Dans un premier essai concis et efficace, Léa Falco dépasse le discours écologique mainstream et dénonciateur pour proposer un horizon où faire écologie ensemble. Un appel à l’action conscient et pragmatique, loin de la vision fataliste et clivante qui rime trop souvent avec l’écologie. Découverte.

Forte de son expérience militante, Léa Falco apporte une réflexion théorique et stratégique sur les leviers nécessaires à une « transformation écologique » profonde du monde actuel. Au delà de l’image d’Épinal de la société durable de demain, la jeune diplômée ose s’attaquer à des questions épineuses et dessine les contours d’une écologie « par défaut », où chacun peut y percevoir un horizon désirable et réaliste.

Née en 1998, Léa Falco apparait aujourd’hui comme une des figures montantes du mouvement écologique française. – Source : Linkedin 

« Nous sommes aujourd’hui dans une  »drôle de transition », annoncée mais pas encore débutée, qui nous enferme dans un pénible entre-deux de l’Histoire. » C’est par ces mots que débute la quatrième de couverture du premier essai de Léa Falco, Faire écologie ensemble, la guerre des générations n’aura pas lieu, publié à la fin du mois de juin aux éditions Rue de l’échiquier.

Si la jeune femme préfère évoquer la « transformation écologique », un vocable plus à même de démontrer la « véritable redirection pragmatique » nécessaire au vue des enjeux actuels, plutôt qu’un « simple glissement superficiel », elle reconnait qu’une telle radicalité est encore loin d’être perçue comme inévitable par certains citoyens, entreprises ou politiques.

Guerre du climat, guerre des générations ?

Alors que la génération climat s’est illustrée ces dernières années à coup de marches pacifiques et d’actions de désobéissance civile, « des boomers résignés » peineraient encore à saisir l’ampleur de la catastrophe climatique et environnementale que nous traversons, « taxant d’impatience ou d’extrémistes » les plus jeunes qui souhaitent les alerter.

Pourtant, Léa Falco l’assure : ce gouffre générationnel souvent dépeint n’est qu’un leurre. « Tous et toutes, nous subissons déjà les effets des multiples crises du climat, des ressources ou de la biodiversité ».

Mais alors, pourquoi n’existe-t-il pas de consensus populaire autour d’une société écologique ? Comment susciter une mobilisation collective à partir de simples engagements individuels ? Quel rôle doivent jouer les individus, les entreprises et les pouvoirs publics dans l’avènement d’une écologique structurante ? C’est à ces questions majeures et inévitables que l’essayiste française propose de répondre.

Ouvrir le discours écologique

Née en 1998 et diplômée de Sciences Po Paris, Léa Falco s’illustre d’abord en rejoignant le collectif Pour un réveil écologique, lancé par des étudiants de « grandes écoles » désireux d’accélérer la transition environnementale de leurs futurs employeurs et instituts de formation. Plus tard, elle rejoint l’émission « les Grandes Gueules » sur RMC, où elle sera rapidement cantonnée au rôle de l’écolo-bobo-parisienne, malgré sa volonté d’apporter nuance et profondeur au débat. Depuis, la jeune chroniqueuse apparait régulièrement dans plusieurs médias et s’est vue confiée la création d’une formation en ligne sur le climat destinée à près d’une demi millions d’agents de la fonction publique.

Couverture de l’essai « Faire écologie ensemble
La guerre des générations n’aura pas lieu » de Léa Falco, publié aux éditions Rue de l’échiquier

Un parcours qui s’inscrit dans une démarche engagée et exigeante, qui peut toutefois sembler loin du militantisme de terrain dont d’autres figures écologistes font preuve. Cette volonté de « changer les choses de l’intérieur » transparait sans nul doute dans le champ lexical de l’ouvrage. Si, à première vue, on peut regretter un ton parfois lisse et peu incisif face à l’urgence à agir, il a toutefois le mérite de dépasser le discours d’une écologie moralisatrice en se plaçant au coeur du débat et en invitant tous les acteurs de la société à y prendre place.

