Le 21 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale des vers de terre, la Ligue de protection des vers de terre appelle à une révision urgente de la législation française, qui autorise à ce jour la destruction de ces animaux malgré leur rôle primordial dans les écosystèmes terrestres. Nous partageons aujourd’hui leur communiqué du 7 octobre 2024.

Président de l’association, l’agronome et lombricologue limousin Christophe Gatineau lutte depuis une dizaine d’années à la reconnaissance juridique des vers de terre. Auteur notamment des livres « Éloge du ver de terre » (2018) et « Sauver le ver de terre » (2020), il nous rappelle ici l’importance cruciale de ces annélides pour la fertilité des sols et la biodiversité, ne manquant pas de dénoncer l’impact destructeur des pratiques agricoles intensives et des engrais industriels. La Ligue de protection des vers de terre alerte également sur le vide juridique entourant ces « ingénieurs du sol » et milite pour leur protection et reconnaissance légale.

Le 21 octobre est la Journée mondiale des vers de terre, une occasion de rappeler l’urgence de revoir la législation, car il est légal en France de les détruire jusqu’au dernier. Sans droits ni protection, la loi est actuellement l’instrument de leur disparition. Et pendant ce temps-là, des dizaines de chercheurs français continuent d’étudier leur rôle dans la formation et l’évolution des sols. On estime qu’une soixantaine sont impliqués, de près ou de loin, dans ces recherches en France.

Une situation confuse et contradictoire, mais typique en agriculture, à l’exemple des haies, où l’on fait grand bruit dès qu’on replante quelques centaines de mètres, alors que 23,5 km sont arrachés chaque année dans un silence assourdissant… Ceci étant, en agriculture, il n’y a que 2 options, ni plus ni moins : soit les cultures sont nourries pour l’essentiel par les vers de terre et les microbes, soit par les engrais industriels de synthèse.

Que serait un monde sans vers de terre ?

Serait-il à l’image d’une forêt sans arbres, d’un livre sans mots ou d’une histoire effacée ? Dire que les engrais industriels sont la seule alternative à leur disparition des sols agricoles, revient clairement à dire que c’est la solution choisie par l’État pour les remplacer. Pourtant, nourrir les vers de terre, c’est nourrir la terre qui nous nourrit. Ainsi fonctionne l’écosystème naturel. Mais avec ces engrais, on alimente un système économique et on court-circuite les cycles naturels. Des engrais qui aggravent le réchauffement climatique et l’érosion des sols, polluent les eaux, épuisent une ressource naturelle quasi épuisée comme le phosphore, accélèrent la disparition des vers de terre et réduisent la biodiversité. Mais pour le moment, ces engrais font le job en masquant la fin des vers de terre.

Les sols nus, le travail intensif du sol, le labour profond et, indirectement, les engrais industriels de synthèse sont des causes de la mortalité des vers de terre. La première cause est la destruction de leur habitat et la famine, les pesticides arrivent en second, le reste est accessoire.

Nourrir les moteurs plutôt que la biodiversité

Lors de sa déclaration de politique générale, le 01/10/2024, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé le développement de la filière des biocarburants et la valorisation de la biomasse. Concrètement, ce développement se fera sur le dos de la biodiversité et par une intensification de la sur-exploitation des sols agricoles. Il va accélérer la dégradation de l’habitat des vers de terre et intensifier l’usage des pesticides et des engrais ! C’est aussi une porte ouverte aux OGM, un cadeau fait aux notables de la FNSEA sous couvert de transition énergétique.

@ Sippakorn Yamkasikorn / Pexels

L’ignorance à la base de leur disparition

En 2024, toujours victimes de croyances moyenâgeuses, les vers de terre sont vus comme un monde monolithique, alors qu’ils sont en réalité bio-diversifiés, à l’image du lombric terrestre, la star des sols, dont le système génital est bien plus complexe que le nôtre !

On vient par exemple de découvrir à l’INRAE d’Avignon que, si l’on prive un ver de terre d’activité sexuelle, il devient obèse ! Jusqu’à prendre 10 fois son poids moyen ! Quant au lombric terrestre, la seule espèce à venir s’accoupler sur le sol, son appétit sexuel est si fort qu’il n’hésite pas à surmonter sa crainte de la lumière.

Or, nous préférons continuer à nous demander si en couper un en deux en fait deux, bien que la question soit élucidée depuis longtemps : au pire, cela fait un mort, au mieux, un handicapé, mais jamais deux !

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Extrait du communiqué de la Ligue de protection des vers de terre (07/10/2024)

Le lombric terrestre, l’exception

Tête rouge foncé et arrière-train plat, c’est unique chez les annélides, ce lombric bravant la
lumière pour s’accoupler choisit aussi ses partenaires sexuels et cultive la nourriture pour
ses vermisseaux ! Je sais, ça vous secoue le cocotier… Tout cela est bien entendu scientifiquement sourcé. Il est aussi le 3e animal le plus costaud sur Terre, derrière le bousier et la fourmi, capable de tirer jusqu’à 55 fois son propre poids.

