Sous les ponts, dans les rivières, ou aux bords des voies ferrées, les déchets s’amassent par milliers. Quotidiennement, Ann-Laure Furnelle s’attaque à ces sources de pollutions de manière bénévole. Rencontre avec cette belge considérée « chômeuse » aux yeux de la société mais qui déborde d’activité !
Ann-Laure Furnelle n’est pas une citoyenne comme les autres. Au chômage depuis quelques années, elle a décidé de s’engager de manière positive pour la communauté. Pratiquement tous les jours, elle sort de chez elle pour ramasser les déchets abandonnés dans les bois, campagnes et rivières. Son engagement bouleverse tous les clichés. C’est pleine de bonne humeur et d’ironie qu’elle a bien voulu nous expliquer sa démarche.
Lutter contre les pollutions marines
« À l’aube de mes 40 ans, j’ai appris l’existence des gyres de plastiques dans les mers et les océans. 80% des déchets aquatiques marins proviennent des continents ! » C’est à ce moment là que Ann-Laure Furnelle a décidé de s’attaquer personnellement à la problématique : « J’ai regardé par la fenêtre et l’aventure a commencé ! » Depuis 2012, elle ramasse inlassablement et avec courage les détritus laissés dans la nature par des personnes peu consciencieuses. « Depuis cette date j’ai enchaîné les chantiers et c’est devenu une aventure quotidienne. Les sites sont nombreux, routes de campagne, abords de parkings, abords des hypermarchés, bretelles d’autoroutes, forêts, bois et bien sûr les rivières » nous raconte elle.
Ce qui est particulièrement remarquable, c’est que « tout ce travail est réalisé de manière bénévole ». Jusqu’à présent Ann-Laure Furnelle « est sans cesse à la recherche d’un employeur, mais en vain ». Son engagement n’est pas reconnu, au contraire : « j’ai même perdu mes allocations de chômage pour une période de 13 semaines car je n’ai pas envoyé suffisamment de CV« . De ce point de vu, « la Belgique est un pays extrêmement compliqué et surréaliste » regrette-elle. En fondant une ASBL du nom d’Aer Aqua Terra, elle espère pouvoir créer prochainement un emploi. Mais les barrières sont encore nombreuses. En effet, jusqu’à présent, elle n’obtient pas de soutien de la part des collectivités et l’économie du projet repose entièrement sur les dons.
Des déchets omniprésents dans la nature
Les quantités de déchets ramassés sont impressionnantes : plusieurs tonnes par an. Sur les routes, Ann-Laure Furnelle ramasse des cannettes, des bouteilles plastiques, des gobelets, des paquets de cigarettes, des mégots et des sacs poubelles. La situation n’est pas bien meilleure en ce qui concerne la surface des rivières. Parmi les trouvailles les plus fréquences, des bouteilles en plastique, des balles en polystyrène, des bidons de produits toxiques, des coton-tiges ou encore des briquets. Et puis, ce qu’Ann-Laure appelle les « OFNI’s », c’est à dire des « Objets Flottants Non Identifiés« . Mais les endroits les plus pollués son généralement les lits de rivière. On y retrouve pêle-mêle des sacs plastiques, des lingettes, des bas en nylon, des vêtements, et des piles. « Tout ce que peut contenir une maison avec garage », résume tristement Ann-Laure Furnelle.
Cette liste est sans équivoque : de nombreux objets de notre quotidien terminent dans la nature. Les raisons sont multiples : manque d’éducation, trop peu de volonté ou encore refus de se rendre dans les décharges pour se débarrasser des produits chimiques. Ce manque de respect vis à vis de nature qui nous entoure à ses coûts. Les nappes phréatiques ainsi que les sols sont pollués, parfois pour de très longues durées et de manière irréversible à l’échelle humaine. La faune en souffre également puisque les plastiques sont ingérés par les animaux. Finalement, ces matières étrangères finissent dans la mer et participent aux désastres écologiques que sont les gyres de plastique.
En ce qui concerne Ann-Laure, celle-ci continue de vivre en situation précaire en dépit de ses engagements. En 2016, elle remportait l’Eco-Citizen Award au Prix belge de l’Energie et de l’Environnement. Une récompense symbolique qui démontre qu’une situation de chômage ne signifie pas nécessairement l’inactivité. Bien au contraire, en dehors du cadre strictement productif du travail et sa domination sur nos vies, nombre de citoyens réalisent une activité non marchande mais combien vitale pour la société. Reste alors ce triste paradoxe : c’est l’activité humaine productive dans son ensemble, que nos institutions économiques chérissent tant, qui est également la principale cause de pollution dans le monde.
Sources : Toutes les photographies à la discrétion de l’ASBL Aer Aqua Terra / Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation