On pourrait titrer cet article « Le fabuleux destin de la famille Poussin » ! En effet, ce n’est pas une famille tout à fait comme les autres…. De 2001 à 2004, Sonia et Alexandre Poussin traversent l’Afrique à pieds du sud au nord, nous livrant une histoire exceptionnelle, riche en humanité, en rencontre et en expériences riches de sens. Quelques années plus tard, ils réitèrent l’expérience à Madagascar…
C’est ainsi qu’un beau matin, une famille française part du cap de Bonne Espérance pour rejoindre le mont des Béatitudes, dans les pas des premiers Hommes, le long de la vallée du Rift. Objectif : traverser l’Afrique à pied ! 3 ans et 3 mois plus tard, après 14 000 kilomètres parcourus et 1200 familles rencontrées, leur « Africa Trek » prendra fin en donnant naissance à deux best-sellers, à un documentaire et surtout à une petite fille, Philaé (hommage à l’île égyptienne dédiée à Isis), conçue durant leur traversée de l’Égypte. Leur souhait à l’époque : donner une image plus positive du continent africain et de ses habitants, une mission largement réussie.
Le père, Alexandre Poussin, n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai. Celui à qui on annonce, à l’âge de 13 ans, qu’il ne marchera sans doute plus jamais suite à une chute, se lance 10 ans plus tard dans un tour du monde à bicyclette pour voir le monde de ses propres yeux. Véritable casse-cou, il passe ensuite de l’escalade nocturne des monuments parisiens à la traversée de l’Himalaya, du Bhoutan au Tadjikistan; 5000 kilomètres parcourus à pieds durant 6 mois.
Aventuriers chevronnés ayant le voyage dans la peau, ils ont décidé, 10 ans après « Africa Trek », de réitérer l’expérience à Madagascar, « l’île continent », accompagnés cette fois-ci de leurs deux enfants, Philaé, 11 ans, et Ulysse, 8 ans (prédestinés, donc, à faire un beau voyage). Mada Trek est un périple de 16 mois avec pour objectif de mettre en lumière douze associations humanitaires œuvrant à la reconstruction du pays, à la préservation de l’environnement et à l’amélioration des conditions de vie des populations locales, des laissés pour compte et des plus vulnérables.
Au rythme d’une charrette construite de leurs mains avec l’aide de menuisiers locaux, et tirée par Babord et Tribord, leurs deux zébus, la famille Poussin a lancé ce pari fou de récolter des fonds en faveur des missions d’urgence réparties sur le territoire malgache. L’étape symbolique des 1000 kilomètres de marche vient d’être franchie et 10 000 euros de dons ont d’ores et déjà été récoltés grâce à de généreux donateurs sur le site de financement participatif Ulule, puis reversés sans attendre aux associations locales.
Parmi elles : l’ASA, qui offre un métier, un avenir et 5 hectares de terres cultivables dans l’ouest de l’île à des familles déshéritées des bidonvilles; l’Ar-Mada, une mission médicale comptant 15 professionnels de la santé qui prodiguent des soins aux populations les plus modestes et qui luttent contre la malnutrition des jeunes enfants et des nourrissons; Trait d’Union Humanitaire, qui offre chaque jour un repas aux enfants des rues et qui souhaite louer un dortoir afin de les extraire de la violence, du froid et de la prostitution qui les guettent; La mission franciscaine de Berev et sœur Miranda qui prévoient de construire un dispensaire afin d’accueillir les familles en état d’urgence; Grandir Dignement, qui améliore les conditions carcérales des mineurs vivant dans des conditions déplorables et leur offre éducation et formation professionnelle en vue de leur réinsertion dès leur sortie de prison; Aïna enfance et avenir, qui s’occupe des très jeunes filles-mères souvent rejetées par leur famille en accueillant leurs nourrissons à la crèche, leur permettant ainsi de poursuivre des études et de chercher du travail et enfin Asmada, qui prévoit la reforestation de la commune rurale de Masindray avec le ravintsara, une sorte d’eucalyptus et Humada, qui travaille à la construction d’un bloc chirurgical, d’établissements scolaires et de structures sanitaires.
Comme l’expliquent très bien les Poussin : « Famines et crises sanitaires chroniques font partie intégrante de leur vie. Nous ne pouvons pas nous contenter de passer et d’en être les témoins impuissants. Nous voulons aussi témoigner et nous rendre utile en faisant connaitre, par cette collecte, ces projets. Leur point commun est qu’ils essaient tous d’être un îlot de résistance dans cet océan d’abandon. »
Sonia et Alexandre Poussin s’intéressent d’ailleurs particulièrement aux phytothérapies locales et aux praticiens traditionnels capables de mettre au point des traitements tirés des plantes endémiques. Ils ont emmené avec eux des gélules d’artémisia annua faites maison, une plante aux propriétés permettant de se protéger du paludisme qui sévit sur le continent africain et à Madagascar. Diffusée à plus large échelle, l’artémisa annua permettrait, selon eux, aux populations les plus pauvres de se prémunir à moindre coût de la malaria sans dépendre des traitements médicamenteux difficilement accessibles en zone rurale.
Et s’il ne fallait garder qu’un seul visage de ce voyage fort en rencontres et en émotions, ce serait certainement celui de Teza. Cette petite fille, malgré les apparences, avait 8 moi et ne pesait que 2,4 kilos. Elle mourut 5 jours après que cette photo ait été prise par Alexandre Poussin, en dépit des soins qui lui furent prodigués par les médecins de la mission Ar-Mada et le lait en poudre auquel elle n’avait jamais goûté depuis sa naissance. Sa maman étant décédée, elle était élevée par sa grand-mère qui ne la nourrissait que de 3 cuillères de lait 3 fois par jour. L’enfant n’était pas malade, simplement affamé. Il est difficilement concevable que des enfants puissent encore mourir de faim et de soif au 21e siècle, c’est pourtant une terrible réalité à laquelle la famille Poussin fut confrontée à Madagascar.
Une nouvelle collecte est en cours sur Ulule afin d’aider 4 nouvelles associations avec l’objectif de récolter 8000 euros de fonds. « Sur les sentiers du malheur, il faut parfois marcher longtemps au pas des mulets. Celui qui chemine ainsi va à la rencontre des Hommes. Il approche d’eux lentement, s’assoit à leur côtés, leur parle, touche leur peau, panse leurs plaies, les regarde vivre et, souvent, sans pouvoir les sauver, les assiste dans la mort. Leur détresse est peut-être le prétexte, la justification de l’aventure humanitaire. Mais ce que découvre celui qui rôde, armé de compassion là où les Hommes souffrent, c’est en même temps que leur malheur, leur dignité, leur beauté, leur humanité. Tous les partis divisent les Hommes, sauf le parti de l’Homme qui les rassemble. Non sans ambigüité, non sans renoncement, mais avec courage et espoir. » Jean-Christophe Rufin.
Sources : madatrek.com / africatrek.com / jardinsessentiels.blog.fr / fr.ulule.com