Sacro-saints des tablées de Noël, le saumon fumé et le foie gras, étudiés à la loupe, ne sont pourtant pas synonymes de fête. Maltraitance animale, catastrophe écologique, pillage des ressources… Ces mets considérés comme indispensables lors des célébrations de fin d’année sont suffisamment bien emballés pour duper le consommateur. Décryptage.

Derrière nos « traditions » se cachent des dessous peu glorieux et préjudiciables à l’humain, à l’animal et à la nature. Se défaire de cette culture bien huilée mais tout sauf nécessaire est pourtant à la portée de tous.

Le saumon fumé, symbole du pillage du Sud par le Nord

En 20 ans, la production industrielle de saumon a explosé de 200%, 3 millions de tonnes de saumons étant produites chaque année. Des « fermes-usines » qui se développent en mer (Norvège, Chili) comme sur terre (Etats-Unis, France, Scandinavie…) et produisent quelques milliards de tonnes de poissons chaque année…

Le saumon sauvage a quasiment disparu des étales : on estime aujourd’hui que 99,9% du saumon consommé provient d’élevage. Un marché digne d’une moissonneuse-batteuse, en expansion constante, et détenu de plus de moitié par seulement 10 grandes entreprises. Un constat bien loin du fantasme du saumon pêché au large d’un fjord écossais…

Le saumon fumé de nos tables festives pose un réel problème social : carnivore, le saumon d’élevage est principalement nourri de farines animales. Or celles-ci nécessitent la pêche annuelle de 233 milliards de poissons sauvages, appelés « poissons de fourrage » : un chiffre ahurissant, qui pille les océans, et prive les animaux comme les humains.

Les élevages de saumon, une aberration industrielle ©Freepik

Ces poissons de fourrage sont en effet principalement pêchés le long des côtes africaines et sud-américaines : anchois, sardines ou harengs sont ainsi récoltés en quantités astronomiques, vidant les océans d’animaux nécessaires à leur écosystème. Les conséquences sont également désastreuses pour les populations locales, qui vivent et se nourrissent de la pêche et voient les quantités de poissons diminuer drastiquement.

Vider les océans du Sud de ses poissons sauvages pour nourrir des poissons d’élevage de l’hémisphère Nord… Une dynamique coloniale et lucrative pour quelques multinationales !

Désastre écologique, risques sanitaires et agonie animale

Mettons le tout au shaker, et hop ! On obtient l’un des cocktails les plus malsains de l’industrie agro-alimentaire actuelle. Concentration extrême des animaux (jusqu’à 40 saumons de 2kg dans 1m3 d’eau), parasites, pathologies… Le tout traité à grands coups de médicaments et d’antibiotiques.

Entassés les uns sur les autres, les animaux vivent dans des eaux troublées par leurs propres excréments, dévorés par les parasites, quand ils ne se blessent pas eux-mêmes faute de place. Des conditions de vie dignes d’un supplice, à l’opposé des impératifs biologiques d’une espèce conçue pour migrer et parcourir des milliers de kilomètres. Ces faits sont responsables de la mort de 16,7% de saumons norvégiens en 2023, un record qui correspond à… 100 millions d’animaux.

Source : flickr

De par tous les aspects que l’élevage nécessite, l’industrie du saumon d’élevage est une véritable bombe écologique : chaque animal rejette 5 à 10 kilos de CO2. Pour rappel, les animaux se comptent en millions de tonnes.

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Par ailleurs, est estimé à 4 millions le nombre de saumons s’étant échappés de leur prison entre 2018 et 2022 : une réelle menace pour les saumons sauvages, car ceux d’élevage sont souvent porteurs de maladies et parasites qu’ils peuvent transmettre aux espèces endémiques. De plus, ils dérèglent le renouvellement naturel du saumon sauvage, déséquilibrant ainsi les écosystèmes et menaçant d’affaiblir l’espèce en se reproduisant avec des animaux sauvages.

Au départ perçue comme une solution pour répondre à une demande en croissance constante, l’élevage de saumon s’est mué en monstre tentaculaire, détruisant l’environnement, les animaux et les humains.

Quelles alternatives ?

Il existe une première solution, simple, économique et efficace : se passer de saumon fumé ! Pour la santé, la planète, les animaux… Le boycott de ce met qui n’a plus rien d’exception est le moyen le plus efficace de ne pas prendre part à cette industrie mortifère.

Les curieux, ainsi que les végétariens et les véganes, trouveront leur bonheur auprès d’alternatives végétales au saumon fumé. Après des débuts parfois difficiles (essais peu concluants en terme de goût ou de texture), il existe aujourd’hui d’excellents produits.