Il vit dans une galerie permanente appelée terrier, comme un lapin, un renard ou un blaireau, où il s’aménage une chambre dont il recouvre volontairement le sol de feuilles, de petites pierres ou de graines ! J’entends que ça peut surprendre… pour un animal dit primitif, mais ce lombric et le renard atteignent également leur maturité sexuelle au même âge et vivent à peu près aussi longtemps à l’état naturel !

Les pesticides ne sont pas testés sur les vers de terre

En 2024, nous en sommes toujours au même point, on ne veut pas savoir… un vide juridique signalé au ministère de l’Agriculture par des chercheurs de l’INRAE en 2013. Un vide juridique dramatique : l’agriculteur ne sachant pas, en pulvérisant un pesticide, s’il est inoffensif ou s’il va tuer ses vers de terre ! Le bio n’est également pas épargné. Comme il y a 50 ans, quand la législation ne distinguait pas la toxicité des cigarettes en chocolat de celle avec du tabac !

La ligue de protection des vers de terre

Le 20 avril 2024, était fondée la Ligue de protection des vers de terre. Son objet : contribuer à la préservation et à la protection juridique des vers de terre ainsi qu’à leur réhabilitation dans le modèle agricole. Elle a pris le relais de l’association du Jardin vivant en Limousin qui poursuivait les mêmes buts depuis le 17 octobre 2014. Le Jardin vivant a permis des avancées remarquables dans la reconnaissance des vers de terre. Lire à ce sujet l’histoire de leur reconnaissance juridique. Quant à leur journée mondiale, initiée en 2016 par la Société britannique des vers de terre, elle naît en France
dans le sillage de l’Éloge du ver de terre sorti chez Flammarion en 2018 et Sauver le ver de terre en 2020. Portée par le Jardin vivant, maintenant La Ligue.

Christophe Gatineau, président de la Ligue de protection des vers de terre

Un espace pédagogique itinérant

La Ligue a été fortement médiatisée depuis sa création, de TF1 à France Info, France Inter, France Bleu, France 3, RFI… mais elle est aussi très active. Nous travaillons à l’élaboration d’outils et de jeux pédagogiques pour petits et grands, ainsi qu’à la création d’un espace d’information itinérant. Nous pensons fermement que le jeu est un moyen motivant pour stimuler l’apprentissage. Plusieurs sont en cours de développement, basés le plus souvent sur des questions-réponses, plus de 150, parfois insolites :

• Cite un super pouvoir des vers de terre.
• Si les vers de terre se mettaient en grève, que se passerait-il ?
• Le ver de terre n’a pas d’yeux, comment fait-il pour voir ?
• Si une limace rencontre un ver de terre, que se passe-t-il ?
• Imagine une journée dans la vie d’un ver de terre.

Le lombryrinthe

Nous avons créé un grand labyrinthe spécial vers de terre, de 2 m², composé de galeries où le ver de terre doit rejoindre le sol pour se dégourdir les pattes ! Tiens, à ce propos : un ver de terre a-t-il des pattes comme un mille-pattes, ou bien est-il sans pattes comme un serpent ? Attention, il y a un piège… Dans ce dédale de galeries, le joueur rencontrera les amis et les ennemis du ver de terre,
découvrant au passage les secrets de la vie du sol et d’où provient son alimentation.

https://x.com/gatineau_ch/status/1779405983330054626/photo/1

Perspectives

Nommer, c’est faire exister. Ce qui n’est pas nommé est invisible aux yeux de la loi ; les vers de terre ne sont pas nommés, ils sont dans l’angle mort. Juridiquement, ils n’existent pas. Et présentement, la loi est l’instrument de leur disparition. Juste ou injuste, la loi est toujours plus juste que la loi du plus fort. Quel avenir aurions- nous si chacun se faisait justice ? Or, les vers de terre sont soumis à la justice de chacun, à la loi du plus fort, ils n’ont ni droit ni protection, la loi française autorisant leur destruction jusqu’au dernier.

Alors, comment changer ça ?

En changeant le climat intellectuel et en menant inlassablement des actions de sensibilisation, car nous parlons bien ici de la disparition des ingénieurs du sol, la première biomasse animale terrestre et les premiers indicateurs de sa bonne santé, en plus d’être un marqueur essentiel de la biodiversité. Entre nous, ce n’est pas de la bricole !

« Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort – Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. » – Pierre Corneille.

Soyons les acteurs de ce renforcement, et merci pour eux de faire du bruit le 21 octobre prochain.

– Christophe Gatineau (Ligue de protection des vers de terre)

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