Pour Léa Falco, identifiée comme une interlocutrice crédible par les chefs d’entreprise, les dirigeants politiques ou les média mainstream, cette forme d’engagement s’articule autour d’une multiplicités d’activismes « qui donnent accès à des espaces différents et à des messages différents », participant ainsi à diversifier un des grands enjeux du militantisme écologique et social actuel.

Pour une écologie par défaut

C’est dans cette veine que l’essai débute par une brève introduction à l’écologie économique qui permet au lecteur de démystifier le rôle du consomm’acteur, contribuant à moraliser l’écologie, et des entreprises, se retrouvant pieds et points liés face à la conjoncture des marchés. « Ni les consommateurs ni les entreprises ne pourront donc enclencher seuls une véritable transformation écologique structurelle, même s’ils joueront un rôle primordial sans sa réalisation ultérieur. L’exiger des premiers revient à surestimer l’influence réelle de la mobilisation individuelle ; l’exiger des secondes signifient ignorer l’inertie financière dans laquelle elles évoluent », assure l’autrice.

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En définitive, seul un acteur semble avoir l’étoffe de se positionner « en fer de lance de la transformation écologique » : les pouvoirs politiques, et en particulier l’Union européenne. Et pour cause : au-delà d’un intérêt stratégique à le faire, l’institution politique détient surtout un pouvoir normatif à la hauteur de ces ambitions.

Consciente qu’un tel projet de société se heurte toutefois à une temporalité d’action limitée et à une adhésion populaire faible, Léa Falco présente un des concepts directeurs de son ouvrage : l’écologie par défaut. Une notion sujette à interrogation – à tel point que son éditeur préférera présenter un autre titre pour son essai – qui, une fois cernée, révèle en réalité une plus-value structurelle évidente. « C’est bien parce que le choix par défaut est un choix anti-écologique que le bât blesse : l’écologie, partout, fait face au mur conjugué des habitudes, de l’inertie, de l’aversion au changement et de l’effort qu’elle représente. (…) Tant que l’écologie sera une voix littéralement extraordinaire plutôt qu’un chemin tout tracé, elle sera son propre obstacle. Alors, pourquoi ne pas inverser la norme ? ».

L’autrice s’attèle alors à décrire un monde où « être écolo » n’est plus une abnégation à la marge mais bien une réalité généralisée, « d’une telle manière que le choix le plus facile, accessible, économique, socialement valorisé, en somme habituel, soit le choix écologique ».

Devenez radicaux

Au terme de la démonstration, on devine la volonté inébranlable de l’autrice d’irriguer chaque recoin de la société par les enjeux écologiques. Celle-ci convainc par son analyse pertinente dans un contexte d’expansion des stratégies environnementales auxquelles il est parfois nécessaire de rappeler les conditions sociales et politique indispensables à une telle transition, au risque de tomber dans les dérives du greenwashing ou de renforcer les inégalités socio-économiques déjà trop présente au sein des populations.

Faire écologie ensemble par Léa Falco à l’Académie du Climat. 28 juin 2023

Malgré cette force, certains passages se heurtent à la complexité de sujets qui sont abordés en moins d’une centaine de pages seulement. La promesse du titre à présenter des éléments sociologiques ou politiques plus enclins à expliquer la réticence générationnelle à l’engagement écologique ne semble pas tout à faire remplie (le titre originel semblait en réalité plus pertinent!). La déception est vite balayée lorsqu’on comprend la véritable finalité de l’ouvrage.

Finalement, l’ouvrage de Léa Falco parvient à passer notre société « au macroscope » et trace les contours d’un monde à la fois attrayant – pour 85% de la société – et compatible avec les limites planétaires. De quoi arrêter de vilipender les jeunes militants écologiques. L’autrice invite en réalité à faire mieux : « devenez radicaux, cherchez la racine du problème. Puis joignez-vous à eux ! ».

– L. Aendekerk


Photo de couverture de Shane Rounce sur Unsplash

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