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Si toutefois, l’idée de ne pas avoir de poisson fumé à table semble inconcevable, notamment pour ne pas s’attirer les foudres de toute la famille, la truite fumée devient un moindre mal : généralement élevée en France et dans des conditions moins délétères pour les animaux comme pour l’environnement.

Les chiffres sur l’impact environnemental de l’élevage de truite sont difficiles à trouver, mais le fait que les élevages soient plus proches et moins imposants que ceux des saumons réduit logiquement leur empreinte carbone.

Le foie gras : une souffrance peu digeste

Plus sensible encore que le saumon fumé, le sujet du foie gras envenime les débats lors des périodes de fêtes. Tradition incontournable et savoir-faire français s’opposent aux arguments de maltraitance animale. Si la majorité des oies et canards s’engraissent naturellement en vue d’une future migration, le gavage des animaux d’élevage pose de nombreux problèmes.

De nombreux pays se sont détournés de cette pratique pour cause de souffrance animale. La France fait partie de ceux qui persistent, sous couvert d’une tradition qui suffit à se détourner de la Directive européenne du 21 juillet 1998, précisant que :

« aucun animal n’est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles. »

Le foie gras de canard, moins cher que celui d’oie et représentant 90% des ventes en France, vient d’animaux hybridés spécialement pour l’élevage (appelés mulards). Cette espèce est issue d’un mélange entre la cane de Pékin, naturellement migratrice, et le canard de Barbarie, qui n’est pas migrateur. Les mulards sont donc des animaux à 50% non migrateurs et qui, quoi qu’il arrive, ne migrent pas puisqu’ils passent leur vie en cage.

Traditionnelles ou industrielles, les méthodes de gavage sont toutes synonymes de contrainte et de souffrance pour les animaux ©Flickr

Au-delà du respect de la spécificité de l’espèce, les conditions d’élevage et de gavage incluent de véritables souffrances pour les animaux. Les élevages de mulards témoignent d’une grande violence vis-à-vis des animaux. Pas mieux du côté des entreprises de gavage : les animaux y sont manipulés sans précaution, subissent la méthode du gavage (de longs tuyaux enfoncés dans leurs gosiers), tentent de s’échapper, vivent entassés parfois au milieu de leurs excréments ou des cadavres de leurs congénères : une vie de misère pour finir abattus dans des conditions tout aussi déplorables.

Contrairement à de nombreux autres élevages, la filière du foie gras ne s’intéresse pas aux femelles, jugées trop petites : celles-ci sont éliminées dans la souffrance, gazées, broyées simplement jetées vivantes dans des bennes jusqu’à ce que mort s’en suive.

Aucune empathie pour les poussins femelles, qui finissent broyées, jetées ou gazées ©Pixabay

Changeons notre regard et nos habitudes !

Heureusement, il existe aujourd’hui de nombreuses solutions pour ne plus inviter le foie gras à table. Certains élevages, principalement d’oies, se sont tournés vers des méthodes interdisant le gavage forcé des animaux.

Ceux-ci se nourrissent eux-mêmes, selon leurs besoins, et les foies des animaux sont complémentés après décès de l’animal. Même si ces pratiques témoignent d’un début d’empathie pour les animaux, elles ne mettent pas fin à l’élevage et surtout à l’abattage.

Les élevages d’oie en plein air sont loin d’être la norme ©Pixabay

Pour une alternative au foie gras sans trace de souffrance, l’offre végétale est aujourd’hui riche et gustativement très intéressante. Les marques végétales françaises se font un nom sur de plus en plus de tables de fêtes : des produits sains, sans ingrédients artificiels, à la texture et au goût qui étonnent toujours plus de curieux. L’offre végétale actuelle est variée, accessible en terme de prix comme de disponibilité, et montre que le foie gras n’est plus indispensable.

Enfin, pour les amoureux des fourneaux, il existe de nombreuses recettes entièrement véganes et faciles à faire chez soi. Parmi elles, le « vrai-faux-gras-vegan » de La Petite Okara est un sans faute, en terme d’aspect comme de goût.

Les fêtes de fin d’année représentent pour beaucoup un moment de partage et de paix qui ne devrait plus être synonyme d’autant de souffrances. Il existe aujourd’hui de nombreuses alternatives qui permettent à tous d’ouvrir les yeux, et de changer nos habitudes de consommation, pour un monde plus empathique et plus serein.

– Mélusine L.


Image d’en-tête de Ivan Samkov. Pexels.

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