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Argent public : nouveau cadeau à 2,6 milliards pour les méga-pollueurs

Argent public : nouveau cadeau à 2,6 milliards pour les méga-pollueurs
Argent public : nouveau cadeau à 2,6 milliards pour les méga-pollueurs

Un nouveau rapport de l’organisation Earth Track affirme que 2,6 milliards de dollars de subvention sont accordés chaque année à des activités néfastes pour le climat et la biodiversité à travers le monde. En soutenant la pêche industrielle, la combustion des énergies fossiles ou encore les pratiques d’agriculture intensive, les gouvernements du monde entier contribuent à la dégradation des écosystèmes et s’éloignent des promesses tenues aux dernières Conférences des Nations Unies sur la biodiversité COP15, pointent les auteurs du rapport.

2,4 milliards d’euros par an, soit 2,6 milliards de dollars ou 2,5% du PIB mondial : voilà le montant des subventions mondiales accordées à des activités néfastes pour le climat et la biodiversité. Après un premier rapport rédigé en 2020, Doug Koplow et Ronald Steenblik estiment aujourd’hui que les soutiens publics ont augmenté d’environ 800 milliards de dollars en deux ans, soit environ 570 milliards de dollars de plus hors inflation.

« L’argent public finance notre propre extinction »

« Ces subventions nuisent à la nature et à la biodiversité qui y est associée, et ralentissent les efforts mondiaux de transition vers des méthodes de production et des systèmes énergétiques à moindre impact », regrettent les auteurs. En outre, les experts estiment qu’il s’agit de montants minimums et très certainement sous-évalués au vu des lacunes importantes qu’il existe en matière de données.

Crédits : Protecting Nature by Reforming Environmentally Harmful Subsidies : An Update / Earth Track 2024

Cette augmentation croissante des subventions nuisibles à l’environnement et à la biodiversité s’explique notamment par l’amélioration des données disponibles  notamment pour l’exploitation minière non énergétique et la production de plastique qui sont évaluées pour la première fois – mais surtout par « l’inflation et l’augmentation des subventions, en particulier aux combustibles fossiles », soulignent les chercheurs.

Combustibles fossiles, pêche industrielle et monocultures

Les subventions aux hydrocarbures (FFS) sont donc le principal moteur de l’augmentation des totaux. « Les FFS ont bondi à plus de 1 500 milliards de dollars à la fin de 2022, l’invasion russe de l’Ukraine ayant conduit les gouvernements du monde entier à tenter de protéger les consommateurs des augmentations de prix », expliquent Doug Koplow et Ronald Steenblik.

Dans le même contexte, les subventions à l’agriculture ont également fortement augmenté pour renforcer la sécurité alimentaire après l’invasion russe de l’Ukraine, « bien que celles-ci ne soient pas considérées comme des EHS ». Plus globalement, les EHS dans l’agriculture sont restées « largement stables, nettes de l’inflation », soutenant une production industrielle qui favorise les monocultures et l’utilisation massive d’engrais chimiques.

Si les subventions à la pêche, à l’agroforesterie et à l’eau n’ont semble-t-il pas connu d’augmentation majeure non plus suite à la mise à jour du rapport, cela résulte plutôt de lacunes persistantes dans les données disponibles que d’un soutien politique stable.

À titre d’exemple, « des travaux d’analyse combinant la télédétection des principales pêcheries avec le traitement des images par l’IA suggèrent que la pêche illégale pourrait être largement sous-estimée », regrettent les chercheurs.

« De même, la consommation de l’agriculture et de l’industrie continue de représenter plus de 85 % de la consommation mondiale d’eau douce, dont la majeure partie provient de prélèvements directs dans les aquifères et les eaux de surface. Cependant, les données sur l’économie de ces transactions, y compris les prix payés, le cas échéant, manquaient presque entièrement ».

Des subventions nuisibles à l’environnement

Ces subventions existent sous diverses formes, allant des paiements en espèces à l’octroi de crédits par l’État, en passant par des plafonds de responsabilité, des allègements fiscaux spéciaux ou des exemptions réglementaires, ou encore la fourniture de biens ou de services publics à des prix inférieurs à ceux du marché.

Mais de manière générale, des soutiens publics sont considérés comme préjudiciables à l’environnement lorsqu’ils encouragent une « production ou une consommation non durable et nuisent à la nature en épuisant les ressources naturelles et en dégradant les écosystèmes mondiaux », expliquent les auteurs de la publication.

Dans le monde, le secteur agricole est responsable de 23 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES). – Photo : Pixabay

On les retrouve dans un large éventail de secteurs, allant de l’agriculture à la construction, en passant par l’agroforesterie, les combustibles fossiles, la pêche marine, les transports et l’eau. Ces domaines ont cependant tous un point commun : « ils sont responsables de la grande majorité des émissions de gaz à effet de serre et ont un impact sur les écosystèmes ».

Promesses non tenues par les gouvernements

De nombreux observateurs se disent largement déçus de ces résultats, alors que les gouvernements du monde entier s’étaient engagés à réorienter des subventions d’une valeur d’un demi-billion de dollars vers des politiques qui profitent aux populations et à la planète, dans le cadre du Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (COP15).

À l’époque, les chefs d’État s’étaient accordés pour débuter leur action par « les incitations les plus néfastes et renforceraient les incitations positives en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la biodiversité » (objectif 18). Malheureusement, les données avancées par ce nouveau rapport démontrent que ces promesses sont loin d’avoir été tenues.


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Certains pays se montrent toutefois plus volontaires et élaborent à petit pas une stratégie de réorientation des deniers publics, comme au Brésil où la Cour des comptes fédérale propose un examen de réorientation des subventions. L’Union européenne élabore quant à elle un projet de méthodologie pour une prochaine réforme en la matière.

L’organisation Earth Track souligne toutefois l’urgence d’agir et de se conformer au plus vite aux engagements pris en amont par les États. À l’aube de la COP 16 qui se tiendra en Colombie, les experts appellent les gouvernements à mener sans plus tarder des évaluations nationales pour identifier l’ampleur et les types de mécanismes de subvention, à co-élaborer et publier une feuille de route de réforme solide et à réorienter les subventions nuisibles à la planète tout en garantissant une transition juste et en renforçant les objectifs sociaux. Eva Zabey, directrice exécutive de Business for Nature, a déclaré à ce propos :

« La COP16 approchant à grands pas, il est temps pour les gouvernements de se débarrasser de ces subventions néfastes et de les réorienter pour accélérer la transition vers une économie respectueuse de la nature pour tous »

– L.A.


Photo de couverture par Selline Selline de Pixabay

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