L’Islande est-elle sur le point de révolutionner son système monétaire ? C’est ce que suggère un document récent qui remet radicalement en question le système actuel de création de « l’argent dette » par les banques commerciales. Un virage qui pourrait être historique dans le monde de la finance moderne.
Non, ce n’est pas un poisson d’avril
L’information relayée le 31 mars aura probablement été confondue avec un gros poisson et fut tristement ignorée des mass-médias. Elle n’en est pas moins véridique et se base sur un rapport de 113 pages commandé par le gouvernement islandais. L’étonnant document promeut ni plus ni moins une révolution du système monétaire islandais.
La proposition de réforme intitulée «A better monetary system for Iceland » (Un meilleur système monétaire pour l’Islande) recommande au gouvernement progressiste d’interdire aux banques commerciales de créer de la monnaie. Une tâche qui serait, si la proposition est adoptée, désormais confiée à la banque centrale à travers le pouvoir décisionnel du parlement.
Par ce biais, l’Islande souhaite mettre fin à un système jugé responsable d’une crise économique qui se répète par cycle encore et encore. L’île aurait ainsi essuyé 20 crises financières depuis 1875, mettant récemment le pays tout entier au bord de la faillite.
Crédit, spéculation, dette
Actuellement, 91% de l’argent en circulation dans le pays provient des lignes de crédit octroyées par les banques commerciales à leurs clients. Vous voulez une nouvelle télévision à crédit ? La banque commerciale crée cet argent accompagnée d’une dette qu’il vous conviendra de rembourser par votre activité. La banque centrale ne peut qu’influencer sur le rythme de cette création monétaire, sans remettre en question ses fondements. Ce type de fonctionnement rend la bonne croissance d’un pays obligatoire pour que les acteurs économiques puissent faire face à leur dette et ses intérêts.
Selon le rapport, les crises subies par l’Islande sont directement liées à l’explosion d’une bulle de crédit. Le système actuel dérégularisé augmenterait les prises de risque excessives des banques et la spéculation, estime Sigurjonsson, le législateur à l’origine du rapport. S’en vient une dette en déphasage avec l’économie réelle et un emballement du crédit pouvant mener à la faillite des institutions.
Image du mouvement populaire islandais en 2009 suite à la crise. Source : wikipédia
Vers une centralisation de la création monétaire
Concrètement, la proposition vise la souveraineté monétaire. C’est-à-dire que la banque centrale islandaise deviendrait le seul organisme capable de créer de l’argent. En dehors de la gestion des comptes, les banques commerciales ne serviraient plus que d’intermédiaires entre prêteurs et emprunteurs sur base de capitaux réels. Notons qu’historiquement, le « droit » d’un pays à imprimer sa propre monnaie fut limité afin d’éviter une explosion de l’inflation en cas de mauvaise gestion. En effet, un surplus d’argent en circulation conduit à une forte hausse des prix.
Si beaucoup de citoyens semblent se désintéresser d’un tel évènement, c’est probablement moins le cas des banques du monde qui regardent cette affaire d’un œil inquiet. En effet, une telle politique à l’échelle nationale déposséderait immédiatement les banques commerciales de leur plus grand pouvoir : créer de l’argent, et donc de la dette, à partir du néant (ou presque). Pire encore, l’Islande pourrait faire office de « zone expérimentale » et donc d’exemple à suivre, en cas de succès, pour les autres pays.
Le document est disponible en anglais ci-dessous :
Source : telegraph.co.uk / lematin.ch