Vendredi 6 Mars 2015, la ZAD du Sivens a finalement été évacuée par les gendarmes sur ordre du ministère de l’intérieur, suite à la décision prise par le conseil général du Tarn de construire un barrage plus petit. Un déploiement de force sans précédent – 450 gendarmes mobilisés – a dégagé les 40 derniers opposants, suite à une semaine très tendue pendant laquelle des milices pro-barrage ont multiplié les agressions et les menaces de mort envers les zadistes et les riverains opposés au projet.

Le conseil général vote l’expulsion de la ZAD

Après de nombreux retournements de situation, le conseil général du Tarn a finalement rendu sa décision : Par 43 voix contre 3, les élus du département ont voté une résolution soumise par le président socialiste du conseil général et fervent défenseur du barrage, Thierry Carcenac, proposant la construction d’une « retenue d’eau redimensionnée » sur la zone du projet initial. L’expulsion de la ZAD fut votée dans la volée (Zone A Défendre).

Les élus n’ont pas précisé le volume de la retenue ni son emplacement exact, ce qui laisse libre cours aux interprétations et permettra certainement au département de construire un barrage très proche du projet initial tant critiqué. Une manière sémantique pour faire passer la pilule dans l’opinion publique tout en atteignant les objectifs initiaux.

Vendredi 6 Mars, la ZAD du Sivens a donc été finalement évacuée par les gendarmes, mobilisés en très grand nombre mais sans incidents notables. Le premier ministre Manuel Valls avait promis vendredi matin une « réponse extrêmement déterminée, extrêmement ferme de l’État ». Son souhait a été entendu, et plusieurs opposants ont été placés en garde-à-vue suite à l’expulsion.

Les milices de la FNSEA multiplient les agressions en toute impunité

En revanche, ni le premier ministre, ni le ministère de l’intérieur, ni les élus locaux n’ont trouvé à critiquer le comportement extrêmement violent des milices pro-barrage de la FNSEA (syndicat agricole majoritaire, dirigé par l’agroalimentaire), qui avaient adopté depuis une semaine la stratégie de la terreur pour mettre la pression sur les élus : agression d’opposants et de journalistes, menaces de mort, destruction de véhicules, de cabanes et de matériel, les nombreux témoignages et photos indiquent que les pro-barrage étaient presque tous armés de gourdins, fourches, battes de base-ball, barres de fer ou… tronçonneuses.

Sur internet, les flots de menaces de mort et d’appels au meurtres furent nourris, notamment sur la page FNSEA du Tarn, où les appels à voter Marine Le Pen ont côtoyé les appels au gazage et à l’extermination des zadistes et des écologistes. Plusieurs plaintes ont été déposées.

Le 04 mars, un convoi alimentaire et pharmaceutique devant partir de Gaillac pour aller alimenter la ZAD fut bloqué par des civils pro-barrages, qui, pendant plusieurs jours, ont bloqué les accès à la ZAD, en entrée comme en sortie. Pendant plusieurs jours, une famille de riverain opposée au barrage fut séquestrée chez elle et copieusement insultée et menacée par les barbouzes de la FNSEA. Exploitants agricoles qui s’étaient fait remarquer en 2014, entres autres méfaits, pour avoir tué et maltraité des ragondins en pleine rue, déclenché des feux devant des préfectures et saccagé des locaux associatifs.

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« Patrick Rossignol, le maire d’une commune voisine et agriculteur, a quant à lui retrouvé le pare-brise et les vitres de sa voiture, garée à Gaillac, défoncés à coups de masse. Venu sur la zone du Testet s’informer à l’occasion de la Journée mondiale des zones humides, il a été bloqué par les pro-barrage qui lui ont barré le passage. Il s’est retrouvé ensuite à Gaillac avec les opposants et a assisté à l’arrivée de ce groupe « habillé de treillis militaire et avec des barres de fer et des manches de pioche ». », indique Mediapart.

Plusieurs témoignages concordants recensent des « attaques éclairs » des pro-barrages, à 4×4 ou à moto, pour aller frapper des opposants ou détruire des cabanes et des voitures. Il est à noter qu’à aucun moment les gendarmes et CRS n’ont essayé d’arrêter, de déloger, de désarmer ou d’empêcher les agressions des miliciens. Parmi ceux-ci, certains portaient des vêtements en soutien aux forces de l’ordre. Quand des milices privées, acteurs d’une industrie, se retrouvent au coté des forces de l’ordre, il y a de toute évidence un réel souci de Démocratie.

