Pour « reboucler le cycle de la matière organique en ville », Alex et Kenzo n’y sont pas allés par quatre chemins. En créant Les alchimistes, les deux fondateurs comptent bien montrer qu’il est possible de monter une activité soutenable à partir de nos déchets en fabricant du compost. Avec leur unité expérimentale à Paris, ils espèrent non seulement participer au verdissement de notre économie, mais aussi à la sensibilisation du public. Car jusqu’à aujourd’hui, nos poubelles sont « comme une boîte noire, personne ne sait ou partent les déchets ! »
« Aujourd’hui, on fait n’importe quoi de nos déchets alimentaires » lance d’entrée Alex, co-fondateur des Alchimistes. Avec Kenzo, il a décidé de proposer une alternative à cette problématique en mettant en place une unité de compostage en plein Paris, dans le 14ème arrondissement. Les deux collègues estiment en effet qu’il est possible de créer une activité économique locale et utile à partir de nos déchets organiques, tout en créant de nouveaux emplois. Et des déchets, c’est pas ce qui manque…
« Nos déchets sont une ressource »
Un bref coup d’œil sur les chiffres a de quoi laisser songeur. Selon Alex, à Paris, 80 % des déchets alimentaires seraient brûlés, soit 4 milliards de litres d’eau qui partent en fumée chaque année. Les minéraux tels que l’azote, le phosphore ou le potassium, pourtant essentiels pour l’agriculture, sont également perdus. Une absurdité écologique et économique pour Les Alchimistes, qui comptent bien réemployer ces déchets organiques dans une « économie circulaire » pour « soutenir une agriculture plus saine, moins chimique » selon leurs mots. Autre élément, l’emploi : « Une véritable économie circulaire aura indiscutablement un effet positif sur le niveau de l’emploi : par exemple, le système d’élimination des déchets ne nécessite que 1 emploi pour 10 000 tonnes de déchets traités, tandis que le processus de recyclage crée 20 emplois pour autant de déchets », note Zero Waste France, se fondant sur un rapport de la Fondation Ellen McArthur.
Les Alchimistes ont pu se lancer grâce à une subvention octroyée par le fond social européen et une campagne de financement participatif a débuté récemment pour consolider les bases et contribuer à l’achat de matériel. Depuis 4 mois, l’installation expérimentale fonctionne et doit permettre d’étudier la viabilité économique et réglementaire du projet à moyen terme. Tous les matins, Banzolélé, un salarié en emploi aidé, utilise un vélo auquel une remorque est attachée pour se rendre chez les partenaires, tous à moins d’un kilomètre, notamment deux Biocoops, Les nouveaux Robinsons et les restaurateurs établis sur la friche des Grands voisins. Chez chacun d’entre eux, Banzolélé échange des sceaux remplis de déchets organiques impropres à la consommation contre des sceaux vides et propres. Certains voisins se prêtent au jeu et amènent une fois par semaine leurs déchets de manière volontaire.
Une fois vérifié que les sceaux ne contiennent pas de matières non compostables, les déchets sont mélangés à du broyat de bois (afin de conserver un équilibre azote / carbone) et placés dans « le composteur électro-mécanique ». La matière est mélangée par la machine toutes les 90 minutes, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Cette technique permet une optimisation du processus puisque le compost frais est produit en douze jours seulement, tout en réduisant les nuisances. En effet, Alex assure qu’il n’y a pas d’odeurs et que les nuisibles (rongeurs et insectes) ne peuvent pas pénétrer dans le cylindre.
Vers un modèle économique viable ?
Depuis que l’installation est en place, les Alchimistes ont reçu la visite de plusieurs élus, y compris certains n’étant pas de la région parisienne. Cette forme de gestion des déchets apporte des solutions à des problématiques locales concrètes, non seulement en ce qui concerne la création d’emplois d’utilité collective, mais aussi en ce qui concerne la gestion des déchets ou encore la réduction du trafic, alors que jusqu’à présent le transport des déchets se fait par l’intermédiaire de camions qui posent des problèmes de circulation et de pollution.
Dans les mois à venir, il s’agira de « valider de manière définitive que l’expérimentation est réussie ». Dès à présent, certains succès réglementaires peuvent être relevés. Ainsi, il s’agit de « la première et seule installation à Paris intra-muros ayant reçu un Agréement du minstère de l’agriculture pour gérér les déchets alimentaires y compris les déchets animaux ». Par ailleurs, le compost produit est d’une qualité suffisante (norme NSU44041) pour pouvoir être redistribué ou vendu.
Économiquement le projet est encore en phase de test. Il repose pour le moment sur l’engagement des convaincus de la première heure et la vente du compost. En effet, les structures faisant appel aux Alchimistes payent le ramassage de leurs déchets. Pourtant, en raison de leur taille (moins de 10 tonnes de déchets par an), elles ne sont pas soumises à des obligations légales à ce jour. Pour Alex, cependant, la situation pourrait changer dans les années à venir, alors que différents modèles pour inciter financièrement particuliers et entreprises à réduire leurs ordures sont expérimentés (tarifications incitatives). S’adresser à une entreprise proposant des services semblables à ceux des Alchimistes deviendraient in fine rentable et entrerait dans la normalité… La société doit donc opérer des ajustements afin d’activer une circulation vertueuse des déchets organiques.
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Sources : alchimistes.co / ulule.com