Des champignons pour dégrader le plastique ? L’association FungiLife espère bien que cette idée devienne bientôt réalité grâce à ses recherches sur l’espèce Pestalotiopsis Microspora. Ce champignon capable de dégrader le polyuréthane en quelques semaines seulement en l’utilisant comme source principale de carbone pour sa croissance se développe également en milieu anaérobie (sans oxygène), ses utilisations potentielles sont donc multiples et peuvent aider dans une lutte d’urgence contre les dégats de l’activité humaine. Entretien avec Élodie Vernay, présidente de l’association FungiLife.

Nous le savons, les champignons sont des organismes capables de beaucoup de choses. Les champignons saprophytes favorisent la décomposition d’éléments organiques et leur transformation en humus, ce qui permet un recyclage naturel des « déchets » forestiers. Ils permettent ainsi de libérer plus rapidement les éléments minéraux nutritifs de ces déchets pour les réinjecter dans l’écosystème forestier tout en lui évitant l’autoasphyxie (la décomposition lente de végétaux entraînant l’arrivée de nombreuses bactéries et la disparition d’une partie des minéraux). Les champignons symbiotes, quant à eux, favorisent le développement de certaines espèces de végétaux par la création de relations symbiotiques (chacun apporte à l’autre ce dont il a besoin), on retrouve notamment ce phénomène le long des racines de grands arbres où viennent se loger des champignons qui, contre des apports en sucres, favorisent le transport des sels minéraux aux racines. Une partie des champignons comestibles que nous connaissons font partie des symbiotes, on y retrouve notamment les truffes, les cèpes ou encore les girolles. Aujourd’hui, on utilise également les champignons dans les fabriques pour la production de cuirs végétaux, de fromages, de papiers, pour l’épuration, etc.

Pour certains chercheurs, une des solutions aux problèmes du recyclage des déchets peuvent se trouver dans la nature elle-même. Idéalement, couplé avec un ambitieux projet démocratique pour contrôler à la source la production du plastique. Quoi de mieux qu’un champignon, spécialiste du recyclage dans la nature, pour nous aider à recycler nos propres déchets inévitables ? Un champignon pourrait-il être la solution au problème du recyclage des plastiques ? C’est la question que souhaite poser l’association lyonnaise FungiLife au travers de son action.

Crédit image : FungiLife

Mr Mondialisation : Comment le projet FungiLife est-il né ?

Élodie Vernay : Le projet FungiLife est né d’une association d’idées entre amis. Nous avions déjà beaucoup de projets ensemble et beaucoup travaillé sur de nombreux thèmes  et plus particulièrement sur des projets environnementaux. Mais concernant les champignons, une sorte d’obsession est née quand nous nous sommes mis à vouloir en produire. Nous avons donc commencé à étudier la question, comment les reproduire, à nous intéresser aux différentes espèces… Nous avons également pris de nombreux contacts et abordé ce sujet avec un ingénieur en agroalimentaire puis avec Maria Fernanda Cardona, une biologiste. De fil en aiguille, nous nous sommes rendu compte que nous aimions travailler ensemble. Et nous avions surtout découvert l’existence du Pestalotiopsis Microspora. Finalement nous est venue cette idée du laboratoire pour étudier ce fameux champignon qui est pour nous une merveille cachée de la nature !

Mr Mondialisation : Quels sont les objectifs de FungiLife ? Vous lancez une campagne HelloAsso, quel est son but ?

Élodie Vernay : Le but de cette campagne est d’obtenir les premiers financements pour construire un laboratoire, acheter le matériel nécessaire et payer la biologiste qui travaille actuellement de manière bénévole pour FungiLife pour au moins quelques mois. Nous voulons commencer les premiers essais et ensuite voir le projet en plus grand comme travailler en partenariat avec des entreprises souhaitant soutenir ce projet environnemental, ou encore avec des gouvernements. L’idée est d’obtenir de l’aide de toute part et faire grandir notre association, dans l’idéal découvrir de nouveaux champignons capables de prouesses environnementales ! L’idée est de breveter nos découvertes pour les donner au public. Ensuite, les personnes qui voudront les utiliser pourront simplement reproduire « la recette ».

