Un article paru dans une revue américaine de médecine révèle comment, aux États-Unis, des industriels ont financé une étude « scientifique » minimisant les effets du sucre sur la santé et ainsi influencé directement l’administration dans ses décisions. Relayée par une grande partie de la presse anglo-saxonne, l’information fait naître un nouveau scandale et interroge : combien de temps encore gouvernements et citoyens laisseront les acteurs de l’agro-alimentaire dicter leurs lois ?

Il semblerait que pour certains consortiums d’industriels, la vérité s’adapte à la taille du chèque. Si de nombreux secteurs sont concernés par divers scandales ces derniers temps, cela fait bien longtemps que médecins et associations de consommateurs mettent en garde contre les méfaits du sucre ajouté. Mais cette semaine, la divulgation de documents internes de l’industrie du sucre révèle les agissement malhonnêtes de certains industriels du secteur pour cacher cette dérangeante réalité. Aussi, si pour certains l’effet négatif d’un excès de sucre sur la santé pouvait sembler être une évidence, certains producteurs avaient de bonnes raisons de vouloir biaiser la discussion et de jeter le doute, afin de pouvoir continuer à vendre des produits surchargés sans aucun scrupule. Aujourd’hui, le sucre ajouté est partout, et particulièrement présent en grande quantité dans les produits industriels y compris « salés ».

Les procédés employés par les industriels, menés par la Sugar Association, pour diffuser ces mensonges ont été décrits et analysés dans une étude réalisée par Stanton Glanz et publiée il y a quelques jours dans la revue Journal of the American Medical Association. Selon ce document, l’enfumage réalisé de cette manière au milieu des années 1960 anime encore les débats présents. L’influence du mode de vie américain s’étendant au niveau international, cette manipulation de masse a des conséquences aujourd’hui planétaires. Il semblerait qu’il soit bien difficile d’échapper aux marchands de doutes, dont les précurseurs furent les industriels du tabac.

Une corruption au plus haut niveau

Les documents rendus publics mettent donc en lumière la corruption par la Sugar Association d’importants scientifiques de l’Université de Harvard. L’avis de ces derniers pouvait à l’époque jouer un rôle important dans l’établissement de décisions en matière de santé publique. Au total, 50.000 dollars (somme très importante à l’époque) auraient été versés afin de cacher les dangers représentés par la consommation de sucre et faire publier une étude qui dépénalise ce dernier, en minimisant son rôle dans le développement de maladies cardio-vasculaires et en niant son impact sur l’obésité. À la place, ce sont les aliments gras qui ont été pointés du doigt comme principale cause de ces problèmes de santé. Aussi perverse qu’elle soit, la manœuvre a porté ses fruits, puisqu’en réaction à ces informations, les américains ont par la suite privilégié des aliments peu gras, mais riches en sucres.

Le problème, c’est que l’affaire ne remonte pas à hier, elle débute dans les années 1960. Depuis, un lobbying important a participé à la négations des effets du sucre sur le corps humain. Ces procédés, qui mêlent corruption et lobbying acharné, mettent en lumière une partie des méthodes de l’industrie agro-alimentaire ainsi que des producteurs d’aliments transformés pour influencer décideurs publics et citoyens. Stanton Glanz, docteur spécialisé en cardiologie et en santé publique, estime que ces pratiques sont perpétuées en toute connaissance de l’état des lieux scientifiques. La diffusion de mensonges continuerait donc à être subventionnée aujourd’hui par les industriels, explique-t-il.

https://www.youtube.com/watch?v=h9nE2spOw_o

Une pratique courante

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Ce n’est pas la seule tentative de la part d’industriels d’arranger la réalité à la sauce de leurs intérêts privés. À de nombreuses reprises ces dernières années, journalistes, chercheurs et citoyens ont mis à jour des mensonges, des omissions volontaires ou des pratiques qui remettaient en cause les méthodes utilisées à tous les échelons par les industriels de l’alimentation. Il y a un an, le New-York Times révélait notamment comment Coca-Cola avait investi des millions de dollars auprès de chercheurs qui acceptaient de cacher le lien entre la consommation de sucre et l’obésité à travers leurs méthodes de recherche. En Avril 2016, le site spécialisé Lanutrition.fr publiait les « Coca-Cola Papers« , dressant la liste édifiante des organismes français « arrosés par Coca-Cola ». Cette liste, obtenue par l’ONG allemande Foodwatch, comptait notamment l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN), la Fédération française des diabétiques (!) ou encore l’Institut Pasteur de Lille. Ces scandales ne portent pas simplement atteinte aux consommateurs, mais également à l’ensemble de la recherche scientifique qui peine parfois à trouver du crédit dans l’opinion alors qu’elle s’avère infiniment nécessaire notamment en matière de lutte contre l’obésité, le diabète et le changement climatique.

Ces révélations poussent à prêter une plus grande attention aux multinationales et à ceux qui les fournissent, animées par les gains économiques, et dont certains sont visiblement prêtes à tout pour accroître leurs bénéfices. Envers et contre tous, le secteur de l’alimentaire continue à être contrôlé par une poignée de géants qui pour leur majorité ont été impliqués dans de nombreux scandales. Malheureusement, les mensonges ont encore de beaux jours devant eux, à en croire le dernier reportage fort à propos de Cash investigation, intitulé Industrie alimentaire : business contre santé, présenté par la journaliste Élise Lucet. La bonne nouvelle, c’est qu’il ne manque désormais pas d’alternatives au sucre raffiné. Mieux encore et plus que jamais, il convient de privilégier les aliments frais et bruts, exempts de sucré ajouté.


Sources : franceculture.fr / nouvelobs.com / nytimes.com

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