Depuis 2015 et la COP21 de Paris, les plus grandes compagnies pétrolières auraient dépensé 1 milliard d’euros pour empêcher des mesures fortes en faveur de la protection de l’environnement, dénonçait il y a peu l’ONG InfluenceMap dans son dernier rapport. Polluer outrageusement ne suffit donc pas, des sommes colossales sont toujours dépensées pour s’assurer que la transition soit la plus lente possible tout en prétendant, à travers des campagnes médiatiques, faire l’inverse…

Développant des campagnes de communication pour mettre en lumière leurs actions environnementales, BP, Shell, Total, ExxonMobil et Chevron dépensent dans le même temps des sommes considérables en lobbying pour freiner les politiques de lutte contre le changement climatique. Depuis 2015, elles auraient déboursé en moyenne 200 millions de dollars CHAQUE ANNÉE afin de défendre leurs activités d’extraction et empêcher des législations en leur défaveur. Cette mobilisation massive de moyens financiers toxiques passe essentiellement par des lobbies spécialisés dans le secteur de l’énergie et des fossiles, ce qui permet aux multinationales des fossiles de dissocier leur discours officiel de leurs stratégies d’influence. Publié le 22 mars dernier, au lendemain d’une audition au Parlement européen d’ExxonMobil accusée de mensonge à propos du changement climatique, le rapport InfluenceMap met en lumière ce double jeu troublant.

L’approche ne se fait pas sans conséquence. Les pétroliers font face à une crise de crédibilité : ces dernières années, ils ont été mis à mal à plusieurs reprises en raison de leurs activités climaticides qui bouleversent les vies des populations locales. Ils sont désormais contraints de faire croire à un engagement volontariste pour une transition énergétique et la protection de l’environnement. Pourtant, dans la réalité, ces mêmes structures continuent à s’opposer à tout changement systémique.

Crédit image : InfluenceMap

« Faites ce que je dis, pas ce que je fais »

En 2019, calcule InfluenceMap, ONG experte dans les actions d’influence développées par les sociétés, les investissements de BP, Shell, Total, ExxonMobil et Chevron en faveur d’énergies ayant une faible incidence carbone représenteront 3,6 milliards de dollars, à peine plus de 3 % de leurs investissements en capitaux totaux. Une goutte d’eau dans l’océan. Pendant ce temps, en 2018, les questions climatiques représentaient 40 % de leur budget de communication. Une disproportion manifeste qui illustre la volonté de ces entreprises de tromper l’opinion publique à propos de leurs véritables activités. Pour rappel, les énergies fossiles, dont l’économie mondiale est dépendante, sont la première source d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire, avec la promesse à terme d’un chaos global.

Olivier Petitjean, membre de l’Observatoire des multinationales, résume : « Après avoir longtemps dénié le problème, [les pétroliers] ont fini par changer de stratégie (surtout en ce qui concerne les majors européennes), et préfèrent désormais donner au public une image plus positive sur le sujet… mais sans vraiment changer de pratiques. » Alors que la planète brûle, les doubles rhétoriques ont encore de beaux jours devant elles.

Pipeline protestInternet, nouveau terrain de jeu des lobbies

BP, Shell, Total, ExxonMobil et Chevron, n’hésitent pas à étendre leur influence bien au-delà des couloirs ministériels et des parlements. InfluenceMap estime que les réseaux sociaux – Facebook, Instagram et Twitter – sont désormais au cœur de leurs techniques de communication. Dans les semaines précédents les élections de mi-mandat 2018 aux États-Unis, ExxonMobil et des structures associées ont dépensé plusieurs millions de dollars dans des campagnes marketing sponsorisées sur Facebook afin de défendre des candidats, souvent de la droite conservatrice, au plus proche de leurs propres intérêts stratégiques.

Cette stratégie d’influence révèle un discours ambivalent, marqué d’une part par une volonté des compagnies de donner une image plus positive de leurs activités dans l’opinion publique, tout en développant, dans les coulisses des décisions politiques, des discours ayant comme but de freiner les politiques climatiques ambitieuses qui seraient en cohérence avec les objectifs fixés par les accords de Paris. Les voilà gagnants sur tous les plans. Ainsi, ces entreprises lissent leur image aux yeux du public tout en continuant à défendre des mesures qui vont dans le sens de leurs seuls intérêts financiers. InfluenceMap estime que ces efforts ont permis  « d’entraver de manière globale les gouvernements à mettre en œuvre [des politiques motivées par la problématique environnementale] ».

Faudra-t-il attendre un effondrement écologique global – déjà en cours – pour que ces géants de l’industrie fossile ne réalisent pleinement l’issue économique dramatique d’une telle impasse ? Que font nos représentants politiques pour limiter leur pouvoir de nuisance et résister à leur influence ? Et surtout, que pouvons-nous faire pour provoquer un basculement structurel tant que nous le pouvons encore ? Paradoxe, alors que les plus grandes puissances économiques mondiales continuent de chercher à manipuler l’opinion sur le réchauffement climatique, des théories du complot les plus récentes accusent la militante Greta Thunberg de prendre part à une vaste machination en faveur du capitalisme. Les industriels s’en frottent les mains. La confusion règne et les voix discordantes devenues un peu trop audibles sont immédiatement tournées en dérision, ridiculisées, accusées de prendre part à d’obscures desseins. En dépit de l’urgence, le règne du doute a remplacé celui de la raison.

Oil production

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