« Pour nos libertés, pour une société où la fraternité a toute sa place, nous ne céderons pas à la peur dans laquelle veulent nous faire vivre ceux et celles qui font de la mort leur raison de vivre. » 120 associations et 19 syndicats lançaient un appel unitaire fin Novembre contre l’état d’urgence et ses dérives. Ils appellent à une mobilisation générale le samedi 30 janvier 2016 pour dire NON à la déchéance de nationalité et à la constitutionnalisation de l’état d’urgence, alors que débute l’examen au Parlement de la révision de la Constitution.

Contexte

À la suite des attentats du 13 Novembre, l’état d’urgence fut décrété par le gouvernement français puis prolongé de trois mois, avec son lot de bavures, d’injustices et de répressions politiques contre des militants écologistes – pour un résultat très contestable sur le plan de l’antiterrorisme. Récemment, le premier ministre français, Manuel Valls, a fait une déclaration choc laissant penser que l’état d’urgence pourrait être de nouveau prolongé sans limite de durée. Ce même ministre qui avait fait cette déclaration stupéfiante début janvier : « Expliquer le jihadisme, c’est déjà vouloir un peu excuser », laissant sans voix les sociologues, chercheurs et spécialistes du terrorisme, soudainement soupçonnés de vouloir « excuser » les auteurs des tueries… Nous oserons la question : comment combattre efficacement quelque chose que l’on ne comprend pas ? Évidemment, ne pas chercher à comprendre comment et pourquoi est né Daesh permet de signer en toute impunité des contrats de vente d’armes de plusieurs milliards d’euros avec ses principaux soutiens financiers et idéologiques : l’Arabie Saoudite et le Qatar.

Aujourd’hui, un projet de loi prévoit l’inscription dans la Constitution de l’état d’urgence mais aussi de la déchéance de la nationalité pour les binationaux. Une dérive sécuritaire inadmissible pour de très nombreux observateurs qui considèrent ces mesures liberticides et autoritaires, symbolisant une victoire indirecte des terroristes et un danger pour la Démocratie (en plus d’être, encore une fois, très contestées sur le plan de la lutte antiterroriste). La dérive sécuritaire du gouvernement commence également à être contestée en dehors de l’hexagone : le Conseil de l’Europe et plusieurs experts de l’Onu ont recommandé à la France de ne pas prolonger l’état d’urgence au delà du 26 février. Par ailleurs, un rapport de 659 pages de l’ONG Human Rights Watch publié ce 27 janvier met en avant les dérives sécuritaires observées dans toute l’Europe. Répondre à la peur en s’attaquant aux libertés y est décrit comme le meilleur moyen de céder aux attentes des terroristes. Dans ce contexte, le collectif Nous ne céderons pas ! appelle à une mobilisation générale le samedi 30 janvier 2016 dans toute la France, pour empêcher que l’état d’urgence ne devienne un état permanent et que la raison reprenne le pas sur l’émotion. Des rassemblements sont prévus dans la plupart des villes françaises.

Carte des rassemblements

Voir en plein écran

Communiqué « Refusons la déchéance de nationalité et la constitutionnalisation de l’état d’urgence »

« Sortons de l’état d’urgence

- Pour une information libre ! -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee

L’état d’urgence conduit à des décisions arbitraires, des dérives autoritaires. Depuis novembre 2015, plus de trois mille perquisitions sont intervenues. Tout comme les assignations à résidence, elles ont donné lieu à de nombreux dérapages, à un accroissement des discriminations à l’égard de populations déjà stigmatisées en raison de leur origine et/ou leur religion supposée ou réelle. Toutes ces mesures, dont l’efficacité n’est pas démontrée, mettent à mal la séparation des pouvoirs : l’exécutif s’accapare le pouvoir législatif et relègue le pouvoir judiciaire hors de son rôle de gardien des libertés.

Inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, c’est graver dans le marbre ce régime d’exception qui permet l’action des forces de sécurité sans contrôle du juge. C’est habituer les citoyen-ne-s à un état d’exception. Avec les moyens ainsi mis en place, il faut s’inquiéter des pouvoirs sans contrôle donnés à ceux qui peuvent arriver aux manettes de l’Etat…

Inscrire le retrait de la nationalité française aux binationaux condamnés pour crimes terroristes, c’est porter atteinte au principe même d’égalité des citoyens, inscrit à l’article 2 de la Constitution, fondement de la République. C’est instituer, dans la loi fondamentale de notre pays, deux catégories de Français, ceux qui le seraient et ceux qui le seraient moins, au motif que leurs parents ou grands-parents ne l’étaient pas. C’est, de fait, remettre en cause le principe d’une nationalité française ancrée dans le droit du sol.

C’est aussi mettre dans la Constitution une mesure dont personne ne croit à l’efficacité en termes de lutte contre le terrorisme, mais réclamée depuis longtemps par le Front national.

C’est banaliser la logique du rejet de l’autre. C’est s’exposer à ce que d’autres majorités politiques élargissent le champ des actes conduisant à la déchéance de nationalité.

N’acceptons pas la gouvernance de la peur : exigeons la sortie de l’état d’urgence !

Nous affirmons qu’il est nécessaire et possible que l’Etat protège les habitants face au terrorisme, sans remettre en cause les droits et les libertés. Nous refusons une société du contrôle généralisé, une société qui glisse de la présomption d’innocence au présumé potentiellement coupable. Ne donnons pas satisfaction aux terroristes qui cherchent justement à nous faire renoncer à notre vie démocratique.

L’état d’urgence contribue au renforcement des préjugés racistes, aux amalgames et aux pratiques discriminatoires.

Notre pays a été blessé, mais loin d’en soigner les plaies, l’état d’urgence risque de les exacerber en appauvrissant notre démocratie, en délégitimant notre liberté. C’est pourquoi, nous demandons la levée de l’état d’urgence et l’abandon de cette réforme constitutionnelle.

Nous appelons tous les habitants de notre pays à développer la citoyenneté et à agir pour construire une société solidaire.

Manifestation le samedi 30 janvier

Où ? partout en France et à Paris, à 14h30, place de la République.


Sources : Pétition « Nous ne céderons pas ! » / Liste de toutes les manifestations du 30 janvier

Image Une : Reuters/Jacky Naegelen

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation