Le 8 octobre 2020, le Parlement européen a voté en faveur de la Loi Climat. Cette nouvelle législation vise à contraindre juridiquement l’Union européenne (UE) à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux des années 1990. Bonne nouvelle ? Oui et non. Selon Youth For Agroecology, une coalition de plus de 20 millions de jeunes européens engagés pour l’écologie, cette loi ne saurait s’appliquer si elle n’est pas accompagnée d’une refonte totale de la Politique Agricole Commune (PAC). Explications.

Le 8 octobre 2020, le Parlement européen a voté en faveur de la Loi Climat. Elle vise à contraindre juridiquement l’Union européenne (UE) à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux des années 1990. L’objectif de cette nouvelle législation ? Rendre contraignante la promesse politique de la neutralité climatique en Europe d’ici 2050, mais également offrir aux citoyens et aux entreprises de l’UE la sécurité juridique et la prévisibilité dont ils ont besoin pour planifier la transformation.

Certes, c’est une grande avancée. Or cette loi n’aura aucune effectivité si elle ne s’accompagne pas d’une refonte totale de la Politique Agricole Commune (PAC), à travers le prisme des enjeux écologiques. C’est pourquoi Youth For Agroecology, une coalition de plus de 20 millions de jeunes européens engagés pour l’écologie, appellent les eurodéputés français à voter pour une PAC écologique, inclusive et respectueuse des générations futures… ce dont elle ne semble pas prendre le chemin à l’heure actuelle, soutenant toujours majoritairement les techniques industrielles les plus polluantes au nom de la croissance et du productivisme.

La PAC : un outil majeur de transformation de notre société

Generation Climate Europe est la plus grande coalition d’ONGs jeunes au niveau européen : soit 460 organisations nationales à travers tous les Etats membres et 20 millions de jeunes Européens. Son but ? Agir lors des actions fortes de l’UE portant sur les enjeux climatiques et environnementaux. Quant à Ymmediat, c’est un youth-led think et do tank français de la transition systémique. Ensemble, ces deux organisations se sont réunies pour pousser l’UE à développer une agriculture durable, à travers la campagne #YouthForAgroecology #AreYouConnected. 

Leur constat est le suivant : sans changement radical de la Politique Agricole Commune (PAC), il est impossible d’atteindre les objectifs fixés par la Loi Climat récemment votée par l’UE. En effet, l’agriculture représente 17,8% des émissions de gaz à effet de serre en France. Parmi ces émissions, on trouve du dioxyde de carbone (CO2), mais aussi du méthane et du protoxyde d’azote. Ces deux derniers sont produits en moins grande quantité que le CO2, or leur pouvoir réchauffant de réchauffement global est beaucoup plus important : il est 30 fois supérieur pour le méthane, et 300 fois supérieur pour le protoxyde d’azote.

Le secteur de l’agriculture constitue donc un réel enjeu de transition écologique. Et, selon les membres de la coalition Youth for Agroecology, la PAC est un outil majeur de la transformation de notre société car il détermine l’orientation prise par les agriculteurs sur le terrain. Créée à l’origine, en 1962, pour développer et soutenir les agricultures des Etats membres, cette politique doit nécessairement évoluer en prenant en compte les enjeux climatiques et environnementaux d’aujourd’hui. En effet, premier budget de l’Union européenne (soit près de 350 milliards d’euros sur sept ans), la PAC ne semble toujours pas être à la hauteur. Elle ne permet ni aux agriculteurs de vivre dignement, ni d’endiguer le changement climatique. Elle entretient un modèle d’agriculture à l’origine de la dégradation des sols et des pollutions, mais aussi de l’effondrement de la biodiversité. Surtout, la crise sanitaire du Covid-19 nous l’aura démontré : elle empêche la souveraineté alimentaire, en maintenant notre dépendance aux importations.

