Alors que le projet de loi visant à réformer par ordonnances le Code du travail était adopté ce jeudi par la commission des affaires sociales, plusieurs médias se sont penchés sur les coulisses de l’opération « démocratique ». Comme voulu par Emmanuel Macron, le gouvernement souhaite apporter des modifications importantes au droit en vigueur, notamment par le biais d’une « flexibilisation » du droit pour les entreprises. Avant l’ouverture des débats en commission des affaires sociales, 233 amendements avaient été déposés à l’assemblée. Pourtant, aucun des amendements de l’opposition n’a été retenu. Oui, pas un seul. 100% des propositions de l’opposition ont été rejetées. La fermeture au dialogue d’En Marche est désormais manifeste, donnant un nouveau goût de parti unique et tout puissant au gouvernement. L’opposition dénonce cette « mort » en direct de la démocratie sous une pluie d’applaudissements.

La réforme du code du travail est l’une des promesses phares du Président, qui souhaite aller bien plus loin que ce qui a été inscrit en 2016 dans le nouvelle loi travail. Dans cette loi travail XXL, il est notamment prévu de renforcer les accords d’entreprise, au détriment des accords de branche et de faciliter les licenciements. Désormais, après le vote favorable de la commission, la voie est presque ouverte pour qu’Emmanuel Macron et le gouvernement puissent réformer le droit du travail, avec les mains entièrement libres. En effet, au regard de la majorité écrasante que détient LREM à l’assemblée, nul doute que le projet d’habilitation sera voté. Ensuite, cette habilitation permettra au gouvernement de légiférer, sans vote du parlement. Le débat démocratique apparaît inexistant, certains parlementaires allant même jusqu’à ironiser sur leur toute puissance décisionnelle.

Une réforme pourtant loin de faire l’unanimité

Or, aussi bien la société civile que certains partis politiques avaient déjà mis en garde contre une telle méthode, qui étouffe le débat et limite la possibilité de contrôler le travail de la majorité. Un sondage paru fin juin montrait également la méfiance des Français vis à vis d’un tel procédé : 61 % se disaient inquiets et 58 % s’opposaient à une modification du système actuel par ordonnance. Pourtant, Emmanuel Macron semble bien décidé à passer outre.

Une fois voté par l’assemblée, ce projet d’habilitation laissera un vaste champ d’action à Emmanuel Macron et au gouvernement pour modifier le code du travail à leur guise, sans aucune opposition possible. Malgré l’enthousiasme des députés LREM, d’autres exprimaient leurs doutes. Adrien Quatennens, député appartenant au groupe de la France insoumise, fustigeait « l’inflexibilité » du gouvernement et une loi « contraire à l’intérêt général ». Un peu plus tôt, le jeune député relevait déjà qu’Emmanuel Macron « convoqu[ait] le Congrès à un moment qui correspond à la date butoir pour donner des amendements », une manœuvre « habile », puisqu’elle empêcherait les élus de faire leur travail correctement.

Source : René Maltête. Collection 1987.

L’art de tuer le débat démocratique

À peine sur les tables de l’assemblée, la loi d’habilitation fait parler d’elle. Et pas vraiment pour de bonnes raisons, puisque c’est la pratique démocratique des élus issus de la majorité qui est en cause. Le 5 juillet, sur les 120 amendements examinés par la commission des affaires sociales, aucun n’était retenu. Le lendemain, seul un amendement était accepté : celui-ci émanait du rapporteur, issu de la majorité LREM, Laurent Pietraszewski. En outre, relevait le Lab, aucun des députés de la majorité n’a pris la parole pendant ces journées, à l’exception de la présidente de la commission Brigitte Bourguignon (Ex-PS) et du rapporteur du texte. On est au delà du simulacre de débat démocratique qui voudrait que, dans l’intérêt général des français, les idées priment sur le jeu politicien et ses rapports de forces. Dans ces circonstances, LCP a d’ailleurs relevé l’échange surréaliste entre la présidente de la commission et Adrien Quatennens.

« Adrien Quatennens : Est-ce qu’il serait possible madame la présidente d’avoir un état des lieux du nombre d’amendements que nous avons traités jusqu’ici ?

Brigitte Bourguignon : Il en reste 93 et nous en avons vu 77.

Adrien Quatennens : D’accord. Avec un taux d’acceptation de 0%. C’est bien ça ?

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Brigitte Bourguignon : Bah évidemment. [Rires] Vous l’imaginez. »

Ces faits entrent en contradiction avec les promesses exprimées plus tôt. Alors qu’Emmanuel Macron appelait à un renouveau des pratiques politiques, les premiers pas de la majorité présidentielle symbolisent la volonté de passer en force, coûte que coûte, en écrasant du pied toutes propositions contraires aux volontés du président, et ce malgré les multiples avertissements. Dans le même temps, l’ensemble des députés LREM semblent appliquer le programme présidentiel sans manifester leur propre opinion, confirmant leur caractère godillot tant redouté. De quoi se demander qui pourra résister au nouveau Président et son équipe, si ces derniers restent imperméables à tout ce qui s’annonce à l’avenir ?


Sources : nouvelobs.com / lcp.fr / lemonde.fr / huffingtonpost.fr

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