Le deuxième plus grand parc naturel du Zimbabwe pourra désormais compter sur le soutien financier d’un fonds allemand afin de préserver sa faune sauvage. Riche en biodiversité, le braconnage exerce une pression considérable sur certaines espèces menacées présentes dans le parc. Sur fonds de crise écologique, cette nouvelle aide financière internationale annonce un nouvel engagement dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité.
Le parc national de Gonarezhou, « lieu des éléphants » en langue shona, qui s’étend sur une superficie de plus de 5000 km2 dans le sud-est du Zimbabwe, s’apprête à recevoir une aide financière provenant de fonds basés en Allemagne afin de soutenir ses opérations de surveillance et de lutte contre le braconnage.
Deuxième plus grand parc naturel du pays, il abrite environ 11 000 éléphants et une population de rhinocéros noirs, dont le nombre est tenu secret pour des raisons de sécurité. Afin de financer les patrouilles de gardes forestiers, l’entretien des équipements et les autres dépenses liées à la lutte contre le braconnage, le fonds européen versera au parc un million de dollars par an, sur une durée d’au moins 15 ans.
Un nouvel effort pour la conservation internationale
Le Legacy Landscape Fund (LLF), créé en 2021, est un fonds public-privé allemand destiné à participer aux efforts de lutte contre le déficit de financement de la conservation de la biodiversité dans les zones protégées. Il est par ailleurs financé par le ministère allemand du développement économique, la banque de développement KfW, l’Agence française de développement, l’Union International pour le Conservation de la Nature et WWF.
Hugo Vand der Westhuizen, directeur du Gonarezhou Conservation trust, se réjouit de ce soutien indispensable dans la lutte globale contre l’effondrement de la biodiversité :
« la gestion efficace de ces zones nécessite un engagement à long terme en matière de financement. Les zones protégées et sauvages restent le pilier de la conservation de la biodiversité, et notre meilleur outil pour atténuer le changement climatique dans le monde entier »[1].
Du profit sur le dos des éléphants
Après le Botswana, le Zimbabwe est le deuxième pays à abriter la plus large population d’éléphants sauvages en Afrique. Hélas, les activités humaines exercent une pression de plus en plus accrue sur l’avenir de ces populations.
Selon le dernier rapport de l’UICN, les deux espèces d’éléphants d’Afrique sont désormais considérées comme étant en danger et en danger critique d’extinction.
« Les éléphants d’Afrique jouent un rôle clé dans les écosystèmes et les économies, mais aussi dans notre imaginaire collectif. Les nouvelles évaluations publiées par la Liste rouge de l’UICN des deux espèces d’éléphants d’Afrique soulignent les pressions persistantes auxquelles sont confrontés ces animaux emblématiques »[2], a déclaré Bruno Oberle, Directeur général de l’UICN. En effet, au cours des 30 dernières années, le nombre d’éléphants d’Afrique de forêt et de savane ont respectivement diminué de plus de 86% et 60%.
Alors que les éléphants sont déjà grandement menacés par le braconnage et la perte d’habitats, depuis 2021, le Zimbabwe permet aux chasseurs de trophées d’abattre pas moins de 500 individus présents dans les différents parcs nationaux du pays afin de collecter des fonds pour soutenir les politiques de conservations du gouvernement.
« La population d’éléphants du Zimbabwe serait de plus de 100 000 individus. Les chasseurs de trophées seront facturés entre 10 000 et 70 000 dollars, selon la taille de l’éléphant qu’ils aimeraient abattre. Ce programme est également considéré comme un moyen de contrôler la population d’éléphants qui a perturbé les villes et les fermes avoisinantes des parcs nationaux. En effet, en 2021, la Zimbabwe Parks and Wildlife Management Authority (ZPWMA) a enregistré environ 1000 plaintes concernant la destruction des éléphants dans les champs avoisinants la réserve naturelle», a justifié Tinashe Farawo, porte-parole de la ZPWMA, pour défendre ce nouveau projet du gouvernement.
Par ailleurs, outre la chasse aux trophées, en 2019 le pays d’Afrique Australe a été accusé d’avoir enlevé de jeunes éléphanteaux de leurs troupeaux et habitats naturels afin de les exporter vers la Chine. Cette même année, plus de 90 éléphants ont été exportés du Zimbabwe vers la Chine et Dubaï, rapportant plus de 2,7 millions de dollars au pays. Selon les responsables du parc, les recettes de cette vente seraient utilisées pour creuser davantage de puits afin de sauver d’autres animaux sauvage de la sécheresse.
Bien que les justifications de ces pratiques semblent a priori louables, peu d’indicateurs démontrent que la chasse aux trophées ait une quelconque incidence positive sur la conservation des espèces menacées. Le Royaume-Uni en a d’ailleurs tout récemment interdit l’importation sur son territoire. En effet, alors que la chasse légale a rapporté des dizaines de millions de dollars aux différents pays autorisant ce loisir douteux, les populations d’animaux sauvages chassés n’ont pas cessé de diminuer ces dernières années.
Dès lors, espérons que le soutien financier au parc de Gonarezhou par le LLF puisse apporter de réelles alternatives pour la préservation de la biodiversité qui ne soient pas elles-mêmes tâchées de sang.
W.D.
[1] X., « Zimbabwe : un parc national financé par un fonds européen pour protéger les éléphants » in Fondation 30 millions d’amis, 5 février 2022, disponible sur : https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/21795-zimbabwe-un-parc-national-finance-par-un-fonds-europeen-pour-proteger-les-elephants/
[2] UICN, Les espèces d’éléphants d’Afrique sont désormais en danger et en danger critique d’extinction – Liste rouge de l’UICN, 25 mars 2021, disponible sur : https://www.iucn.org/fr/news/species/202103/les-especes-delephants-dafrique-sont-desormais-en-danger-et-en-danger-critique-dextinction-liste-rouge-de-luicn
Photo de couverture @Jeremy Lugowy/Flickr