L’actualité médiatique de ces dernières semaines a été largement dictée par le rythme auquel étaient inscrits les buts en Coupe du monde de football si bien que certaines informations essentielles pour la société française sont passées pratiquement inaperçues dans les médias. Retour sur cinq de ces informations qu’il ne fallait pas manquer.
1 – Les explications douteuses de Macron au congrès
Devant les parlementaires réunis en Congrès ce 9 juillet, Emmanuel Macron a tenté de justifier sa politique des douze derniers mois tout en fixant son cap politique pour l’An 2. Le président a assuré que son action future serait tournée vers la construction de « l’État-providence du XXIe siècle » ! L’annonce officielle d’une mise à plat des constructions sociales du siècle précédent héritée de l’après-guerre devrait déjà laisser dubitative la société française tant les implications seront profondes. Les mots employés par le Président et les politiques qu’il a menées depuis qu’il est au pouvoir peuvent laisser craindre le pire. Pourtant, très peu de réaction d’étonnement ou d’indignation.
En effet, les formulations séduisantes teintées de modernisme dont Emmanuel Macron a la recette ne trompent guère. Depuis son élection, c’est le sentiment de déséquilibre entre les cadeaux aux plus grandes entreprises et fortunes d’une part et la marche forcée des économies réalisées sur le dos du reste de la population (Étudiants, Retraités, personnes en recherche d’emploi, fonctionnaires) qui domine. La politique du « en même temps » n’est qu’un leurre : la réévaluation de la prime d’activité à la rentrée 2018 ou encore la mise en place de remboursement 100 % des lunettes et prothèses auditives ne peut pas faire oublier que Gérard Darmanin suggérait dès fin mai dernier la remise en cause de certaines aides sociales jugées comme des « trappes à inactivités » et que de manière générale, les politiques sont de plus en plus contraignantes à l’égard des plus démunis, que ce soit avec la réforme de l’assurance chômage qui introduit une logique d’indemnisation forfaitaire où un droit du travail qui fragilise les salariés et accompagne l’ubérisation du marché au lieu de protéger les individus.
Lundi 9 juillet, Le #Parlement était réuni en Congrès à Versailles #CongresVersailles
Retour en images sur cette séance, en présence du Président du #Sénat, @gerard_larcher 👇
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📷 Photos : (c) Sénat / Cecilia Lerouge pic.twitter.com/QIJmjwUMtX— Sénat (@Senat) July 10, 2018
L’Etat-providence du XXI siècle à la Macron n’est rien d’autre qu’un système libéral où chaque individu serait mis (théoriquement) dans une situation d’égalité face aux marchés et serait libre d’entreprendre. Dans cet idéal libéral, l’État n’a plus vocation a aider les plus démunis, les anciens ou les malades (sauf à la marge, le fameux filet de sécurité), mais à assurer que chacun soit mis en situation de « s’en sortir ». Il s’agit ici d’une rhétorique libérale éculée, mise à mal par la réalité du marché du travail, mais qui permet de justifier un retrait progressif de l’État souverain et la fin des droits sociaux qui en découlent. Sur Médiapart, Romaric Godin résume : dans l’esprit de Macron, « l’État n’a pas à « corriger » les différences de revenus qui ne sont en réalité que le reflet des compétences de chacun, mais donner à chacun la capacité à venir sur le marché vendre ses compétences. Le marché fera le tri. Ceux dont le destin est l’échec devront alors l’assumer en acceptant ce que lui donnera le marché ». Et voilà que sous couvert de modernité et de réforme pour entrer dans le 21 siècle, pointent à nouveau les idées des économistes libéraux du 19ème siècle.
2 – Le traité de libre-échange UE-Japon (JEFTA)
Pile un an après que l’Union européenne et le Japon soient parvenus à un accord de principe sur les principaux éléments du JEFTA, un accord de libre-échange, c’est le Conseil de l’UE qui s’est exprimé de manière favorable à propos du texte ce 6 juillet 2018. Alors qu’une pétition contre le JEFTA rassemble déjà 320.000 signatures, l’ONG Foodwatch dénonce « une fuite en avant [qui] ne tire aucune leçon des risques pointés du doigt dans le CETA pour les droits des citoyens, notre santé, notre alimentation, notre agriculture, notre environnement et [qui] met à mal la démocratie en Europe ». Associations et ONG dénoncent un traité qui va à l’encontre de tout bon sens écologique, alors qu’il s’agirait aujourd’hui de produire de la manière la plus locale possible et d’encourager les acteurs qui s’engagent en ce sens au lieu de les pénaliser en les jetant dans la fosse des marchés internationaux. Le traité est également critiqué parce qu’il pourrait relancer le processus de privatisation, notamment dans le domaine de l’eau et qu’il risque tire certaines normes environnementales vers le bas, comme en ce qui concerne le trafic illégal de bois.
