La FIFA a désigné, mercredi 11 décembre, les organisateurs officiels des Coupes du monde 2030 et 2034. Après le Qatar et ses stades climatisés en plein désert, bientôt l’Arabie saoudite. Mais entre-temps, pourquoi ne pas faire une Coupe du monde sur trois continents ? Histoire de battre un nouveau record de bilan carbone. À croire que la FIFA s’est fixée comme but de repousser chaque année les limites de la stupidité humaine, au détriment de la planète et du sport le plus joué dans les cours de récréation. Mais comment on en est arrivé là ?

La Fédération internationale de football association, abrégée FIFA, est fondée le 21 mai 1904 à Paris par sept associations de football, amateurs et sans argent, dans le but d’organiser des matchs entre eux. En 1928, son président Jules Rimet, crée la Coupe du monde dont la première édition se déroula en Uruguay deux ans plus tard.

Jusqu’en 1974, l’association organise une Coupe du monde tous les 4 ans et tente de développer le football dans le monde de manière amatrice.

L’histoire d’une association hors-normes

Tout change avec l’élection de João Havelange et l’organisation de la Coupe du monde 1978 en Argentine, sous la dictature de Jorge Rafael Videla. Au-delà de ce choix très discutable, l’arrivée de sponsors (Adidas, Coca-cola…) avec de grosses sommes d’argent propulse la FIFA dans un autre univers.

Aujourd’hui, c’est une véritable industrie avec 211 associations nationales affiliées, un chiffre d’affaires dépassant le milliard annuel et plus encore en réserve. Arte a analysé l’évolution du football et l’enjeu de puissance qui en découle dans sa série Le dessous des cartes (ci-dessous).

João Havelange, Sepp Blatter et compagnie… tous des pourris ?

Les premières enveloppes marrons, comme elles étaient appelées à l’époque, remontent à 1974 et l’élection de João Havelange face à son rival (et favori de ladite élection) Stanley Rous.

En 1978, le dictateur argentin Videla qui torturait et tuait tout opposant politique, se rachète une image en organisant la Coupe du monde dans son pays, rappelant les Jeux Olympiques d’Adolf Hitler de 1936 dont l’organisation est grandement inspirée.

Le football est ainsi instrumentalisé par des régimes totalitaires alors qu’il pourrait utiliser son pouvoir pour lutter contre (surtout que le Qatar et l’Arabie Saoudite ne sont pas des pays respectueux des droits humains).

Sepp Blatter & João Havelange. Wikimedia Commons

L’ampleur prise au cours des années est telle qu’en mai 2015, sous la présidence de Sepp Blatter, le FBI procède à une grande vague d’interpellations à Zurich suite à une longue investigation.

Une quinzaine de responsables de la FIFA doivent répondre de 47 charges d’accusation pour corruption, racket, blanchiment d’argent et crimes en bande organisée, sur une période de 20 ans (qui en réalité a commencé dès 1974).

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Cette entreprise infernale est décrite en détail dans la série Netflix intitulée FIFA Uncovered, dont voici la bande annonce :

La Coupe du monde 2022 au Qatar

Comment se fait-il qu’un petit État du Moyen-Orient dépourvu d’infrastructures sportives adaptées, dont la température peut monter jusqu’à 50°C et qui persécute les femmes et les personnes queer ait pu remporter l’attribution de la Coupe du monde 2022 face aux États-Unis ?

Un indice ? Le soft power. C’est la capacité d’un acteur politique (État, institution internationale, ONG…) à influencer indirectement le comportement d’un autre acteur ou la perception qu’il a de ses propres intérêts, par des moyens non coercitifs (structurels, culturels ou idéologiques).

Un autre indice ? Le 23 novembre 2010, Nicolas Sarkozy alors président de la République, reçoit à l’Élysée Michel Platini (président de l’UEFA), le prince héritier (et actuel émir) du Qatar, Tamim Ben Hamad Al Thani, et le premier ministre qatari.

Un dernier indice ? Le 4 mai 2015, le président de la République François Hollande signe un contrat de vente de 24 rafales à Doha. Les coulisses de cette sombre histoire ont fait l’objet d’un long travail d’investigation des équipes de France 2 dont le Complément d’enquête n’est malheureusement plus disponible. Heureusement, un équivalent réalisé par leurs confrères de la Radio Télévision Suisse est disponible sur leur site de replay.

Sticker d’appel au boycott de la Coupe du Monde 2022. Source : flickr

L’attribution des deux Coupes du monde

La FIFA a annoncé que le « Mondial du centenaire » de 2030 sera organisé sur 6 pays de 3 continents différents : Maroc, Espagne, Portugal, Uruguay, Argentine et Paraguay. Les pays sud-américains accueilleront les rencontres inaugurales afin de fêter les 100 ans de la première Coupe du monde (en 1930 en Uruguay).

Cette aberration géographique engendrera un déplacement massif de joueurs, staffs, supporters, journalistes et autres professionnels qui prouve que la FIFA se croit au-dessus de toute considération éthique et morale. Pour rappel, Buenos Aires et Barcelone (deux villes hôtes) sont éloignées de 10 500 km environ, soit un quart de tour du monde…


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Et que dire de la coupe du monde 2034, attribuée après une procédure express à l’Arabie Saoudite ? Le retour des stades climatisés dans un pays qui vit de ses ressources pétrolières, persécute les femmes et les minorités… au point qu’un journaliste Suisse pique un coup de gueule dans le journal Le Matin, pays pourtant connu pour sa retenue.

Source : flickr

Vivre le foot autrement

Aujourd’hui ce n’est pas évident d’être fan de foot et d’avoir une éthique… Boycotter les Coupes du monde alors qu’on a grandi devant les matchs de son équipe nationale ? Accepter ces malversations sans broncher ? Écrire un article pour les dénoncer tout en continuant de payer un abonnement pour voir les matchs à la télé ?

Cruelle dissonance cognitive. Se renseigner est la première étape du changement. Boycotter les matchs des coupes du monde se déroulant dans les pays bafouant les droits humains et/ou faire un don à Amnesty International pour les aider à les faire respecter. En parler à ses amis les soirs de matchs, voir chercher des solutions pour remédier à cela, une autre possibilité.

Finalement, c’était beaucoup plus simple quand on était gosse et qu’on se contentait de courir derrière un ballon dans la cour de récré. Et même si on n’était pas payé des millions, ça valait tout l’or du monde.

– Than Urb


Image d’en-tête : Wikimedia Commons

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