Son acte est considéré comme la protestation individuelle la plus longue de toute l’histoire des États-Unis, peut-être même au monde. Après 30 ans de sit-in auprès de la Maison Blanche, Concepcion Picciotto, une militante aux multiples casquettes, s’est éteinte à l’âge de 80 ans. Mais qui était-elle ?

Son combat à elle, c’était la détermination, autant physique que morale. Elle se voulait la tête de pont locale d’une résistance pacifiste, faisant face physiquement, de tout son être, aux puissants des institutions américaines. Depuis sa tente précaire, elle aura succédé à cinq chefs d’État, dont Ronald Reagan, George W. Bush et Barack Obama. Cette femme, c’est Concepcion Picciotto, une résistante unique en son genre. Incarnant à elle seule le symbole d’une persévérance, son sit-in s’est perpétué durant plus de trois longues décennies. 35 ans de pancartes, de slogans, de distributions de tractes, de militantisme, de conscientisation, de débats avec les passants.

Plus connue sous le nom de «Connie» ou encore «Conchita», elle aura été un symbole vivant pour nombre de militants à travers les États-Unis. Le nombre de passants, et surtout voyageurs, conscientisés est inestimable, même si ses revendications pouvaient parfois êtres confuses. En 2004, jusque là pratiquement anonyme, Concepcion Picciotto va soudainement bénéficier d’une médiatisation hors norme avec la sortie du documentaire Fahrenheit 9/11. En effet, Michael Moore, à l’origine du reportage, va lui y donner la parole. Connie s’opposait évidemment à cette effroyable guerre d’Irak lancée par Bush suite aux attaques contre New York.

Source : wikimédia.org

Une action loin de tout repos

À force de présence sur le terrain, Concepcion s’était même attirée la sympathie de figures politiques nationales dont Eleanor Holmes Norton, déléguée à la Chambre des Représentants. « Durant cette vigilance de plus de 30 ans contre la prolifération nucléaire et pour la paix, nombre de ses objectifs furent atteints » explique le démocrate au New York Times. En 2011, Mme Picciotto fut même récompensée par la fondation Shafeek Nader Trust for the Community Interest en l’honneur de son action de bienfaisance.

Depuis les grandes guerres du pétrole jusqu’à la lutte contre la prolifération des armes atomiques et la cause palestinienne, ses luttes furent nombreuses et complexes, toujours empruntes d’humanisme. Une action discrète qui, contrairement aux apparences, fut loin d’être de tout repos. Au-delà de devoir braver les aléas météorologiques, il est interdit aux USA d’abandonner un lieu de protestation sans surveillance, pas même pour se rendre aux toilettes. Si ce mode de manifestation a généralement tendance à s’essouffler rapidement pour ces raisons, Concepcion en a fait un objectif de vie passé la cinquantaine. Ces longues années de protestations furent donc un casse tête journalier pour échapper aux forces de police. Il y a deux ans, alors qu’elle mangeait rapidement dans un quartier tout proche, la police va mener une opération éclaire pour évacuer ses biens et son campement. Heureusement, son amie, Mme Norton, va intervenir politiquement pour que ses affaires lui soient rendues.

Source : DPA

Une vie difficile et une personnalité unique

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Jusqu’à son dernier souffle, l’octogénaire va persévérer dans son engagement. Mais les températures étant négatives durant la nuit en cette période de l’année, et à la vue de son grand âge, la dame rejoignait depuis peu un appartement partagé le soir venu à quelques pas de son campement. Elle s’éteindra en toute discrétion dans ce lieu alors que sa santé s’était dégradée dernièrement à la suite d’une chute. Issue d’une orphelinat espagnol et élevée par sa grand-mère, elle était venue aux États-Unis en 1960. Après une courte carrière d’interprète pour les Nations-Unies et l’ambassade d’Espagne, ponctué d’un divorce difficile, Concepcion perd sa maison, la garde de sa fille et son travail. Elle change alors radicalement de mode de vie et débute son action devant les pouvoirs américains.

À n’en pas douter, Concepcion Picciotto était un personnage atypique, unique en son genre, excentrique diront certains. Elle craignait la folie des Hommes et la destruction du monde par les puissants. « Ce qui se passe suite à sa mort est un témoignage qu’elle a accompli quelque chose. C’était une personne qui avait un attachement passionné envers ses idées. Vous pouvez dire qu’elle était saine d’esprit ou non, mais ceci fait toute la différence. » explique Mme Stribling, une travailleuse sociale qui l’a côtoyée. Après trois décennies de protestation, Mme Picciotto s’en est allée, loin de la folie humaine qu’elle craignait, pour rejoindre les mémoires d’un militantisme existentiel.


Source : nytimes.com / lefigaro.fr / Photographie à la une : Makfoto

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