Après deux années de travail au Parlement Européen, les trois groupes parlementaires dominants au Parlement Européen, représentés en France par M. Bellamy (Les Républicains), Mme. Guillaume (Parti Socialiste) et M. Canfin (La République en Marche) ont, mardi dernier, succombé aux sirènes des lobbies industriels. Ils se sont entendus sur des mesures qui empêcheront d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ce compromis porte directement atteinte à la protection de la biodiversité ainsi qu’au droit des générations futures à une alimentation saine. Un groupe d’eurodéputés s’est insurgé hier, dans la tribune « Politique agricole commune : empêchons une erreur historique ! » :

« Les prairies permanentes, qui stockent du carbone, seront encore moins protégées que par le passé et les surfaces minimales indispensables pour la biodiversité ne seront pas garanties. Les conditionnalités d’octroi des aides liées aux bonnes pratiques environnementales sont en recul et les nouveaux « écorégimes » , censés financer l’adoption de pratiques plus vertueuses pour l’environnement, seront définis indépendamment par tous les États, renforçant ainsi les distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne et ouvrant la porte à des logiques de « greenwashing » ! Enfin, aucun changement structurel n’est attendu concernant la répartition des aides : les montants alloués aux petites exploitations s’annoncent toujours aussi dérisoires et le plafonnement des aides aux grandes exploitations toujours aussi inopérant. »

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Il n’est pas trop tard !

Mais il n’est pas trop tard ! Hier, mardi 20 octobre (et ce, jusque vendredi), le Parlement Européen a commencé à voter les amendements de le PAC. L’enjeu est conséquent : c’est la PAC, premier budget de l’UE, qui déterminera en grande partie les politiques agricoles françaises pour les sept prochaines années. Et, au vu de l’urgence climatique et sociale, nous ne pouvons nous permettre de perdre sept années de plus.

Les jeunes engagés dans la campagne Youth For Agroecology se battent alors, tout au long de cette semaine, pour fissurer ce compromis. Pour que la nouvelle PAC ne soit pas plus désastreuse encore que la précédente. Pour inventer un nouveau modèle agricole plus respectueux des agriculteurs et de l’environnement. L’objectif ? Que 50% du budget de la PAC soit enfin redirigé vers des mesures à impact positif pour la réduction du réchauffement climatique, la préservation de la biodiversité, la fixation du carbone dans le sol et une agriculture plus soutenable pour les agriculteurs.

Il est donc capital que les eurodéputés français respectent leur parole et s’engagent pour une agriculture durable en ne soutenant pas des amendements dont l’impact serait destructeur, à l’image de l’ensemble du compromis négocié mardi dernier. Les amendements dits « catastrophes » sont les suivants : 12 p. 7, 28 p. 19, 65 p. 36, 86 p. 46. Surtout, Youth For Agroecology appelle les députés à renvoyer la PAC dans les mains de la Commission Européenne en votant pour l’amendement 1147, afin que la PAC soit enfin un outil du pacte vert européen (Green New Deal).

Cet appel est l’un des piliers de la campagne Youth for Agroecology, lancée il y a quelques mois pour promouvoir l’agro-écologie au niveau de l’Union européenne. Il vient poursuivre le travail engagé sur ce sujet auprès des députés par la rédaction d’amendements au texte de la PAC, ainsi qu’à la réalisation d’une action commune avec la plateforme Good Food Good Farming et le think tank European Environmental Bureau.

Une PAC à la hauteur de la situation

S’il peut être difficile de saisir concrètement à quoi ressemblerait une PAC à la hauteur de la situation, certains eurodéputés s’en sont chargé pour nous :

« Celle-ci sortirait l’agriculture du modèle du libre-échange, en régulant les marchés pour aider les femmes et les hommes qui travaillent à retrouver un prix juste pour leurs produits et pour permettre à l’Europe d’atteindre sa souveraineté alimentaire.

Elle développerait massivement les circuits courts comme outil central du développement rural. Elle s’appuierait sur une autre répartition des aides captées aujourd’hui par les très grandes exploitations au détriment des plus petites. Elle ferait de l’agriculture un véritable vivier d’emplois décents, durables et non délocalisables.

Elle consacrerait une part massive de son budget à accompagner les paysans et les paysannes dans la transition agroécologique et refuserait de continuer à financer un modèle d’élevage industriel désastreux pour la planète et pour les animaux.

Elle mettrait en place une conditionnalité sociale pour améliorer les conditions de vie des travailleurs agricoles. Elle renforcerait réellement la conditionnalité environnementale, en introduisant par exemple une obligation de rotation des cultures longues et en consacrant des espaces indispensables pour la biodiversité.

Elle s’alignerait enfin sur les objectifs affichés par la Commission européenne en matière de pesticides (au moins 50 % de réduction d’ici à 2030), dans le développement de l’agriculture biologique (au moins 25 % de surfaces en agriculture biologique d’ici à 2030) ou dans le renforcement du soutien aux productions végétales pour l’alimentation humaine. Il y a tant à faire. »

– Camille Bouko-Levy
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