Le fameux parc d’attraction SeaWorld vient d’annoncer son souhait d’arrêter la reproduction et les spectacles d’orques dans ses parcs. Une décision radicale qui intervient alors que l’orque vedette du parc à thèmes, Tilikum, est mourante, atteinte d’une infection grave.
La baisse notable de la fréquentation, les décès multiples chez les orques captifs, la pression des pouvoirs publics, la mort imminente de « leur orque star » et les critiques incessantes des associations environnementales auraient-ils enfin fait plier SeaWorld ? À peine trois ans après la sortie de Blackfish, film contant l’histoire tragique de l’orque Tilikum, SeaWorld a donc décidé de mettre fin à la captivité de ses orques à moyen terme. En pratique, le parc ne provoquera plus ses reproductions artificielles en captivité dès aujourd’hui. Par ailleurs, en ce qui concerne les orques déjà captives, les spectacles qui impliquent ces mammifères marins seront définitivement arrêtés dès 2017 à San Diego et en 2019 pour les autres parcs. « Ce jour marque un changement audacieux et percutant pour notre entreprise » a estimé Joel Manby, le directeur général du groupe, qui reconnait que la baisse de fréquentation (et de valeur boursière) essuyée par le parc est liée à la situation des orques en captivité. Dans la journée, le titre de SeaWorld gagnait 5% sur les marchés.
Manœuvre économique judicieuse
Cette décision n’est vraisemblablement pas désintéressée. Le spectacle des orques, leur principal atout commercial, s’est rapidement effondré sous le poids des critiques de plus en plus virales; merci les réseaux sociaux. Déjà en octobre dernier, l’État de Californie avait fait bannir toutes formes de reproduction des orques en captivité. Comme la capture en milieu marin est déjà interdite, le SeaWorld de San Diego était voué à fonctionner sans ses orques. Malheureusement, la décision ne portait que sur un seul des trois parcs que compte l’entreprise. Aujourd’hui, c’est le groupe SeaWorld qui décide de changer son fusil d’épaule de son propre chef. Un revirement étonnant alors que les responsables tenaient un discours diamétralement différent fin 2015. « La reproduction est une part naturelle, fondamentale et importante de la vie animale et priver un animal sociable du droit de reproduction est inhumain » avaient alors déclaré les responsables de SeaWorld.
Parallèlement à cette décision importante, le parc s’engage à travailler en collaboration avec leur plus grand critique, la Humane Society of the United States, en vue d’élaborer des programmes d’éducation et de conscientisation en faveur de la vie marine. À ce titre, SeaWorld devrait débloquer 50 millions de dollars dans les 5 prochaines années à destination de la protection animale et de la lutte contre la pèche commerciale à la baleine, des phoques et des requins. Une nouvelle politique à contre-courant qui ne manque pas d’étonner mais donne raison à des décennies de militantisme. Car l’entreprise SeaWorld est tout sauf un refuge animalier, encore moins une association environnementale. Montagnes russes, restaurants, aquariums, spectacles d’animaux confinés et attractions diverses impliquant des animaux, SeaWorld est un peu l’équivalent de Disneyland, la captivité animale en plus.
Carte du SeaWorld de San Diego
Ainsi se pose la question inévitable : véritable victoire au profit des orques ou pirouette marketing pour redorer le blason d’une entreprise agonisante qui maintient en captivité de nombreuses espèces dont des dauphins ? À ce stade, cela reste difficile à dire. Dans son communiqué, SeaWorld ne prétend pas relâcher les orques actuellement captives dans leurs bassins étroits. Parmi elles, on trouve Takara, une orque déjà fécondée qui devrait mettre bas prochainement. De plus, la plupart des orques captives sont relativement jeunes, issues de reproductions en captivité impliquant le plus souvent les semences de Tilikum. Ainsi, SeaWorld ne manquera pas d’orques avant quelques décennies en dépit du fait que ces animaux vivent deux à trois fois moins longtemps en captivité que dans la nature. En pratique, le « show » habituel devrait donc être transformé en une expérience éducative dont les modalités ne sont pas précisées aujourd’hui. En d’autres termes, il faudra patienter plusieurs années pour observer concrètement en quoi consistera cette nouvelle formule aux relents de greenwashing.
De son côté, PETA reste sur sa faim face cette manœuvre en demi-teinte de SeaWorld. Depuis plusieurs années, l’ONG animalière réclame que les orques soient déplacées dans des sanctuaires adaptés bien plus larges, loin de la folie touristique et commerciale. Si leur présidente, Ingrid E. Newkirk, a déclaré que la décision actuelle était déjà une victoire, celle-ci insiste pour aller plus loin. « SeaWorld doit ouvrir ses réservoirs vers les océans afin de permettre aux orques détenus en captivité d’avoir un semblant de vie en dehors de leurs prisons. » a-t-elle insisté. À ce jour, il reste 23 orques captives se partageant les bassins des trois parcs SeaWorld sans compter les innombrables dauphins (dont 62 sont morts en une décennie), globicéphales, requins, ours blancs, vaches marines et d’innombrables espèces.
Source : usatoday.com / fr.euronews.com / lemonde.fr / Image à la une cporlando.com