Vitale pour l’être humain et les écosystèmes, l’eau douce viendra-t-elle à manquer ? L’Organisation des Nations-Unies pour la protection de l’environnement alerte sur la réduction des quantités disponibles et la détérioration de sa qualité à travers le monde. Sans efforts significatifs pour préserver l’or bleu et en assurer une gestion coordonnée, ce sont des milliards de personnes qui risquent d’être affectées par la sécheresse dans les années à venir. État des lieux.

Parmi les trente objectifs de développement durable fixés par l’Organisation des Nations-Unies (ONU), assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous d’ici 2030 apparait comme une priorité (ODD 6). Pourtant, « malgré les efforts soutenus et les engagements mondiaux, nous devons faire face à la dure réalité : nos progrès sont loin d’atteindre les huit cibles de l’ODD 6 », regrettent les auteurs d’une série de rapports publiés par l’organisation le 28 août dernier.

Au printemps dernier, près de la vaste zone humide du delta de l’Okavango (Bostwana), l’assèchement des lacs et des rivières a décimé les dernières têtes de bétail qui avaient pour l’instant résisté à la sécheresse. – Source photo : Pixabay

10% de la population mondiale déjà menacée

Derrière ce constat, un sombre tableau se dresse pour les années à venir : « dans certaines régions et pour des indicateurs spécifiques, les progrès sont non seulement insuffisants, mais aussi en régression ». Et pour cause, de nombreuses régions sont de plus en plus confrontées au défi de la pénurie d’eau, les conflits et le changement climatique aggravant le problème.

Aujourd’hui, environ 10 % de la population mondiale vit dans des zones confrontées à un stress hydrique élevé ou critique, engendrant un manque criant d’accès à « des services d’eau potable et d’assainissement gérés en toute sécurité, ainsi qu’à des services d’hygiène de base ».

Pourtant, un large panel de gouvernements, scientifiques, institutions internationales et organisations non-gouvernementales s’était retrouvé pour discuter d’une stratégie de gestion durable des ressources en eau à l’occasion de la dernière conférence des Nations-Unies sur cette thématique qui s’est tenue à New-York du 22 au 24 mars 2023. Malgré une volonté certaine d’engager des discussions, les efforts demeurent insuffisants.

Une hausse des risques observée sur tous les territoires

Selon le rapport, le niveau moyen de stress hydrique – soit une situation critique dans laquelle soit les ressources en eau disponibles sont inférieures à la demande – a augmenté de 2,7% depuis 2015, pour atteindre 18,6% en 2021. À l’échelle du monde, d’importantes variations régionales existent :  « l’Asie occidentale (63%, l’Asie centrale (70%), l’Asie du Sud (83%) et l’Afrique du Nord (120%) connaissant les niveaux de stress hydrique les plus élevés. (…) En revanche, de faibles niveaux de stress hydrique sont observés en Océanie (3%), en Amérique latine et dans les Caraïbes (6%), en Afrique subsaharienne (6%) et en Europe (8%) », relèvent les chercheurs.

Concrètement, le débit des rivières a considérablement diminué dans 402 bassins fluviaux du monde entier, où vivent environ 107,5 millions de personnes : « Il s’agit d’une multiplication par cinq par rapport à il y a 15 ans ». Les plans d’eau, tels que les lacs, diminuent ou disparaissent entièrement dans 364 bassins à travers le monde, « tandis que de nombreux grands lacs du monde continuent d’avoir des niveaux élevés à extrêmes de turbidité et d’eutrophisation ». Ces plans d’eau douce offrent pourtant des moyens de subsistance à des millions de personnes et sont essentiels à la biodiversité des eaux douces.

Peut-on véritablement manquer d’eau ?

En 2050, les Nations-Unies prévoit qu’au moins une personne sur quatre vivra probablement dans un pays confronté à une pénurie chronique ou récurrente d’eau douce. Pourtant, une croyance populaire veut que le cycle de l’eau permettra une quantité immuable de l’or bleu sur Terre, à disposition des populations. Alors comment expliquer les pénuries actuelles et à venir ?


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Si l’eau recouvre 70% de la surface de terrestre, seuls 3% de cette réserve est constituée d’eau douce. « En revanche, elles ne sont pas toutes accessibles. La majeure partie de l’eau douce est stockée sous forme de glace et ne peut donc être utilisée. Au final, nous trouvons de l’eau douce à l’état liquide dans des réservoirs naturels ou artificiels (lacs, barrages…) et dans les nappes phréatiques de faibles profondeurs (autrement, son exploitation est trop complexe et trop coûteuse). Ainsi, le volume d’eau douce disponible pour la consommation humaine est inférieur à 1% », détaille Youmatter dans un article dédié au sujet.

Une répartition profondément inégale

Alors que la masse d’eau totale de l’hydrosphère reste relativement constante au cours des siècles grâce au principe du cycle de l’eau, sa répartition sur la surface de la terre est inégale. Les zones arides et désertiques seront moins exposées aux précipitations et ruissellement, tandis que les 9 pays qualifiés de « puissances de l’eau » (Brésil, Russie, Indonésie, Chine, Canada, Etats-Unis, Colombie, Pérou et Inde), se partagent à eux-seuls 60% des ressources naturelles renouvelables d’eau douce.

Près des montagnes, la fonte accélérée des glaciers due au réchauffement climatique réduit la disponibilité en eau pour les générations futures. – Source image : Pixabay

« Or, l’élévation des températures causée par le dérèglement climatique favorise les épisodes de sécheresse », poursuit l’organisation. Couplé à un mode de consommation extrêmement gourmand en eau (agriculture, alimentations, habillement,…) et une perte du couvert forestier mondial qui diminue le phénomène d’évapotranspiration, la question ne se pose pas tant sur la quantité totale d’eau disponible que sur sa répartition inégale dans le monde.

Pollution généralisée

En outre, la qualité de l’eau est tout aussi primordiale que sa disponibilité, « et les deux notions sont en réalité intrinsèquement liées », rappelle Youmatter. Lorsque la qualité de l’eau se détériore, elle devient moins disponible, car elle ne répond plus aux critères requis pour certains usages.

La rendre à nouveau potable pour la consommation humaine implique des coûts et des moyens supplémentaires. Les contaminants peuvent être d’origine organique (comme les déchets domestiques ou les excréments), chimique (herbicides, insecticides, métaux toxiques, etc.) ou encore physique (par exemple, le rejet d’eau à une température trop élevée dans les écosystèmes aquatiques comme c’est le risque avec le refroidissement des centrales nucléaires).

Des « efforts significatifs » sont nécessaires

« Ainsi, toutes les projections des scientifiques montrent qu’il y aura redistribution des ressources en eau, au niveau national comme au niveau mondial », indique l’Inrae dans un dossier consacré à la préservation de l’eau dans nos pratiques agricoles. « Même si le volume total d’eau de la planète reste constant, il y a aura des risques de manques d’eau douce plus ou moins drastiques selon les territoires, les saisons et les années ».

Les Nations-Unies appelle à des efforts significatifs à l’égard de la pollution généralisée et à une meilleure gestion coordonnée de la ressource avec les différents acteurs concernés, y compris dans un contexte transfrontalier. Sans cela, la planète bleue se trouvera profondément assoiffée, au détriment des populations humaines et des écosystèmes d’eau douce.

– L.A.


Photo de couverture de Johnny McClung sur Unsplash

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