Devenant de plus en plus incontournable, le sujet de l’écologie est aujourd’hui abordé par la plupart des formations politiques françaises, y compris l’extrême droite. Dans sa stratégie pour paraître plus « respectable », le RN essaie d’afficher un visage dans le domaine. Pour autant, derrière les faux semblants, le parti de Marine Le Pen démontre par ses actes qu’il ne se soucie guère de ce sujet, bien au contraire.

Largement en tête des sondages (dont on pourrait discuter la pertinence) en vue des Européennes de juin prochain, légitimé par le spectre politico-médiatique libéral, le RN tente d’élargir un peu plus son électorat en évoquant une thématique majeure du XXIe siècle. Pourtant, comme sur le secteur social, lorsque l’on gratte le vernis, on se rend vite compte de la supercherie.

Un ancrage historiquement anti-écologiste

Avant de s’intéresser au discours actuel et surtout aux actes du RN en matière d’environnement, il convient d’abord de rappeler l’histoire de ce parti dans le domaine. Et depuis toujours, le mouvement a bien pris soin de taper sur « la gauche ». On se souvient par exemple de Jean-Marie Le Pen qui avait popularisé l’expression « gauche pastèque » dans les années 80.

Sur un plateau, il avait ainsi comparé les écologistes à ce fruit « vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur ». Une formule d’ailleurs reprise toute honte bue par Olivier Véran, porte-parole du gouvernement en 2022. De cette manière, la droite et l’extrême droite affirment leur claire démarcation de l’écologie politique, notamment liée à la décroissance.

Longtemps méprisée par cette partie de l’échiquier politique, la défense des conditions de vie sur Terre devient toutefois de plus en plus incontournable. Il est ainsi beaucoup plus compliqué d’afficher un climatoscepticisme décomplexé comme le faisait auparavant Marine Le Pen.

L’écologie « positive », une nouvelle escroquerie de Bardella

Pour malgré tout se saisir de ce sujet, le RN, comme l’ensemble de la droite, essaie s’appuie sur l’idée qu’il existerait plusieurs types d’écologie. L’écologie, soutenue par la gauche, serait « punitive », déraisonnable ou fanatique.

À l’inverse, l’extrême droite s’est alignée sur la stratégie libérale, tentant de s’afficher comme censé et responsable. Comprendre par là, ne surtout par remettre en cause l’ordre établi.

Ainsi, pour s’opposer à la gauche et son « catastrophisme », le RN entend porter une écologie « positive ». Évidemment, derrière ce genre d’expression ne se cache pas grand-chose de concret. L’idée est surtout de se placer en opposition aux véritables écologistes que l’on cherche à diaboliser.

Le rejet de l’altérité comme boussole

En ce qui concerne le secteur social, le RN a toujours porté un projet permettant d’asseoir son obsession identitaire. Ainsi, il faudrait « moins aider les étrangers » pour pouvoir s’occuper des Français (dans les faits, le RN ne se soucie pour autant pas du tout des classes populaires).

Sa politique écologiste repose sur la même logique xénophobe. L’un des thèmes phares du parti dans ce domaine est d’ailleurs le « localisme ». En soi, cette pratique consistant à produire et consommer au niveau local peut tout à fait être vertueuse pour le climat. Toutefois, elle est insuffisante en elle-même, puisque si elle permet effectivement d’éviter le transport de marchandises émetteur de gaz à effet de serre, elle ne garantit en rien de bonnes conditions environnementales de production (pollution, type d’énergie, gestion de l’eau ou des sols…).

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Cependant, le localisme a l’avantage de constituer une merveilleuse passerelle pour les thèmes identitaires de l’extrême droite. Ainsi, en vantant les denrées régionales sous un prétexte écologique, le RN flatte aussi le sentiment nationaliste en affirmant la supériorité de la France sur les autres.

Une ribambelle de votes anti-écologiques

Dans les faits, au-delà des coups de communication, on sait par l’observation des votes des élus d’extrême droite que ces derniers agissent objectivement à l’encontre de l’intérêt environnemental.

En 2019, une enquête du Monde révélait ainsi que les eurodéputés du RN ont œuvré à l’encontre du climat notamment en rejetant les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De même, ils se sont largement positionnés contre le développement des énergies renouvelables (un sujet sur lequel la France est toutefois déjà très en retard). Dans le même temps, le RN s’est aussi opposé aux accords de Paris (qui sont pourtant bien insuffisants).

Pour séduire l’électorat rural réactionnaire, Marine Le Pen a promis qu’elle démantèlerait les éoliennes de l’hexagone si elle arrivait au pouvoir. Une idée climaticide qui ferait la part belle aux énergies fossiles. Un lobby auquel le RN semble bien soumis puisqu’il a refusé la taxation des superprofits des grandes entreprises du pétrole, du charbon et du gaz.

En matière d’agriculture, le RN ne brille pas non plus par son action pour la planète puisque ses votes sont largement orientés en faveur des industriels. Il a par exemple voté contre le « pacte vert » et donc contre la réduction des pesticides et l’essor de la paysannerie biologique.

En matière de logement, le RN s’est également positionné du côté des plus riches en s’opposant à l’obligation de rénovation des passoires thermiques. Et pour bien démontrer qu’il se moque de cet enjeu crucial, il a aussi voté contre la mise en place d’un fond européen pour aider les plus précaires à rénover les habitations ou acheter des voitures électriques.

L’extrême droite du côté du capitalisme

On l’aura compris, le bilan écologique du RN est loin d’être reluisant, en particulier au parlement européen. Leurs attaques récurrentes à l’encontre des forces de gauche qui portent réellement le combat environnemental en sont d’ailleurs une belle démonstration.

Le même constat a en outre été fait dans les pays où l’extrême droite a accédé au pouvoir, notamment aux États-Unis de Trump ou au Brésil de Bolsonaro. Dans tous les cas, ce camp politique est avant tout animé par une obsession identitaire, mais elle se place également du côté du capitalisme.

Un mode de fonctionnement qui reste bel et bien incompatible avec la sauvegarde des conditions de vie sur Terre puisqu’une croissance infinie dans un monde aux ressources finies relève définitivement du fantasme.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Montage Mr M x Wikimedia x Unsplash

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