Laëtitia Bisiaux a voyagé plusieurs moins en Asie du sud-est, consacrant notamment 1 an à la protection des gibbons dans un projet bénévole, en Thaïlande. La réalisation de l’envergure des problèmes environnementaux liés aussi bien à une absence de conscience écologique et au quasi inexistant recyclage des déchets, aussi bien qu’à la menace pesant sur la biodiversité, l’a conduite à un choix de vie loin du confort des chemins habituels. Elle s’est donc lancée dans un projet écotouristique dont elle raconte la genèse et les objectifs dans une tribune libre que nous lui offrons.
Laëtitia Bisiaux : Des mois de voyage en Asie pour 7 pays visités, 1 an de bénévolat en Thaïlande pour protéger des gibbons. Je pourrais vous raconter de belles choses et vous emporter dans une rêverie pendant des heures. Mais je vais me concentrer sur ce qui n’est pas racontable et qui est une réalité préoccupante… Je parle bien sûr de la surexploitation de la nature au profit du profit. Je ne cherche à convaincre personne, ce sont des convictions personnelles, libre à chacun de réfléchir sur sa consomm’action.
Mon voyage fut d’abord une déception à cause d’une arnaque au touriste à Bangkok. J’ai donc eu la « malchance » de me rendre aux endroits « incontournables » que visite le touriste moyen en Thaïlande. J’ai été choquée par la quantité de touristes : le pire endroit fut Phuket. Cette île est totalement dévisagée par le tourisme de masse. Un tsunami de Russes et de Chinois a transformé Phuket en une véritable usine à touristes : de gros hôtels ont pris la place des petits, les rues sont bondées de magasins souvenirs, de tatoueurs, de bars avec des prostituées… Bref, Phuket ce n’est plus la Thaïlande ! Le seul endroit sauvage à Phuket se trouve dans le nord de l’île : un parc national protège une forêt tropicale primaire. C’est là-bas que j’ai travaillé bénévolement pour protéger nos cousins les gibbons.
Une forêt anéantie
Lorsque je voyage en bus, j’aime admirer le paysage par la fenêtre. Deux exemples m’ont particulièrement marquée. En Thaïlande du sud, je me souviens d’un paysage monotone et désolant : sur des dizaines de kilomètres, des palmiers bien alignés et des hévéas saignant leur caoutchouc. Je laissais cours à mes pensées. Autrefois, des éléphants, des tigres, des gibbons vivaient ici dans une forêt luxuriante. Il ne reste plus rien. Le profit a tout rasé.
En Malaisie, lorsque l’avion atterrit à Kuala Lumpur, la vue aérienne est époustouflante et angoissante : des parcelles rectangulaires de palmiers à perte de vue ! En voyant ce paysage, j’ai pris la décision de boycotter l’huile de palme. Je mange végétalien sans huile de palme !
Image d’illustration – déforestation pour plantation d’huile de palme © Gettyimages
J’ai vu de mes propres yeux ceux qu’on entend à la télé, j’ai donné un sens aux chiffres et aux statistiques… Au Vietnam, en Indonésie et en Thaïlande j’ai vu des feux de forêts volontaires. Le terrain est ensuite exploité pour des plantations (bananiers, arbres à palme, champ de maïs) ou pour des complexes hôteliers. J’avais les larmes aux yeux en pensant que la forêt que je traversais au Vietnam aurait peut-être disparu dans quelques années.
En Indonésie, j’ai marché des centaines de mètres sur une terre brûlée afin de rejoindre le départ de mon trek. Quelques jours auparavant ce sol carbonisé était couvert de forêt. En Thaïlande, l’air aux alentours de Chiang Mai était irrespirable pendant des semaines. Une épaisse fumée blanche couvrait le ciel tel un brouillard. Il s’agissait de pollution liée aux feux de forêt. La forêt aux alentours est brûlée (c’est une tradition) afin de récolter des champignons (vendus 5 euros le kilo).
Feux de forêt volontaires au Vietnam, dans la région de Dalat.
Parcelle brûlée en Indonésie. Dans quelques années, la forêt en arrière-plan n’existera plus.
Des déchets mal gérés
Un autre problème qui m’a frappé concerne la gestion des poubelles, les déchets sont jetés et abandonnés en pleine forêt (voir ci-contre). Au Népal, la fenêtre du bus servait de poubelle. J’ai vu une rivière de déchets et des avalanches de plastiques au milieu de la nature. En Thaïlande, la quantité de plastique utilisé est effrayante : les produits sont suremballés pour être transportés quelques secondes. TOUT est jetable ! Quand je refuse un sac au supermarché, on me demande parfois comment je vais transporter mon article !
Agir !
