Avez-vous déjà vu passer une œuvre d’art classique représentant un corps humain dans votre flux d’actualité Facebook ? Peu de chance. En effet, la multinationale censure systématiquement les œuvres dénudées, fussent-elles historiques, pour correspondre à quelques critères du puritanisme américain. Une drôle de priorité qui n’a pas laissé de marbre nos amis belges qui ripostent pour que cessent cette censure d’un pan historique de notre civilisation.
Le Monde selon Facebook commence vraiment à avoir une drôle d’odeur. Alors que le géant des réseaux sociaux vient d’être frappé par une chute boursière historique – 130 milliards de dollars en valeur boursière évaporée – conséquence du peu de respect de la vie privée des utilisateurs par l’entreprise, couplé à une baisse record de croissance, Facebook est également la cible de nombreuses polémiques à travers le monde. Outre le récent cas Nordpress et le blocage de leur site satirique entrainant la suppression de tous leurs articles officiellement en raison d’un « bug » malheureux, c’est donc au tour de la culture de faire les frais de la politique étonnante du réseau social le plus utilisé en occident.
Ainsi, Facebook a récemment censuré un Christ partiellement dénudé peint par Rubens, un monument culturel de la peinture belge flamande du 17eme siècle. Après La liberté guidant le peuple (Delacroix) et L’origine du monde (Courbet), c’est au tour de La Descente de Croix de disparaître du réseau social, sans compter toutes les œuvres méconnues du grand public qui pourraient être censurées sans faire de vague dans l’opinion. Mais les belges ont décidé de ne pas se laisser faire, usant de la dérision pour moquer le géant américain.
La dénonciation par la dérision
Ainsi, la Maison de Rubens d’Anvers, soutenue par plusieurs musées, a initié un mouvement de contestation qui gagne une ampleur médiatique internationale. Le collectif a notamment écrit une lettre ouverte à Mark Zuckerberg pour lui signifier leur colère. « Indécent. C’est ainsi que sont considérés les seins, les fesses et les chérubins de Peter Paul Rubens. Pas par nous, mais par vous« , s’indignent les signataires. « Malheureusement, la promotion de notre patrimoine culturel unique n’est aujourd’hui pas possible sur le réseau social le plus populaire« , regrette à son tour Peter De Wilde, administrateur général de l’office.
Mais ce n’est pas tout. Le groupe a décidé de tourner en dérision le réseau social et ses critères « farfelus » de modération dans une vidéo tournée au cœur même du musée consacré à Rubens. Dans cette parodie, on peut y voir des agents du FBI (Facebook Intelligence) qui interviennent dans le musée pour empêcher les visiteurs – possédant un compte Facebook – de regarder les toiles de nus, et éviter ainsi le choc d’une telle vision… Si une telle censure semble bien ridicule dans le monde réel, pourquoi le serait-ce moins dans le monde des réseaux sociaux ? Au nom de quelle morale supérieure la nudité dans l’art devrait-elle être censurée ? La question reste en suspend, dans l’attente d’une réponse de Mark Zuckerberg.
Naturellement, si les auteurs semblent réagir à cette censure avec humour et second degré, elle a des effets profondément négatifs sur la société. Facebook reste le réseau social le plus utilisé en occident, ce qui fait qu’il accapare par conséquent une très grande part du temps de cerveau disponible des individus. Il sont 34 millions d’utilisateurs actifs chaque mois en France ! En éliminant ces œuvres de l’équation, tout en portant en avant les contenus à fort potentiel de buzz, on enferme peu à peu les individus dans une bulle aseptisée et absurde. La culture ne peut survivre sans les citoyens pour la porter, pour l’observer et la faire vivre. C’est également notre rapport à la nudité, notre nature profonde, qui est questionné. Au nom de quoi un Belge ou un Français moyen devrait-il se soumettre au puritanisme exacerbé, propre à la culture d’entreprise américaine ?
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