Des baskets recyclées, recyclables et vegan ? C’est le défi relevé par une jeune étudiante bordelaise, Laure Babin, en créant la Zèta ! Découverte d’une autre alternative au « tout mondialisation » et sa fast fashion.

L’industrie de la mode est de plus en plus pointée du doigt, tant pour ses conséquences négatives sur l’environnement que pour ses pratiques peu respectueuses des droits humains. Plus particulièrement, c’est la fast fashion qui est remise en cause. Ce phénomène consiste à produire toujours plus rapidement, fréquemment (tous les mois, voire semaines) et à bas prix de nouvelles collections basées sur les tendances aperçues dans les défilés, pour les rendre accessibles au grand public. L’objectif ? Créer des besoins inutiles et pousser à la consommation. Autrement dit, inciter le consommateur à renouveler sa garde-robe constamment, alors qu’il n’en a pas besoin. C’est le fameux triptyque « acheter, porter, jeter ».

Les conséquences désastreuses de ce phénomène, produit de la mondialisation et du capitalisme débridé, sont désormais connues et décriées par un nombre croissant et diversifié d’acteurs. Alors que certaines personnes décident de remettre en question leur logique de consommation à l’échelle individuelle, des marques s’engagent à être plus éthiques et écologiques. Or peu d’entre elles vont vraiment au bout de leur démarche, se contentant de quelques ajustements « verts » pour séduire. Car utiliser des matières dites naturelles ne suffit pas : il faut chercher à produire le moins de déchets possible, tout en prêtant attention aux conditions de travail au sein de l’atelier de fabrication. C’est le défi relevé par une jeune étudiante bordelaise, Laure Babin, lorsqu’elle a créé Zèta; une marque de baskets engagée, aux valeurs écologique et sociale.

Face aux conséquences désastreuses de la fast-fashion …

En 2019, l’industrie de la mode, c’était : 10% des émissions de CO2 mondiales, 4% des réserves d’eau potable mondiales utilisées, 600 000 tonnes de textile jetés en France mais aussi une diminution de 30% des salaires des ouvriers du textile depuis 1995. Des conséquences environnementales et sociales qu’on ne peut plus ignorer, tant les révélations croissent depuis une dizaine d’années.

En 2013, l’effondrement du Rana Plaza, a provoqué une prise de conscience généralisée. Dans cet immeuble du Bangladesh, des ouvriers du textile travaillaient dans des conditions misérables, pour des marques occidentales pratiquant la fast fashion (Zara, Mango, entre autres). Cette année, en mars 2020, un rapport a dénoncé le travail forcé des Ouïghours, minorité musulmane persécutée en Chine, au service de grandes firmes multinationales et notamment celles de l’industrie textile.

Parmi les marques mises en cause : Nike. Si le rapport révèle que l’une des usines fabriquant pour Nike – Quingdao Taekwang Shoes – a des conditions de travail inhumaines, la marque refuse tout de même toute exigence visant à mettre fin à cet esclavage moderne. Plus généralement, c’est 95% de la production mondiale de baskets qui est fabriquée en Asie, dans des conditions douteuses. A cette problématique sociale s’ajoute des préoccupations d’ordre écologique : chaque année, ce sont 23 milliards de paires de chaussures qui sont fabriquées. Une part infime d’entre elles est recyclée, la majorité est jetée.

Crédits photo : Zèta

C’est en partant de ce constat que de nombreuses marques de chaussures se tournent désormais vers une démarche plus respectueuse des travailleurs, ainsi que vers l’utilisation de matériaux plus écologiques : coton biologique, caoutchouc naturel, et bien d’autres. Or cela nécessite encore une fois la création de nouvelles ressources. Et si l’on arrêtait de produire pour réutiliser uniquement des matériaux en fin de vie ? C’est la question que s’est posée Laure Babin, jeune étudiante bordelaise de 23 ans. Passionnée de baskets, alors que sa prise de conscience écologique croît, elle fait le constat suivant :

« Je souhaitais une production respectueuse de l’environnement et des hommes et, surtout, qui ne génère pas de déchets sur la planète. Or Une basket zéro déchet 100% recyclée, ça n’existait pas. »

Pendant ses études, elle entreprend alors de créer Zèta, une marque de baskets visant à « recycler de Z à A ». Imaginées à Bordeaux, les baskets sont fabriquées à la main dans un atelier familial près de Porto. En toute transparence, Laure nous explique ce choix : la production se fait au Portugal, puisqu’elle n’a pas trouvé de fournisseurs pour répondre à ses besoins éthiques.

