Les envies d’évasion ne sont inconnues de personne. Mais le tourisme tel que nous le connaissons encore aujourd’hui a un coût environnemental élevé, qui s’inscrit d’autre part dans une relation de consommation et d’immédiateté des paysages, des cultures et des lieux. Parmi les aventuriers modernes, certains font donc le choix d’utiliser des modes de transports respectueux, et de faire le pari du « slow-travel ». Nous avons rencontré Sophie Planque et Jérémy Vaugeois, dans leur défi singulier de relier l’Alaska à la Patagonie à vélo sur 25 000 km. Un défi, qu’ils ont également souhaité inscrire dans une démarche pédagogique en partageant leur expérience avec plusieurs milliers d’élèves en France et en Suisse.
Parcourir la planète de façon intelligente
Dans la famille des aventuriers qui « quittent tout » pour réaliser leurs rêves, voici donc Sophie et Jérémy ! Sophie Planque est journaliste dans un média français, elle a travaillé sur de nombreuses investigations (trafic de sable à Singapour, l’eau virtuelle que l’on consomme sans le savoir, les mutilations génitales en Ethiopie avec Médecins du Monde) et bien d’autres sujets de société. Jérémy Vaugeois, lui, est un vrai couteau Suisse. Après avoir arrêté ses études à 19 ans, il marche plus de 10 000km en traversant l’Europe à pied, fait Saint Jacques de Compostelle depuis sa Normandie natale, et traverse les Pyrénées dans la foulée. Le voyage est l’école qu’il a choisie. Cette éducation hors normes lui a permis de travailler en tant que manager en station de ski en France, meneur de chiens au Canada, charpentier dans les Alpes et dernièrement directeur d’un magasin de vêtements à Paris.
Après mûres réflexions, ce couple a décidé de tout plaquer, carrière, appartement et confort pour tenter, entre autres, de se rendre utiles. Car, contrairement à le croyance populaire, on peut être utile à la société en déplacement : « Nous avions cette idée de parcourir les Amériques à vélo, mais on ne voulait pas juste ouvrir un blog, mettre des photos sur internet et raconter notre vie. On voulait qu’une telle expérience soit utile. Après avoir échangé avec des ami(e)s enseignants qui avaient envie de nous suivre en classe, nous avons compris que l’aspect pédagogique de notre projet allait être très important. Nous avons alors commencé à écrire un projet solide de partage avec des écoles, nous avons créé notre association « Parcours la Planète » et de là, plusieurs dizaines d’écoles nous ont contacté par bouche à oreille » nous relate Jérémy.
Un projet de sensibilisation pour enfants
Rapidement, le projet pédagogique prend forme et le couple se lance à leurs frais dans un grand tour de France des écoles afin de rencontrer tous les élèves avant le grand départ. Aujourd’hui, ce sont plus de 3000 élèves de 7 à 17 ans qui les suivent en France et en Suisse. Si le projet plait tant aux maîtresses et maîtres d’écoles, c’est qu’il répond à une demande de plus en plus forte de la part du corps enseignant de proposer du concret aux enfants et d’ouvrir leurs esprits sur des thématiques nouvelles en dehors du champ purement « productif » : « Au niveau pédagogique, la participation à ce projet permettrait de remettre en question une certaine pratique de classe. Ici, nous aurions la possibilité de mêler différentes disciplines (français, mathématiques, géographie, informatique…) et donc de répondre à un idéal pédagogique de transdisciplinarité dans lequel un même projet amène à différentes tâches, différentes réflexions, différents apprentissages, qui est parfois difficile à mettre en place en classe au quotidien » relate Aurore, professeure en région bordelaise.
« La participation à ce projet permettrait également d’observer le comportement, les réactions, les progrès des élèves face à une situation concrète, réelle et motivante. Ces observations permettront de mieux comprendre les élèves, les cheminements de pensées, les investissements de chacun dans une tâche donnée qui sont essentiels au quotidien pour un enseignant. »
Même écho de la part de Coralie, qui exerce en Normandie : « Par l’observation concrète des paysages, des populations, de la faune et de la flore des pays traversés par Sophie et Jérémy, les élèves pourront accéder à la connaissance du monde du vivant, à la compréhension de phénomènes naturels et à l’impact de l’homme sur son milieu. Enfin, nos élèves vont acquérir une conscience citoyenne. Ils découvriront ce qu’est l’engagement dans un projet, l’importance de la coopération et de la solidarité. Ils commenceront à comprendre qu’ils sont citoyens du monde par la découverte de cultures qui leur sont éloignées. Ce à quoi peuvent contribuer les images de Sophie et Jérémy. »
À venir : les Amériques !
Depuis leur départ, deux épisodes ont vu le jour et le troisième vient tout juste d’être publié (toujours en accès libre). Le duo met en lumière un événement récent qui n’a pas encore fait parlé de lui dans la presse : la disparition du plus grand lac du Yukon dû à la fonte d’un glacier. Entre glaciers, pipelines et disparition du plus grand lac du Yukon, les élèves ont de quoi faire en classe ! Et pour Sophie, il est très important d’éduquer les enfants aux changements subis par la planète, afin de ne pas en faire des adultes-consommateurs déconnectés du réel : « On entend souvent cette interrogation : « Quelle planète allons- nous laisser à nos enfants ? », moi j’aime plutôt dire l’inverse ! Quels enfants allons-nous laisser à notre planète ? N’est-ce pas à nous de faire bouger les rangs ? À nous d’informer et de sensibiliser la jeune génération aux défis de demain ? À nous de leur faire prendre conscience qu’ils font partie de ce monde et qu’ils ont un rôle à jouer, et ce, dès le plus jeune âge ! Dernièrement, nous avons eu un mail d’une école qui se demande quel impact a l’extraction de l’or en Alaska et au Yukon sur l’environnement, nos échanges sont extrêmement riches et nous sommes plus que ravis de voir que déjà dans leurs esprits, les mots environnement et écologie signifient quelque chose de fort ! »
Le couple prévoit de traverser prochainement les USA, le Mexique, et tous les pays d’Amérique Centrale, puis de longer la Cordillère des Andes. Les sujets brulants (dans tous les sens du terme) à aborder en classe seront encore bien nombreux. Gestion des déchets en Amérique centrale, habitat alternatif en Équateur et bien d’autres encore ! On ne peut que leur souhaiter bonne route.
Sources : Alaska-Patagonie.com
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