« Tueurs Sexy » : buzz mondial autour d’un film sur l’industrie indonésienne du charbon

En Indonésie, un documentaire exposant les dégâts importants provoqués par l’extraction de charbon, roche fossile dont le pays est dépendant pour sa production d’électricité, rencontre un large succès depuis le mois dernier. L’Indonésie est aujourd’hui le 5e émetteur de CO2 au monde tout en rencontrant un problème de déforestation majeur.

Depuis 2015, les réalisateurs Dandhy Dwi Laksono et Ucok Supartales ont traversé les provinces d’Indonésie afin de rendre compte des enjeux environnementaux qui concernent le pays. Sexy Killer, qui met en lumière les conséquences de la dépendance du pays au charbon, constitue leur dernière publication sur une série de 12. En quelques semaines, le film choc est devenu viral sur internet au point de toucher le reste du monde.

D’abord projeté publiquement dans près de 500 lieux, le film a été mis en ligne sur YouTube le 13 avril dernier par la société de distribution Watchdog, et visionné 20 millions de fois depuis. Ce succès n’a pas été freiné par la tentative des autorités locales d’empêcher la tenue de diffusions publiques, prétextant « un discours haineux » et un film dont les enjeux seraient politiques, deux semaines avant la tenue des élections présidentielles, qui ont finalement reconduit Joko Widodo aux pouvoirs.

Le candidat proposait « un ambitieux projet de modernisation des infrastructures » ainsi que de nombreuses propositions « en matière de protection sociale et de lutte contre la pauvreté » ce qui lui a permis « de conserver le soutien d’une grande partie des classes les plus défavorisées », rapporte Le Monde.

Source : capture décran « Sexy Killer »

L’histoire d’une dépendance énergétique

Sexy Killer expose les pollutions engendrées par la dépendance du pays au charbon. Environ un tiers de l’électricité de l’Archipel indonésien où vivent 264 millions d’habitants provient de centrales à charbon. Par ailleurs, le pays est le premier exportateur mondial de charbon. Mais ce modèle énergétique se paie au prix fort, tant d’un point de vue environnemental, social que sanitaire. Pour assouvir les besoins, les forêts sont rasées et les eaux polluées. Les communautés locales qui vivent à proximité des installations souffrent des dégâts provoqués par ces pollutions, mais n’ont que rarement voix au chapitre. Elles sont parfois expulsées de force. L’emblématique Bornéo n’est pas épargnée.

Le documentaire de Dandhy Dwi Laksono et Ucok Supartales expose donc le gigantisme de l’industrie du charbon, depuis les sites d’extraction jusqu’aux centrales à charbon en passant par les énormes bateaux de transport. Leur puissance économique et politique semble totale là où elles sévissent. Tout en rappelant que cette source d’énergie, qui met plusieurs centaines de millions d’années à se former par accumulation et sédimentation des végétaux, est désormais exploitée à une vitesse record par les sociétés thermo-industrielles.

Le film dénonce également des faits de corruption dans les plus hautes sphères du pouvoir ainsi que la collusion entre les entreprises du pays et certaines membres du gouvernement. Mais en dépit des accusations ainsi que de la mise en cause du modèle énergétique du pays, les deux candidats à la présidentielle ont largement éludé les questions climatiques pendant leur campagne, souligne l’ONG 350.org. Ici aussi, ces questions sont reportées à plus tard ou traitées avec légèreté.

Source : capture décran « Sexy Killer »

Une prise de conscience qui ne freine pas les activités d’extraction

Si les mobilisations locales se multiplient pour dénoncer les effets destructeurs du charbon, la réélection du président sortant sur un programme visant à accélérer le développement du pays illustre avant tout la volonté de la population de se maintenir dans la course économique mondiale. Ici aussi, la « Croissance » prime avant tout le reste. Qui osera alors renoncer à une énergie bon marché qui gît sous les pieds mêmes du pays ? Certes, l’Indonésie est parfois citée pour son fort potentiel géothermique, cette source d’énergie étant aujourd’hui à l’origine d’environ 5 % de son électricité. Mais cette technologie peine à concurrencer le faible prix du charbon, dont la transformation en électricité revient environ trois fois moins chère. Faut-il alors s’étonner que le pays fasse le pari du charbon pour les années à venir et continue à construire de nouvelles centrales au mépris de ses engagements environnementaux pris à la COP21 ? Dans tous les cas, le buzz autour de ce documentaire indépendant démontre qu’une part importante de la population s’inquiète de l’avenir de leur pays.

Source : capture décran « Sexy Killer »

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