Saviez-vous que le cheveu est un des matériaux offrant le plus de possibilités de recyclage ? Patrick Janssens l’a bien compris. Avec son fils Quentin, ce belge entreprenant a décidé d’investir dans l’économie circulaire en recyclant les cheveux auprès des coiffeurs de tout le Benelux. Zoom sur un projet innovant et inspirant !

« Les cheveux sont infiniment recyclables, absorbants et ultra résistants ». Voici ce que martèle Patrick Janssen, co-fondateur du projet Hair Recycle lancé en 2020 avec son fils, Quentin. Et pour cause : capables de supporter 10 millions de fois leur propre poids, mais aussi d’absorber les graisses, les huiles et les hydrocarbures, les cheveux sont également riches en azote et en kératine. Dotés de propriétés uniques, les cheveux sont aussi capables d’entrer dans la fabrication de nouveaux produits comme des sacs de recyclage biocomposites ou encore de traiter des blessures cutanées.

Un matériau hors du commun

Cette matière première d’exception est pourtant assez peu recyclée à l’heure actuelle, même si différents projets émergent un peu partout en Europe. Après une visite chez le coiffeur, elle finit le plus souvent à la poubelle. Pour pallier ce gâchis, le père et le fils ont pensé à collecter ces cheveux coupés chez quelques coiffeurs de leur quartier.

Photo de cottonbro studio

Déjà sensibles à la raréfaction des ressources, à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et de manière générale soucieux de préserver l’environnement, ils ne se sentent pas en phase avec « notre modèle économique dit linéaire : extraire, fabriquer, utiliser, jeter ». En réaction à cela, ils s’investissent déjà dans des projets d’économie circulaire, proposant de faire de nos déchets de nouvelles ressources et dès lors de changer de paradigme : « extraire, fabriquer, utiliser, recycler, utiliser,… » qui se conjugue à l’infini, ou presque.

Se lancer dans l’aventure de l’économie circulaire

Le projet Hair Recycle émerge en pleine crise sanitaire, durant laquelle leurs autres activités professionnelles, déjà dirigées dans l’économie circulaire et l’entrepreunariat pour la Région de Bruxelles-Capitale, ont du se mettre en pause. « Nous avions du temps à la maison mon fils Quentin et moi. Nous avons alors réfléchi à développer notre propre projet. Après avoir établi une liste de matière à recycler, nous avons choisi les cheveux. Des coiffeurs belges le faisaient déjà avec un partenaire en France mais avec des coûts d’envoi des sacs remplis trop élevés. Les investissements initiaux n’étant pas trop important, nous pouvions démarrer très vite », confie Patrick à Mr Mondialisation.

Le projet Hair Recycle collecte de plus en plus de cheveux en Belgique et ailleurs pour en faire des tapis dépolluants. - Source : Instagram du Projet Hair Recycle : https://www.instagram.com/hairrecycle/
Le projet Hair Recycle collecte de plus en plus de cheveux en Belgique et ailleurs pour en faire des tapis dépolluants. – Source : Instagram du Projet Hair Recycle

Rapidement, le nombre de salons participants se multiplie, pour atteindre aujourd’hui plus de 700 salons de coiffure affiliés au projet en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. En échange, ces derniers ont la possibilité d’afficher sur leur vitrine qu’ils participent à un projet d’économie circulaire et de valorisation de déchets, de quoi démarcher une clientèle engagée. Au total, les deux entrepreneurs recueillent près d’une tonne de cheveux tous les deux mois.

Lutter contre la pollution grâce aux chutes de cheveux

Mais qu’en font-ils ? Principalement des tapis absorbants permettant de dépolluer un environnement aux hydrocarbures. Lipophiles, les cheveux absorbent en effet les graisses, mais aussi l’huile et les hydrocarbures. Selon les mérites dénombrés par Hair Recycle sur le site interne du projet, 1kg de cheveux peut absorber jusqu’à 8 litres de masse graisseuse. La kératine, une protéine, constitue presque l’intégralité du cheveu, ce qui lui confère élasticité, résistance, souplesse et insolubilité dans l’eau.

Les tapis de cheveux recyclés permettent de dépolluer l’eau des hydrocarbures. Source : Instagram du Projet Hair Recycle

Les tapis ainsi créés à partir de chutes de cheveux peuvent être placés dans les égouts pour absorber la pollution présente dans l’eau avant qu’elle n’atteigne une rivière, ou encore être utilisés pour résoudre les problèmes de pollution dus aux inondations et pour nettoyer les marées noires. Patrick et Quentin font une grande partie du travail eux-mêmes, et collaborent également avec des sociétés de distribution ou de confection des différents objets à base de cheveux recyclés.

Une infinité de possibilités

Si les cheveux longs permettent le plus d’utilisation, les cheveux courts et abimés trouvent aussi leur utilité. Au delà du projet belge, il est également possible de fabriquer des paillages pour l’agriculture, car cette matière première est riche en azote, un engrais naturels pour les plantations. Au Pays-Bas ou en France, des entreprises créent des vêtements à partir de cheveux.

Aujourd’hui, le secteur de la santé extrait également la kératine des cheveux pour le traitement des blessures cutanées. C’est le cas de Kerline, une entreprise dotée d’un catalogue de biomatériaux à base de kératine pouvant être utilisés pour la dermocosmétique, la libération de médicaments ou comme source d’acides aminés et de peptides pour des compléments alimentaires.

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« Les pansements à base de kératine sont susceptibles d’améliorer les résultats de cicatrisation et d’éviter les interventions chirurgicales », explique Alberto Del Rio, coordinateur du projet et PDG de Kerline.

Une démarche globale

Pour Patrick et Quentin, l’important est de valoriser des matériaux trop souvent jetés à la poubelle comme de vulgaire déchet. Ils accordent également un grande importance à la dimension locale de leur projet : « Nos produits sont d’autant plus éthiques qu’ils sont fabriqués localement (…) ils ne sont pas importés de l’autre bout de la planète », confiaient-ils à Reuters. « Ils sont créés ici pour résoudre des problèmes locaux ».

Coiffeuse affiliée au projet Hair Recycle. – Source : Instagram Hair Recycle

Plus globalement, le père et le fils ont fait le choix d’intégrer des valeurs environnementales « à chaque étape du développement de l’entreprise et pour chacune de nos décisions », peut-on lire sur leur site internet, depuis la fabrication des sacs en papier recyclé à leur acheminement avec des opérateurs de mobilité douce. Le projet HairRecycle fait partie de l’ASBL (association sans but lucratif) Dung Dung, une initiative familiale portée par Patrick Janssen et son fils aîné.

Plus qu’une fin en soi, ce projet représente pour eux une porte d’entrée vers un monde qui valorise davantage ses richesses.

« Nous espérons que notre projet donnera l’envie à d’autres de commencer un projet de recyclage. Beaucoup reste à faire », assurent-ils pour conclure notre interview.

– Texte rédigé et propos recueillis par L.A.


Photo de couverture de Hair Spies sur Unsplash

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