Le 20 Juillet, une bombe humaine a tué 32 jeunes socialistes turques à Suruç, qui s’apprêtaient à partir à Kobané (Kurdistan syrien) afin de participer à sa reconstruction. Alors que tout indique que les auteurs de l’attentat sont des membres de l’État islamique, le gouvernement Erdogan concentre sa répression…contre les Kurdes et les opposants politiques de gauche.

Un élan de fraternité brisé dans le sang

Le 20 Juillet, un attentat-suicide a fait 32 morts et plus d’une centaine de blessés à Suruç, en Turquie. Les victimes sont en grande majorité des jeunes qui s’étaient rassemblés à l’appel de l’association « Jeunesse Socialiste » pour aller aider à la reconstruction de Kobané. La ville fut presque entièrement rasée par la guerre civile qui opposa les milices de l’État islamique (EI) aux combattant(e)s Kurdes du Yekîneyên Parastina Gel (YPG, « unités de protection du peuple », branche armée du « Parti de l’union démocratique », mouvement politique kurde syrien).

surucUneActivistes de Suruç, avant l’attentat  – Source : http://kedistan.fr/2015/07/21/massacre-suruc-31-sourires-disparus/

Les YPG, dont 40% des combattants sont des femmes, ont combattu et repoussé à quatre reprises les islamistes de l’EI depuis 2014, mais les affrontements ont laissé la ville en ruines. De par son importance stratégique et les forces qui s’affrontent (islamistes ultra-réactionnaires vs combattants progressistes et féministes), Kobané fut surnommée la « Stalingrad du Moyen-Orient » par certains observateurs.

L’heure est donc à la reconstruction, et plus de 300 jeunes turcs s’étaient rassemblés à Suruç pour une conférence de presse avant le départ pour Kobané. Par vengeance, semble-t-il, l’EI a donc tenté d’anéantir ce mouvement de fraternité. Parmi les jeunes victimes : des étudiants, des professeurs, des travailleurs, des syndicalistes, des militantes féministes et LGBT…des manifestations d’indignation se sont déroulées dans de nombreuses villes du pays, parfois dispersées avec violence par la police. Comme l’étaient également les manifestations de soutien à Kobané, sévèrement réprimées par les policiers turques, accusés de torture et de répression politique contre les Kurdes et leurs soutiens. Des marches ont également eu lieu dans de nombreux autres pays, notamment à Paris.

suruc1Manifestation de soutien à Suruç  – Source : http://kedistan.fr/2015/07/21/massacre-suruc-31-sourires-disparus/

Les Kurdes : principales cibles du gouvernement Erdogan

Depuis l’attentat-suicide, la Turquie a annoncé qu’elle était entrée en guerre contre l’EI et a reçu le soutien de l’OTAN, tout particulièrement de la France. Hors, dans les faits, les principales cibles des bombardements sont les forces Kurdes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, marxiste, qui milite pour les droits des Kurdes) et des YPG. En parallèle, une opération policière de grande ampleur fut lancée pour réprimer les activistes turcs de gauche, souvent acquis à la cause Kurde en plus d’être opposés à la politique réactionnaire, nationaliste et libérale du Président Erdogan – un Président à la fois proche des États-Unis et des milieux islamiques radicaux.

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Erdogan profite ainsi de l’attentat pour réprimer ses ennemis politiques, jetant dans le même sac les égorgeurs de l’EI et les forces armées Kurdes, qui se sont pourtant portées au secours des populations civiles menacées par les islamistes (notamment à Kobané), et sont encore aujourd’hui les principales forces de résistance à l’avancée de l’EI dans la région. Un double jeu nullement dénoncé par la coalition occidentale, comme en témoigne ce soutien appuyé de François Hollande, dont la politique étrangère belliciste semble se situer dans la droite ligne de son prédécesseur.

Il est important de préciser que le régime Erdogan est souvent accusé d’une certaine complicité avec les djihadistes : fourniture d’armes, soins des blessés, soutien économique, laissez-passés à la frontière, bombardements des combattants opposés aux djihadistes…

Voici quelques portraits des militants qui furent assassinés le 20 Juillet. Retrouvez la totalité des portraits dans cet article : Les jeunes victimes de Suruç ont un nom et un visage.

suruc4« Murat Yurtgül. Originaire de Mardin, il était en dernière année de psycho à Istanbul. Il jouait du violoncelle, était passionné de théâtre et de lectures. »
Source : https://eksisozluk.com/murat-yurtgul–4861085

suruc3« ‘Süleyman Hoca’, ‘maître Süleyman’ comme disent les élèves turcs, Süleyman Aksu, 28 ans.
Il était professeur d’anglais au lycée de Yüksekova (dpt de Hakkari) et responsable local du syndicant d’enseignant Egitim-Sen. »

Source : http://www.tarafsizbolge.com/gundem/suruc-ta-ingilizce-ogretmeni-suleyman-aksu-da-oldu-h31365.html

suruc2« Hatice Ezgi Saadet, 20 ans, de milieu alévi, étudiante en histoire de l’art à l’université Mimar Sinan à Istanbul, membre de Sosyalist Gençlik Dernekleri Federasyonu.
Elle était heureuse de participer à la reconstruction de Kobanê, de participer à une révolution, en tant que femme et féministe. »


Sources : kedistan.fr / humanite.fr / susam-sokak.fr

Photo Une : http://www.lesechos.fr – AFP/ BERTRAND GUAY

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