni moins qu’une filiale agroalimentaire américaine qui produit du « jambon » de la pire des façons qui soit, utilisant comme matière première des porcs issus des élevages intensifs du monde entier. Ces élevages porcins sont connus pour être des enfers sur Terre pour les cochons, tout en étant extrêmement polluants, destructeurs pour l’économie et largement subventionnés par des fonds publics.
Toujours pas convaincu-e-s ? Nous vous proposons également cette enquête sur les méthodes de Smithfield food, le géant américain qui possède Aoste, numéro 1 mondial de la production porcine. Au menu : mort des petits producteurs, amende record pour pollution, peste porcine, lourds traitements médicamenteux, engraissement ultra-rapide au soja OGM…ça donne l’eau à la bouche, non ?
Alors, « badbuzz » programmé par la compagnie pour attirer les regards et alimenter la caricature sur fond d’humour gras ? Stigmatisation ou simple taquinerie ? Chacun verra midi à sa porte. Il est vrai qu’Aoste ne risque pas grand chose… Choquer une communauté qui ne consomme pas ses produits, ça n’est pas bien grave. Mais comment vont réagir les consommateurs éclairés ? Une chose est sûre, faire de la publicité pour du jambon sur le dos des végétariens relève d’un certain cynisme qui n’a pas fini de faire couler de l’encre.
Voilà qui aurait sans doute fait sourire Cabu, végétarien résolu, qui luttait à sa manière contre le beauf moyen et le joug du tout industriel.
Source : terraeco.net