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Grâce à ce concept original, Laure a remporté la deuxième place d’un concours récompensant les meilleurs projets entrepreneuriaux des étudiants de l’Université de Bordeaux ! Cette place lui a permis de développer sa marque et, récemment, de lancer une campagne de financement participatif.

… Des alternatives sont possibles : l’exemple de Zèta

Zéro déchet, entièrement recyclées et fabriquées dans un atelier familial de la région de Porto, les baskets Zèta limitent considérablement l’impact écologique et social propre à l’industrie de la mode. Et cela grâce à un procédé de fabrication bien particulier : les chaussures sont faites avec des détritus issus de la production viticole.

Crédits photo : Zèta

En effet, les Zèta sont fabriquées à partir de cuir de raisin, obtenu à partir des déchets de la production vinicole. Lors de la récolte des vendanges, le marc de raisin est récupéré pour être broyé, avant d’être mélangé à des matériaux recyclés puis étalé en une pâte qui deviendra du cuir. La doublure intérieure et les lacets, quant à eux, sont fabriqués à partir de bouteilles plastiques recyclées repêchées en mer Méditerranée. La semelle extérieure, fabriquée à partir des chutes de semelles en caoutchouc broyées en fines particules, est renforcée d’une semelle intérieure faite de bouchons en liège recyclés. Quant à la colle permettant l’assemblage final, généralement faite à partir de gélatine animale, elle est fabriquée à partir de latex revalorisé. Au total, une paire de Zèta, ce sont 3 kg de déchets qui ne finiront pas à la poubelle.

Laure nous confie :

« En créant Zèta, j’avais envie de prouver qu’aujourd’hui, utiliser des matières naturelles ou biologiques ne suffit plus. Réutiliser des matériaux en fin de vie, sans avoir à générer de
nouveaux déchets supplémentaires : c’est ça, l’économie circulaire ! »

Avec ce procédé de fabrication, l’entreprise s’engage totalement dans une logique d’économie circulaire. Une logique qui s’applique à l’ensemble du cycle de vie des baskets : lorsque les chaussures seront trop usées pour être portées, elles pourront être renvoyées gratuitement afin d’être recyclées à leur tour en combustible vert.

Une marque responsable ET engagée

Au delà de proposer un produit qui fait sens et qui répond concrètement aux enjeux environnementaux et sociaux actuels, Zèta cherche avant tout à éveiller la prise de conscience collective suivante : arrêtons de (sur)produire et réutilisons ce que nous avons déjà sous la main ! De la conception des chaussures jusqu’à leur fin de vie, tout a été pensé pour limiter au maximum le gaspillage. En effet, en utilisant uniquement des matières recyclées, en poussant la démarche zéro déchet jusqu’au bout (surpression des œillets en métal et des étiquettes, mais aussi des boîtes à chaussures comme boîtes d’expédition) et en proposant de reprendre la paire de chaussures à la fin de sa vie pour la revaloriser en énergie, la marque fait preuve d’un engagement inédit au sein de l’industrie de la chaussure. Mais ce n’est pas tout : Zèta compte rejoindre le mouvement mondial 1% for the planet à la fin de l’année ! L’objectif ? Donner 1 % de son chiffre d’affaires à des associations de préservation de l’environnement tous les ans.

« être une entreprise responsable, c’est aussi prévoir la fin du cycle de vie d’un produit »

En se positionnant en tant que marque engagée au sein de l’industrie de la mode de plus en plus décriée, Zèta intègre le « club des alternatives » de plus en plus grand en France. Respectueuse de la planète, des hommes et des femmes, elle s’inscrit dans cette aspiration croissante des jeunes générations à penser une société plus juste et résiliente. En deux semaines, la campagne de financement participatif a déjà atteint dix fois l’objectif fixé ! Démonstration que les citoyens sont en attente de changements concrets. Zèta le prouve : se chausser de manière durable et socialement viable, c’est possible.

– Camille Bouko-levy

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