Coté zadiste, aucune agression envers les riverains, les paysans locaux, les élus ni les journalistes n’est à relever, bien que certains opposants ont été vu « armés » de boucliers et de bâtons. Aucun « commando zadiste » ne s’en est prit physiquement aux miliciens de la FNSEA ni aux fermes alentours. Pourtant, de façon assez incroyable, les médias de masse parviennent à faire croire à leurs lecteurs que les zadistes sont les auteurs des violences, sur base de quelques témoignages mensongers des leaders FNSEA, sans preuve ni image.

Analyse de Reporterre : le gouvernement a-t-il volontairement laissé les miliciens installer la terreur ?

Notons également que les journalistes de Reporterre, parmi d’autres, ont été menacés de mort s’ils interrogeaient les pro-barrage ou s’ils se rendaient dans la ZAD pour interroger les opposants. Alors on peut légitimement se poser la question : le gouvernement a-t-il laissé faire ? Pourquoi ?

Sur ce  sujet, Hervé Kempf, directeur de Reporterre, ne mâche pas ses mots : « La tactique de MM. Valls et Hollande est délibérée. Elle ouvre la porte à la répétition de ce type d’actes : des groupes sociaux savent maintenant que, pourvu qu’ils ciblent l’écologie et les jeunes alternatifs tout en glorifiant la police, ils ont le champ libre. Elle s’appuie sur les sentiments d’extrême-droite qui montent dans ce pays. Et suscitera en retour des réactions de même nature, impliquant une répression encore plus stricte.

Je ne sais la qualifier autrement que de pré-fasciste : utilisant les méthodes mêmes du fascisme (des milices supplétives d’un État autoritaire) et stimulant la xénophobie et la haine des alternatives. L’essentiel est que rien ne soit mis en cause de l’ordre capitaliste ».

11045005_10152784655092582_237520775780776425_nLogo détourné de la FNSEA

Mais au fait : à quoi sert et à qui profite ce barrage ?

Parmi tous ces faits alarmants, il est important de revenir à l’essentiel et au factuel : concrètement, à quoi servira et à qui profitera ce barrage tant décrié pour son inutilité, mauvais pour l’environnement, entaché de conflits d’intérêt, financé par des fonds publics et condamné par l’union européenne ? Réponse : à une toute petite poignée d’individus et certainement pas au bien commun.

Mediapart a fait le décompte en se basant sur le rapport des experts missionnés par le ministère de l’écologie: « Dans leur rapport d’octobre 2014, ils estiment à 30 le nombre de bénéficiaires se situant « dans une optique de sécurisation/substitution » et à « environ 10 » le nombre d’éventuels nouveaux préleveurs (à lire ici p. 19). Selon les opposants, seules 19 personnes auraient besoin de l’équipement. Même la CACG, la société maître d’ouvrage du barrage, n’estime qu’à 80 le nombre d’exploitants souhaitant utiliser le barrage. Selon un autre rapport d’experts du ministère, « Mission pour un projet de territoire du bassin du Tescou » (à lire ici, p. 80), le nombre de bénéficiaires du barrage peut même être revu à la baisse. […] Au total, le nombre d’agriculteurs se disant prêts à payer environ le prix de l’eau qui sortira du barrage de Sivens s’élève donc à onze. »

Pour résumer, entre 11 et 80 exploitants de la FNSEA, agriculteurs ou éleveurs intensifs, ceux dont l’empreinte environnementale est catastrophique, devraient potentiellement bénéficier du barrage pour irriguer leurs monocultures ou nourrir leurs bêtes. A l’heure où l’eau est un bien de plus en plus précieux, où le modèle agricole productiviste est de plus en plus moribond et où les zones humides disparaissent, on peut se demander si un tel déploiement de force, de violence et d’argent public est bien nécessaire… Le changement ? c’est pas maintenant.

En attendant, on garde la pèche…


Sources : Mediapart / Reporterre / Photographie à la une AFP – Pascal Pavani

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