Lorsque l’on découvre des tonnes de déchets humains dans la nature, le réflexe de beaucoup d’entre nous est de dénoncer l’incivilité de nos semblables, pensant que le monde serait plus propre si chacun jetait ses ordures à la poubelle. Si derrière cette réflexion se cache une part de réalité, il faut pourtant nuancer cette affirmation pour se pencher sur un problème plus global qui relève du système capitaliste.

S’il est toujours désolant de voir des individus abandonner tout et n’importe quoi dans la nature, il est sans doute nécessaire de s’interroger avant tout sur la production et la consommation intempestive d’objets dont nous n’avons pas spécialement besoin. D’autant plus dans un monde où le traitement des déchets et le recyclage restent encore très imparfaits.

Photo de Sylwia Bartyzel sur Unsplash

Un flux continu

Rien qu’en 2023, l’humanité a occasionné 2,3 milliards de tonnes de déchets, soit l’équivalent de 227 fois le poids de la tour Eiffel. Si notre espèce poursuit sur cette trajectoire, le chiffre pourrait bien atteindre 3,8 milliards de tonnes d’ici 2050.

Avec une telle production, il n’est pas rare de trouver des détritus dans la nature, et en particulier dans les cours d’eau. On pense particulièrement au « septième continent de plastique » qui pollue l’océan pacifique.

Au vu de ces images, on serait tenté de tout simplement blâmer les individus n’ayant pas jeté ces déchets à la poubelle. Et c’est d’ailleurs souvent la réaction des observateurs face à des photographies de zone souillées.

Un problème sous le tapis

Même si tous les déchets étaient collectés, ils continueraient malgré tout à exister. Qu’ils soient incinérés, ensevelis, laissés dans une décharge en plein air, ou dans le meilleur des cas recyclés, nos déchets représentent toujours un coût économique et environnemental.

En 2017, les Européens avaient par exemple brûlé pas moins de 70 millions de tonnes de détritus. Même si le processus est utilisé pour produire de l’énergie, il reste néanmoins très loin d’être propre, puisqu’il aurait engendré cette année-là jusqu’à 119 millions de tonnes de CO2, soit les émissions de pratiquement 15 millions de Français moyens. En plus de ce problème pour le climat, cette méthode génère également des particules fines, nocives pour la santé.

Le problème des microdéchets

En outre, certains déchets présents dans la nature avaient pourtant en premier lieu été jetés à la poubelle. Or, ceux-ci peuvent être dispersés par les aléas météorologiques, comme le vent, en particulier lorsqu’ils sont très petits. Les microplastiques que l’on retrouve souvent en milieu aqueux s’y échappent d’ailleurs le plus souvent par accident.

Avec une forte propension à contaminer la faune et la flore en zone marine, ils constituent une grande partie du problème. Nos lessives jouent par exemple un rôle important dans cette pollution. Selon la nature des vêtements, un seul lavage peut rejeter dans l’eau jusqu’à 700 000 microfibres plastiques.

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L’enfouissement en décharge, qui concerne toujours 20 % des déchets français, peut lui aussi entraîner son lot de difficultés. Même s’ils sont censés être étanches, les sites ne peuvent pour autant jamais échapper à des fuites qui provoquent des pollutions des sols, des cours d’eau ou de l’air. Par ailleurs, en plus d’artificialiser des terres, l’enfouissement est soumis au vent qui propage les déchets légers pas encore ensevelis, ainsi que le méthane (un gaz hautement climaticide) engendré par décomposition des détritus.


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Le leurre du recyclage

On pourrait par ailleurs souligner le taux de recyclage assez faible de nos détritus. En France, à peine 27 % des emballages plastiques sont par exemple recyclés. Dans le monde, la situation est encore plus catastrophique puisque 91 % des déchets plastiques ne sont pas traités de cette manière.

À l’instar du ramassage, le recyclage doit évidemment être maximisé, mais il ne représente pas pour autant une solution miracle. D’abord parce qu’il n’enraye pas l’augmentation de la production de nos poubelles.

En ce qui concerne le plastique, le recyclage ne s’effectue d’ailleurs en circuit fermé que dans 2 % des cas. Autrement dit, les objets fabriqués avec du plastique recyclé le sont très rarement en intégralité. Ils nécessitent donc presque toujours d’utiliser de nouvelles matières premières.

En outre, le flux des déchets est si important que l’hexagone ne parvient plus à en organiser elle-même sa gestion. Elle est ainsi obligée d’envoyer ses surplus à l’étranger où ils peuvent être recyclés, mais aussi finir dans des décharges gargantuesques à ciel ouvert, dans des pays où le traitement de ce type de productions n’est pas autant déployée que sur l’hexagone.

Des solutions à mettre en œuvre

De fait, le véritable problème n’est sans doute pas notre gestion des déchets en tant que telle, mais bien le fait d’en produire autant. Or, il y a sans aucun doute de nombreux leviers pour réduire ce flux continu.

S’il est possible d’améliorer sa propre consommation en faisant preuve de sobriété individuelle, il ne faut toutefois pas perdre de vue que les solutions doivent être collectives et systémiques.

Dans le commerce, il existe déjà toutes sortes de procédés pour atteindre cet objectif : vrac, réparations, consignes, réemplois, seconde main, etc. Pour autant, la charge revient aux pouvoirs publics de faire la promotion de ce genre de méthodes, mais aussi de les favoriser.

Une lutte collective

S’il est souhaitable d’informer au maximum les citoyens, il est aussi essentiel de leur donner les capacités matérielles et économiques de mettre en œuvre ce type de solution. Une nécessité qui passe évidemment par la loi.

Ainsi, il devient urgent d’obliger les entreprises à fournir des produits entièrement recyclables, notamment en luttant contre l’obsolescence programmée, et favoriser les réparations. Dans le même temps, la réduction des déchets dépend d’une extrême limitation des articles à usage unique, spécialement en plastique.

En outre, les déchets qui ne peuvent être évités devraient être bien plus souvent fabriqués à partir de substances biodégradables, comme les algues capables de constituer un matériau intéressant pour la planète.

Dans tous les cas, et on ne le répétera jamais assez : le meilleur déchet est celui qui n’existe pas.

– Simon Verdière


Photo de couverture de Sarah Chai. Pexels.

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