Depuis le plateau du Larzac, le camp des Résistantes a rassemblé début août plus de 7 500 personnes. Après une année militante douloureusement réprimée, ces retrouvailles sont un souffle d’espoir pour les luttes écologistes en France. Reportage photographique. 

Du 3 au 6 août, ce sont plus de 7 500 personnes qui se sont retrouvées sur le plateau du Larzac. Sur la commune de la Couvertoirade, ces 4 jours de rencontres, d’ateliers, de formations, de tables rondes, de spectacles, de concerts et de conférences étaient un rendez-vous estival essentiel pour le mouvement écologiste.

À l’accueil du camp, une sculpture prend forme © Victoria Berni

Un lieu symbolique

Organisé par Terres de Luttes, la Confédération Paysanne de l’Aveyron et les Faucheur·euses Volontaires d’OGM, le camp des Résistantes s’est tenu sur des terres prêtées par des paysan·nes de la Société Civile des Terres du Larzac. Le lieu n’a pas été choisi au hasard puisqu’il est témoigne d’une lutte victorieuse historique dans les années 1970 où la paysannerie s’est dressée contre un projet militaire

Une organisation gigantesque

Ce sont plus de 800 bénévoles, intervenant·es, technicien·nes, artistes qui ont contribué par leur temps, leur énergie et leur détermination à ce que camp voit le jour. Plus de 200 associations et collectifs locaux ont également répondu présent·es à l’appel des Résistantes 2023.

Du matin au soir, des centaines de bénévoles se sont affairé·es autour d’une lignée de rocket stove – poêle de masse avec foyer à bois – pour préparer les cantines. L’internationale boulangère mobile est également venue boulanger toute la semaine.

Des rockets stove pour la cuisson des repas © Victoria Berni

Le groupe de cumbia & hip hop Sidi Wacho ainsi que l’orchestre C’est qui Paulette avec son célèbre morceau Révolution sont venus faire se déhancher le camp. Pour les plus téméraires, une scène techno s’agitait jusque tard dans la nuit. Le week-end, c’est un marché paysan et artisanal qui s’est installé sur le camp pour valoriser la production locale : miel, fromages, glaces, légumes, vannerie, plantes aromatiques et médicinales, etc.

Une artisane du marché paysan © Victoria Berni

Pratiques de soin et féministes

Des espaces de repos pour se ménager dans le tumulte de ces rencontres ont été installés. Entre une bambinerie, un dispositif de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et de la prévention contre les oppressions systémiques, de nombreux dispositifs ont été pensé pour sécuriser les participant·es.

L’entrée du village soin © Victoria Berni
Texte de prévention contre les oppressions systémiques © Victoria Berni

Une large programmation 

Dès le jeudi après midi, sous un soleil éclatant et des rafales de vent, la programmation s’est enchaînée. Lors d’une conférence-atelier, des scientifiques de l’Atecopol ont proposé de réfléchir aux causes et conséquences du désastre environnemental à l’aune du genre, et surtout de la manière dont on peut construire des alternatives sans reproduire des oppressions systémiques.

Conférence-atelier : Le genre de la catastrophe écologique © Victoria Berni

Les participant·es à l’atelier sont arrivé·es à la conclusion que si les femmes, minorités de genres, personnes racisées, précaires sont les premières victimes, c’est bien du fait de la pétromasculinité et d’un construit viril qui considère les terres et les corps comme des territoires de conquête.

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Après un interlude artistique avec une performance théâtrale sur les coulisses des procès de manifestant·es dans les mouvement sociaux, victimes de violences policières, le collectif Diffraction a invité à un atelier de communication non violente en prenant en compte les rapports de pouvoir et l’imbrication des oppressions systémiques.

Puis vendredi matin, ce sont huit paysannes et agricultrices qui depuis leur expériences vécues racontent la réalité de leurs vies en tant que femmes dans un milieu agricole sexiste.

Reprendre des terres agricoles depuis une perspective féministe © Victoria Berni

Elles ont pu partager à quel point le sexisme isole, violente et le boys club empêche de trouver sa place dans le monde paysan. La sphère domestique et administrative est malheureusement encore largement gérée par les femmes alors que c’est une composante inhérente à la vie paysanne ; mais l’imaginaire collectif ignore cet aspect en considérant que le travail paysan s’arrête au champ.

La maisonnée paysanne aurait ainsi été démantelée au profit de la famille nucléaire au service de la bourgeoisie avec l’idée que le bourgeois exploite l’ouvrier et l’ouvrier exploite sa femme. Alors que la maisonnée paysanne, c’était la vie collective autour de la subsistance autonome qui va du champ à la vie domestique avec toutes les tâches organisées et partagées. 

Prise de notes © Victoria Berni

Croiser les perspectives féministes avec les enjeux écologistes, c’est bien le prisme qu’a choisi d’emprunter le camp des Résistantes. Car il n’est plus question de mettre sous le tapis les origines structurelles du désastre environnemental.

Pour poursuivre cette abondance de savoirs, un petit tour à la librairie s’impose avec des livres proposés à prix coutants.

Le tipi-librairie © Victoria Berni

Le camp des Résistantes s’est poursuivit samedi matin avec une table ronde passionnante sur des expériences municipalistes en France avec les communes de Saillans et de La crèche, les groupes Nantes en commun·es et Actions communes qui propose un accompagnement pour rejoindre une liste en vue des municipales.

Des stratégies politiques où le pouvoir est repris directement par les habitant·es des territoires et qui offrent des perspectives pour les élections 2026.

Expériences municipalistes © Victoria Berni

L’après midi, l’association A4 dénonçait avec émotions et justesse les conditions indignes de travailleurs étrangers dans le monde agricole français.

Puis le Rosemerta, un squat d’habitation à Avignon où vivent des personnes exilées, présentait son autogestion. Là-bas, le fonctionnement par commissions autour de l’accueil, la vie quotidienne, les travaux, la communication, l’évènementiel, etc. permettent à une cinquantaine de personnes de coexister.

Brochure du Rosemerta © Victoria Berni

Le dimanche, le camp des résistantes se termine avec la clôture des assemblées de luttes. Il y en a eu 13, notamment autour du nucléaire, des méthaniseurs, de l’eau, des forêts, de scientifiques en rébellion, de luttes régionales, pour renforcer les coalitions.

Avant de se quitter, la traductrice et autrice, Juliette Rousseau, proposait une lecture autour du livre Joie Militante, écrit par carla bergman et Nick Montgomery, publié aux éditions du Commun en 2021. Elle invitait à partager des expériences autour du radicalisme rigide qui peut régner dans les milieux militants et empêcher la joie d’exister.

Juliette Rousseau, à droite © Victoria Berni

Un vent d’espoir

Lors de ces 4 jours, c’est un temps précieux qui a été dédié au partage d’histoires de luttes, de victoires passées et de toutes celles à venir. Il a permis de recréer du lien après une année difficilement marquée par la répression étatique.

Les organisateur·ices confirmaient dans un communiqué, à la suite de l’évènement, le vent d’espoir qui s’est matérialisé : « Nous continuerons de nous battre ensemble pour ce qui nous rassemble dans les rues comme dans les champs et les zones humides, partout où ce sera nécessaire : occuper, manifester, agir, désobéir. Nous ferons bloc contre les tempêtes néolibérales, capitalistes et répressives. La suite est à écrire ensemble ! »

– Victoria Berni


Photo de couverture de Julien Coudsi

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