Vous pensez que l’on peut devenir riche par les études et le travail ? Que les plus précaires ont mérité leur sort, qu’ils ne savent pas gérer leur argent et qu’ils ne se donnent pas les moyens de réussir ? Que « quand on veut on peut » ? Ces croyances réactionnaires sont en réalité des fables distillées pour tenir un peuple docile et lui faire croire qu’il pourra devenir le prochain millionnaire. En vérité, notre système capitaliste néo-libéral favorise la reproduction sociale : l’enrichissement des riches et l’appauvrissement des pauvres. On donnera aux premiers sans conditions et on fera porter tous les maux sur les seconds. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas forcément conscience d’être du côté des moins lotis. Avoir un CDI qui finance le crédit d’achat d’un logement permet certes de se hisser au-delà de la précarité mais n’octroie pas de fait le statut de « riche ».

Pour débuter, petite précision : par « pauvre » on comprendra la grande majorité des travailleurs français, de la personne au RSA à celle qui touche deux fois le Smic, la fameuse classe moyenne. Quel que soit le déplaisir à l’entendre, vous êtes tous pauvres en comparaison de cette poignée de grandes fortunes qui ne cessent de croitre en creusant les inégalités et la pauvreté.

Source : Allan Barte

Ces assistés qui ne sont pas ceux que l’on croit

À coté de la masse populaire, on sanctifie à tord une petite caste de nantis qui reste bien au chaud et sait qu’on lui portera toujours secours, à eux « les créateurs de richesse et d’emploi ». Les vrais assistés ce sont pourtant ces grosses entreprises et multinationales du CAC 40 sous perfusion d’argent public et dont les riches détenteurs sont en plus bénéficiaires de niches fiscales et d’aides ciblées.

Pas question que ces grandes entreprises soient en faillite, on (les décisionnaires) les soutiendra « quoi qu’il en coûte » (aux contribuables). Si une banque a perdu l’argent de ses épargnants en misant sur des placements risqués, on ne peut pas la laisser couler puisqu’elle est « too big to fail » ! Les conséquences seraient catastrophiques, vous comprenez ? Donc on renfloue, on mutualise les pertes tout en ne bénéficiant pas des profits qui sont eux privatisés pour les actionnaires, haut cadres et grands patrons. Les fameuses promesses sur la régulation de la finance suite à la crise des subprimes en 2008 (pourtant prévisible) ont été bien vite balayées. Par contre, si votre boulanger dépose le bilan, c’est qu’il a mal géré son affaire. Deux poids deux mesures, selon que vous soyez riche et puissant ou pauvre et inoffensif.

Dans la case des assistés, on peut rajouter ces médias soutenus par des aides publiques (au hasard, le Figaro qui a touché 8 millions d’euros en 2021) qui sans honte tapent sur les « profiteurs du système » quitte à mentir pour faire passer cette idée fausse que les allocs paient plus que le travail. Doit-on rappeler que la fraude sociale se chiffre en millions d’euros alors que la fraude fiscale (en particulier sur la TVA) se mesure en milliards ? On n’entend pas ces médias s’indigner autant sur le non-recours aux aides sociales qui fait économiser 10 milliards d’euros à l’État.

« En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté ». Source : Le livre d’Alternatives économiques

Ces mêmes médias prônent la méritocratie, ce fameux mythe qui donne aux pauvres l’espoir de « s’en sortir », de « réussir » alors que le système favorise la reproduction sociale dès l’école. Selon l’OCDE, l’école française est plus inégalitaire que dans la plupart des pays développés.

Source : Frustation Magazine

Mais pourtant ce sont les gens avec quelques centaines d’euros de RSA et d’aides qui sont stigmatisés non seulement par une bonne partie de la classe politique mais par des compatriotes (endoctrinés par des médias type le Figaro, BFMTV, LCI, CNews…) également pauvres. Ces derniers sont incapables de voir qu’ils crachent sur la population dont ils sont pourtant socialement la plus proche. Pourtant, il ne faudrait pas grand chose pour qu’il la rejoigne. Lorsqu’une crise économique entraine la perte dun emploi, la bascule dans la précarité arrive plus vite qu’on ne le croit. Pour « remonter la pente » par contre, il n’y pas l’État pour mutualiser nos pertes …

L’hypocrisie de la « valeur travail »

Aucun effort ne paie pour les gens au plus bas de l’échelle sociale. On nous assomme hypocritement avec la « valeur travail », celle qui doit « rendre de la dignité aux gens en les aidant à retrouver le chemin de l’emploi » en opposition au pseudo-assistanat des aides permettant de survivre.