3 – Canicule meurtrière au Québec
Une chaleur accablante a touché le Canada les premiers jours de juillet, faisant 70 morts au Québec, selon les chiffres communiqués par les autorités sanitaires. En raison des îlots de chaleurs qui se créent localement, les villes ont été particulièrement touchées (comme Montréal). Dans le même temps, certaines forêts du pays ont été frappées par d’importants feux, qui sont plus nombreux que la moyenne pour la saison. En cause ici aussi : chaleur, sécheresse et orages.
Ces phénomènes de chaleurs locaux s’inscrivent dans le cadre de changements bien plus globaux. Cette semaine, c’est l’Union européenne qui tirait la sonnette d’alarme à propos de la désertification rapide de régions entières dans le monde. Et dans le même temps, la chaleur devient un véritable défi pour les populations humaines, qui luttent pour trouver de la fraîcheur. Le paradoxe : face à des périodes de sécheresses plus intenses, la demande en énergie pourrait croître, alimentant un cercle vicieux mortifère.
4 – Sanofi, vers un nouveau scandale ?
Après la crise qui a frappé il y a quelques années Sanofi, fabricant de la Dépakine (l’anti-épileptique accusé de causer des malformations et des troubles mentaux chez les enfants dont la mère prenait ce médicament pendant leur grossesse), un nouveau scandale touche l’entreprise de fabrication de médicaments. France Nature Environnement a révélé ce 8 juillet que l’usine située à Mourenx rejetait des polluants en des quantités qui dépassent de 7000 à 190000 fois les normes. L’un des composé visé, le bromopropane « a des effets toxiques néfastes pour la santé. Au-delà des irritations des voies respiratoires, de la peau, et des yeux ; il a aussi un potentiel cancérigène, mutagène et reprotoxique (baisse de la fertilité et malformation des fœtus) » selon l’association. Les autorités étaient au courant depuis au moins le 14 avril dernier, alors que selon les premiers éléments l’entreprise ne contrôlait pas ses rejets. Depuis ces révélations, le site a été fermé et le gouvernement a laissé trois mois à Sanofi pour se mettre en conformité. Reste à savoir si ces pollutions resteront impunies.
5 – Les sénateurs détricotent les maigres avancées de la loi alimentation
Déjà critiquée pour son manque d’ambition, la loi agriculture et alimentation a été réduite a une peau de chagrin lors de son passage au sénat. L’article 14, qui en interdisant les remises, les rabais, les ristournes, la remise d’unités gratuites et toutes pratiques équivalentes sur les produits phytosanitaires et entendait ainsi réduire leur utilisation a tout bonnement été supprimé. Un nouvel amendement tentant une fois de plus d’introduire le principe de l’interdiction du glyphosate dans la loi a été quant à lui rejeté.
Suite à une dizaine de changements au total, aucun compromis n’a été trouvé par la commission mixte paritaire composée de députés et sénateurs et qui s’est réuni ce 10 juillet. Le texte sera à nouveau étudié en commission par l’assemblée dans les jours qui suivent. L’occasion pour les députés – peut-être -, de revenir sur leur position en ce qui concerne le glyphosate, alors que sa non-interdiction a causé l’indignation bien au-delà des clivages politiques.
Rappelons enfin que ces évènements, comme d’autres, n’ont pas été occultés à cause de la Coupe du Monde en elle même, ni du football en tant que sport, mais bien car la plupart des médias vont choisir d’y consacrer l’essentiel de leur temps de diffusion, que partout sur nos écrans on nous affiche de force le sujet au point où l’essentiel de l’information qui compte pour la majorité de la population est devenu inaudible. Cette popularisation « de force » d’un tel spectacle, à la fois symbole et promoteur d’un modèle économique mondialisé, est par définition un choix hautement politique. En avoir conscience n’est sans doute pas incompatible avec les plaisirs du sport. Mais l’inverse, à savoir la négation du rôle politique des grands évènements sportifs, n’est certainement pas un signe de bonne santé démocratique.
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