Mr Mondialisation : Vous racontez que l’idée de ce projet vous est venue lorsque Maria Fernanda Cardona Gutierrez est venue vous parler de Pestalotiopsis Microspora. Comment vous êtes-vous rencontrés et comment a-t-elle eu connaissance de ce champignon ? Êtes-vous les seuls à travailler sur la question ?

Élodie Vernay : Un des membres de l’association connaît Maria Fernanda Cardona depuis l’université. Leurs chemins se sont séparés d’un point de vue professionnel, mais ils sont toujours restés en contact. C’est donc très naturellement que nous l’avons contactée lorsque nous nous sommes lancés dans notre projet de produire des champignons. C’est comme cela qu’elle nous a parlé du Pestalotiopsis Microspora. C’est une biologiste spécialisée dans la biologie marine et dans la mycologie, elle connaît donc déjà bien ce champignon.

D’autres laboratoires étudient la question bien sûr, mais nous sommes une équipe indépendante.

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Crédit image : FungiLife

Mr Mondialisation : Une campagne HelloAsso doit représenter beaucoup de changements pour une association. C’est quoi le quotidien d’un membre du bureau ? Êtes-vous accompagnés dans vos démarches ?

Élodie Vernay : Oui, une campagne c’est beaucoup de changements. Mais c’était notre idée de départ à la création de notre association ! Du coup notre quotidien c’est surtout beaucoup de prises de contact, comprendre comment fonctionnent les aides éventuelles, les démarches que nous pouvons faire auprès de certaines structures, faire des devis pour évaluer le coût du laboratoire, beaucoup de formalités administratives… Nous avons tous une autre profession à côté de l’association donc c’est parfois difficile de jongler entre les deux. FungiLife demande beaucoup de temps, mais c’est tellement intéressant. Tous les jours nous rencontrons de nouvelles personnes qui souhaitent soutenir notre projet et nous donnent des conseils constructifs. Anciela nous a bien accompagnés au début et encore aujourd’hui. Ils nous apportent beaucoup d’idées, des contacts, de la visibilité. Ils sont très bienveillants et nous apportent toute leur confiance, ce qui est vraiment important pour nous.

Mr Mondialisation : Le polyuréthane est utilisé dans de nombreuses industries (mousses, colles, isolants, ameublement, automobile, textile … ). Quel pourcentage représente-t-il dans notre production de plastique ? Pourquoi avoir fait le choix de s’attaquer à celui-ci ?

Élodie Vernay : Il nous est quasi impossible de connaître le pourcentage de polyuréthane dans notre production de plastique. Nous avons beaucoup cherché cette information, mais nous pouvons seulement trouver des utilisations du polyuréthane ou des chiffres très anciens. Ce que nous savons c’est que c’est le plastique le plus utilisé dans les industries.

Nous avons fait le choix de nous attaquer à ce plastique, car c’est le seul à notre connaissance qui peut aujourd’hui être dégradé par le champignon.

Mr Mondialisation : Vous écrivez dans un communiqué que ce n’est pas le seul à pouvoir dégrader le plastique, mais que c’est le seul à pouvoir le faire en milieu anaérobie (sans oxygène), pourquoi concentrer la recherche sur Pestalotiopsis Microspora plutôt qu’un autre ?

Élodie Vernay : Nous nous concentrons sur le Pestalotiopsis, car nous pensons que c’est une des solutions les plus efficientes et qui traite un plastique énormément utilisé. Un vers est par exemple capable de dégrader du polystyrène, mais nous n’avons pas envie ni eu l’opportunité de nous lancer dans l’étude ou la gestion d’animaux. Notre centre d’intérêt s’est vraiment porté sur les champignons. Le champignon fonctionne aussi en milieu anaérobie, c’est un fait. Ce n’est donc pas un choix que nous avons fait, mais c’est surtout une chance pour nous, car il serait sûrement possible un jour de l’utiliser dans des déchetteries à ciel ouvert, mais aussi dans des sites d’enfouissements des déchets ! Espérons que nous découvrirons un champignon capable de fonctionner dans l’eau !

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