Fin Février, le Street Artiste Monsieur BMX a posé son premier caddie solidaire à Paris, faisant suite à de nombreuses œuvres similaires à Montpellier. Nous avons rencontré l’artiste montpelliérain dont le projet solidaire fait aujourd’hui le buzz sur les réseaux sociaux. Interview.
Rue de Paradis à Paris, Monsieur BMX, trentenaire à la barbe grisonnante scrute les murs avec son ami Paulo. Il recherche l’endroit idéal où placer son chariot de supermarché. À côté d’une supérette, il repère un mur qui lui convient, les deux hommes retournent au camion de Paulo pour chercher le matériel. À l’intérieur du véhicule, un caddie coupé dans le sens de la longueur, mais aussi une pile de vélo.
« J’ai déjà posé un vélo hier et je compte en poser d’autres dans le week-end sur Paris » explique-t-il. L’artiste s’est fait connaître à Montpellier pour encastrer des vélos sur des murs dans toute la ville, en référence à son nom d’artiste : Monsieur BMX. « Avant je graffais et puis j’ai décidé de passer à quelque chose de supérieur avec les vélos », c’était il y a 6 ans.
Mais aujourd’hui, il fait le déplacement pour un tout autre projet. Monsieur BMX prend sa moitié de caddie tandis que Paulo porte un sac de nourriture et des outils, ils se dirigent vers le spot repéré plus tôt. En chemin il explique : « l’idée c’est de mettre un caddie, que les gens qui peuvent y mettent de la nourriture et que ceux qui en ont besoin se servent ». Les deux amis arrivent sur place et déballent les outils, l’artiste commence par percer le mur tandis que Paulo fait le guet. L’action est illégale et le jeune homme a déjà des ennuis judiciaires à Alès. Peu importe, le jeu en vaut la chandelle. Il repère une employée de magasin au téléphone et demande à son acolyte d’aller voir si elle n’appelle pas la police. Paulo s’avance l’air de rien vers elle pour épier la conversation et revient bredouille « Nan t’inquiètes ».
Il finit de percer et applique maintenant de la colle afin de fixer le caddie. Une fois terminé, il graffe « Pour ceux qui en ont besoin » juste au-dessus. Il s’éloigne alors accompagné de Paulo : « On va attendre que ça sèche avant de mettre la nourriture dedans ». L’œuvre n’est même pas finie qu’un groupe de jeunes intrigués s’avance vers l’objet. À une dizaine de mètres, Monsieur BMX les met en garde « Attention les jeunes, la colle n’est pas sèche ». Message reçu, ils passent leur chemin, amusés.
Deux minutes plus tard, la colle a séché et il empoigne un sachet de provisions pour remplir le caddie une première fois. « Le fait de mettre des choses dedans, ça incite les gens à donner ». Pourtant, ce n’était pas le but recherché par l’artiste à la base, lors de la pose de son premier caddie, il y a 2 ans à Montpellier : « Je voulais faire une action one shot et symbolique. Je pose le caddie, je mets la nourriture et en fait, au bout de 2 minutes, il y a une femme qui passe avec ses courses, voit le caddie et décide de déposer un paquet de gâteau ». L’artiste s’en rappelle de manière émue « Et là le projet a pris une tout autre dimension ! On a beau nous dire qu’on vit dans un monde capitaliste et individualiste, la solidarité est encore là, les gens ont envie de donner ! » Il garde cette image en tête et décide par la suite d’en faire un projet participatif.
Par la force des choses, le concept buzz sur internet et l’artiste reçoit de nombreux messages de soutien dont ceux de l’acteur Guillaume Canet. Il en est persuadé, ce n’est que le début, il souhaite pouvoir faire entrer son œuvre dans la légalité : « J’espère vraiment que des mairies ou privés vont s’y intéresser. À Sète, le gérant d’un magasin était intéressé pour en faire poser un dans son commerce ». L’objectif : faire installer ses dispositifs partout ou des gens le souhaitent, mais l’artiste est ferme sur un point et ne souhaite pas se faire rémunérer ! « Hier, j’ai posé un vélo pour une entreprise tu vois, j’ai été payé, mais les caddies c’est autre chose, c’est comme les restos du cœur. Si on me demande d’aller en installer, j’irais le faire gratuitement et accessible à tout le monde, jamais je me ferais payer pour les caddies ».
Le caddie rue de Paradis à Paris installé, l’artiste ne compte pas en rester là et se rend dans le magasin à côté. Il s’adresse à un vendeur, lui explique son projet et demande s’il serait possible de laisser les invendus dans le caddie. Le marchand le regarde souriant et l’amène dans un rayon ou un petit caddie est rempli de produits « Ici à la fin de la journée, on donne tout ça aux SDF, même des produits qui ne sont pas du tout hors date de péremption. Un responsable n’est pas content, mais on le fait quand même ». Monsieur BMX lui fait une accolade et lui montre son installation dehors très bien accueillie par le personnel du magasin.
Il s’éloigne avec son ami Paulo qui lui fait remarquer « Et ben, sans le vouloir t’as mis ton caddie dans un super endroit ». L’artiste réplique « Ça fait trop plaisir de voir ça, ils sont au top ». Il faut dire que la grande distribution, il connaît « J’ai bossé chez Liddl, j’ai vu le gaspillage alimentaire, ce n’est pas normal cette société où on t’esclavagise pour une misère dans ce genre de boulots où tu jettes pleins de nourriture ». Il garde une douloureuse expérience de ce travail et comme revanche sur l’enseigne annonce amusé « Tous les caddies que j’utilise c’est des Liddl ! »
Les deux compères finiront la journée autour d’un verre et à peine une heure plus tard, les produits déposés dans le Caddie ont été pris et ont laissé place à des nouveaux. Une réussite pour cette première de Monsieur BMX dans la capitale.
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