Source :  JO Dessins de presse

Dans le même temps, il règne une omerta sur ces employeurs qui cherchent le mouton à 5 pattes : exigences de compétences et d’expérience maximum contre salaire minimum. Gardez en tête que si l’on vous paie au Smic, c’est qu’on aimerait vous payer moins si c’était légalement possible – Quand ce n’est pas du travail payé en visibilité. Fleurissent aussi les offres de stages et d’alternance où il est exigé des candidats qu’ils soient déjà formés alors qu’ils sont encore étudiants ! Qui dénonce ces emplois déguisés et sous-payés ?

En boucle tourne la même rengaine qui date du XIXème siècle : « On ne trouve plus à embaucher, les gens sont des profiteurs, des fainéants ». Et ce, alors que depuis les années 90 le prix de la vie en général a évolué sans que les salaires ne suivent la même courbe montante. Comment s’étonner dès lors que les jobs les plus mal payés et aux conditions de travail pénibles n’attirent pas ? La fameuse loi de l’offre et la demande ne plait soudain plus aux patrons quand ce sont aux salariés d’être en position d’imposer leurs conditions.

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Aujourd’hui on peut avoir un travail, un salaire et pourtant ne pas s’en sortir. On peut rejoindre la famille des travailleurs pauvres, au point de ne pas trouver un logement malgré un CDI – de plus en plus difficile à décrocher – comme c’est le cas pour 40% des SDF. « Le chemin de l’emploi mène à la dignité », c’est bien cela ? En trente ans, le prix des loyers s’est envolé passant de 15% des revenus à un tiers ; et les conditions de revenus, de garants, imposées par les bailleurs aux locataires excluent de facto une partie de la population.

Le besoin de logement est devenu une manne financière pour les investisseurs

L’immobilier est devenu un placement spéculatif : 50% des biens appartiennent à 3,5% de la population. Des logements sont rentabilisés en les transformant en location saisonnière de type AirBnB, accentuant la crise du logement. Des immeubles achetés par des grands groupes sont vides et des centaines de milliers de personnes sont à la rue. Une aberration supplémentaire.

Avec beaucoup de chance et de patience, vous pouvez bénéficier d’un logement HLM. Mais attention à ne pas devenir trop riche parmi les pauvres sans quoi on vous demandera de le quitter. Récemment, une disposition de la loi Elan, votée en 2018 sous le premier quinquennat Macron, permet de privatiser progressivement le parc de logement social, construit avec de l’argent public pour ensuite bénéficier à des acteurs privés, avec comme conséquence perverse une difficulté accrue pour trouver un logement décent.

Source : bastamag

La masse paie pour les plus aisés

Vous arrivez à épargner un peu, pensant que ce « coussin » vous permettra d’investir, de faire face à un coup dur de la vie (car ce sont les plus modestes qui sont contraints de dépenser leur épargne). Et bien cette prudence jouera contre vous, en vous faisant passer sous les conditions requises pour percevoir des aides. Le système libéral vous punit de grappiller quelques sous d’économie (tout en vantant la valeur travail et d’épargne en bon tartuffe). C’est le sort de la classe moyenne qui paie tout sans rien recevoir.

Et on dirige sa colère compréhensible sur les bénéficiaires des aides. Surtout pas sur les centaines de millions sont versés sans conditions aux puissants. Millions qui partent en dividendes, en fraude et évasion fiscale, dans la poche de ceux qui ont déjà beaucoup trop et qui nous ponctionnent en retour (car « il n’y a pas d’argent magique »). Rien pour ceux qui créent véritablement la valeur de l’entreprise et qui participent à l’économie. L’État ne pose de conditions strictes qu’aux particuliers, quant aux grosses entreprises, il leur demande timidement. Le cas du CICE l’a brillamment illustré, avec la création de 100 000 emplois contre le million prévu, avec des licenciements en parallèle, pour un coût de 100 milliards d’euros et qui a bénéficié pour moitié aux plus grosses entreprises.

En 2021-2022, profitant de la crise et de la guerre en Ukraine (ce que le cas de Total incarne à la perfection), des entreprises ont réalisé des superprofits et versé des dividendes records. Pourtant au sommet de l’État, on rechigne à les taxer, malgré les pressions de l’opposition et alors que les prix de l’alimentaire et de l’énergie s’envolent laissant présager un hiver difficile pour la plupart des ménages. Pendant ce temps l’inflation galope, et ce n’est pas la prime de la Loi Pouvoir d’Achat qui l’endiguera alors que les députés LREM et RN ont voté contre une augmentation du Smic soutenue par la Nupes.

Tandis que les pauvres se tapent entre eux, c’est le peuple tout entier qui va payer pour l’argent gratuit que l’État et la BCE ont versé à taux négatifs pour soutenir les gros groupes comme LVMH pendant la pandémie et éviter un énième krach économique. Le coût de ces mesures pour le peuple se mesure à la perte des droits et des acquis sociaux, au rognage sur les services publics au profit, encore et toujours, du privé. Ce mécanisme appauvrit toujours les plus pauvres et en enrichit encore les riches.