De la révolte, j’ai décidé de passer à l’action, d’abord en m’impliquant en tant que bénévole : un an sans salaire pour travailler dans un centre de réhabilitation pour gibbons. J’ai reçu bien mieux que de l’argent en retour. Cette année-là fut la plus enrichissante et la plus épanouie de ma vie. Mon bénévolat m’a permise d’être active dans mon voyage. Ce travail fut très gratifiant : avoir de la reconnaissance, de la satisfaction, me sentir utile, connaître des moments de joie uniques et apprendre la culture par les locaux eux-mêmes. Je ne me sentais plus une simple touriste ; mon voyage avait un sens et un but. J’aimerais que d’autres connaissent ces sentiments. L’envie de créer mon propre projet s’est alors formée dans mon esprit et c’est le rêve que je poursuis. Il fusionne deux expériences qui ont changé ma vie : mon voyage et l’expérience du bénévolat.
Le point de départ fut une simple observation : certains locaux sont pauvres et désespérés. Par exemple : pour gagner quelques bahts, un adolescent de 17 ans (déjà papa et marié) vend des armes : il a arrêté ses études, et ne trouve pas d’emploi. Il a trouvé ce moyen-là pour subsister. Dans la forêt qui entoure son village, des gibbons sont relâchés. Imaginons qu’en désespoir de cause, il décide de devenir braconnier : un moyen de revenus facile ! Des gens désespérés peuvent devenir des criminels. Et si ces personnes-là n’avaient plus de problèmes d’emploi, s’ils mangeaient à leur faim, s’ils aimaient la nature ?
Avec Roch (un employé du projet des gibbons), nous avons collaboré pour penser ACT (Active Conservation Travel). ACT est une idée de maison d’hôte alternative qui proposerait des activités de protection et des activités touristiques écologiques. Les visiteurs pourraient s’impliquer quelques heures par jour dans un travail bénévole qui bénéficierait aux communautés et à la protection de l’environnement. En employant des locaux pour encadrer les activités, ACT génèrerait des emplois.
Transport des gibbons en forêt afin de les réinsérer dans leur environnement.
Faire respecter ses idées est un challenge ; la meilleure façon de protéger réside dans la prévention. Pour que les idées soient appréciées, il est nécessaire d’apporter des actions directement bénéfiques aux locaux. Par exemple, les cours de conservation dans une école seront agrémentés de cours d’anglais. Beaucoup d’adolescents aiment la boxe thaï ; j’aimerais donc mettre en place un ring dans ma maison d’hôte pour qu’ils s’y entraînent. Les touristes pourraient apprendre avec eux. J’aimerais construire un terrain de football pour offrir des activités sportives aux enfants.
D’autres activités aideront directement à préserver la forêt : pendant la saison des pluies, je proposerai de replanter des arbres (nursery d’arbres) ; pendant la saison sèche, de lutter contre les feux de forêt (prévention, nettoyage). J’aimerais également mettre en place une campagne de ramassage des déchets en forêt et installer des poubelles à disposition du public, des éléments-clés pour garder un environnement propre.
Changer la vision du tourisme
Loin du tourisme de masse et des sentiers battus, ACT offre la possibilité de vivre une expérience unique, basée sur le partage. En addition aux activités bénévoles, je souhaite mettre en place des activités en accord avec le tourisme durable, juste et éthique. Quelques exemples :
* Partir à la découverte de la nature et observer la vie sauvage au cours de treks en petits groupes avec nuit en forêt.
* Admirer des cascades, prendre un bain dans des sources d’eau chaude.
* Apprendre les savoir-faire comme la culture du riz et du café
* Apprendre à faire du papier emballage avec des feuilles de banane. Avant l’arrivée du plastique, les feuilles de banane étaient très utilisées et la tradition existe toujours.
* Découvrir les secrets du whisky aux herbes (encore appelé Sexy Lady).
* Enfin un peu de culture avec la visite de temples et de musées pour comprendre les traditions thaïlandaises.
* En complément des visites, j’aimerais proposer des cours : cours de massage thaï, cours de cuisine dans la maison d’hôtes, cours de boxe thaïe…
Un projet participatif à soutenir
Afin de lancer ACT, je fais appel au financement participatif. Tous les détails ici.
Chaque don me permettra de financer ce projet de maison d’hôte alternative. En échange de chaque participation, je vous enverrai un produit artisanal de Thaïlande. J’offre également des bons de réduction d’un montant double de la participation à valoir pour un séjour chez ACT dès sa création. Exemple : 50 Euros de don se convertissent en 100 Euros d’avoir.
Pour plus d’informations sur ACT, vous pouvez visiter mon site internet et ma page Facebook.