Source : twitter

Vous, citoyen lambda, essayez donc d’obtenir un prêt à taux 0 auprès de votre banque pour acquérir un logement, ou essayez seulement d’obtenir un prêt… Et si par bonheur vous l’obtenez, vous voilà pris dans les filets de la dette qui assujettit également les États, dont la dette publique – sur laquelle on nous ment – est impossible à rembourser. Les intérêts qu’ils paient dessus avec de l’argent public passent, encore une fois, dans la poche de quelques profiteurs. Or cette dette sert à justifier des politiques d’austérité alors qu’il faudrait, dans l’intérêt des peuples et de la démocratie, réformer ce système bancaire et monétaire, producteur inexorable de crises économiques.

Ce n’est pas le travail qui paie, mais le capital

Ce qui paie vraiment de nos jours, c’est la spéculation financière : sur un coup de chance vous pouvez toucher le pactole. Mais à condition d’avoir déjà des billes au départ car le mythe du milliardaire qui s’est fait tout seul en démarrant dans son garage a fait long feu. Récemment, plusieurs médias ont titré sur le coup de maître d’un étudiant ayant gagné 110 millions de dollars à la Bourse. Plus discrètement dans le corps de l’article, il était précisé que ce même étudiant disposait à la base de 25 millions collectés auprès de ses proches, en complément d’une solide formation dans la finance. L’histoire fait moins rêver d’un coup. Et quelle leçon en tirer sur la fameuse valeur travail ?

Pourtant de quoi une société a-t-elle besoin pour vivre ? D’artisans, d’ouvriers, de soignants, de commerçants ? Ou de traders spéculant sur la chute du cours d’une entreprise pour ramasser des millions (et dont les conséquences dans la vie réelle sont la mise au chômage d’employés; bienvenue dans le cynisme du système). Pendant la crise du Covid, on nous avait promis la venue d’un « monde d’après » : un autre mensonge, le monde d’avant n’a jamais été aussi bien installé et renforcé.

Source : twitter

Selon l’idéologie néo-libérale, il faut sauver une finance folle et mortifère mais laisser des gens qui ne sont « rien » dans la misère après les avoir exploités et leur avoir imposé des contraintes démesurées pour des miettes – ou des médailles en chocolat – en comparaison de la complaisance vis à vis des « premiers de cordée » dont on attend un ruissellement illusoire, après leur avoir rentré dans le crâne que ce qui leur arrive est uniquement de leur faute, après avoir rogné le peu d’aides qu’on daigne leur jeter à la figure en les stigmatisant (voir « Mais que devient l’argent des pauvres »).

Alors que proportionnellement un Smicard participe plus à l’économie réelle qu’un millionnaire – l’un place une grande partie de ses revenus alors que l’autre la dépense en consommant – au final le bas peuple bosse le plus possible pour le patronat à peu de frais et de droits. Les directions prises par la Loi Travail et la réforme du chômage sont en ce sens explicites : acceptation forcée de jobs mal payés, uberisation du monde du travail déjà inégal, chômage non indemnisé pour 60% des demandeurs d’emploi, conditions d’accès durcies, et bientôt le maquillage légal du travail rémunéré sous le Smic en échange de la perception du RSA.

Les amis du néo-libéralismes martèlent le nombre de postes non pourvus pour appuyer sur cette prétendue fainéantise des chômeurs et justifier ces décisions politiques alors que les trois-quarts des annonces seraient illégales ou comporteraient des irrégularités. De l’autre côté, les employeurs bénéficient d’une longue liste d’aides à l’embauche bien moins médiatique que celle des aides sociales.

En définitive, le peuple va encore moins profiter de sa retraite puisque l’oligarchie va lui charcuter prochainement dans une nouvelle réforme pourtant inutile. Les travailleurs pauvres seront davantage à mourir précocement du fait de la nature de leur métier (actuellement, à l’âge de la retraite, 25% des plus pauvres sont déjà morts) et de la difficulté de plus en plus grande à se soigner devant la pénurie de médecins et les déserts médicaux. Ce n’est pas sans oublier la souffrance accrue qui touche les soignants, les poussant à démissionner ou pire. Ils rejoignent les familles des victimes collatérales d’un système capitaliste qui broie l’humain jusqu’à la dernière goutte de sang pour de l’argent.

Dès le départ, le jeu est truqué, les dés pipés. Il va falloir en renverser la table ou le quitter. Quand est-ce que la grande majorité des Français le réalisera enfin ?

– Signé : Qui vous voudrez selon ce que cela vous arrange de penser ;
une personne pauvre, jalouse, ratée, profiteuse, fainéante…

 


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