Tribune – Avec leurs plages de sable blanc, une température avoisinant souvent les 25° ou plus, de l’eau turquoise et une nature luxuriante, les territoires français d’outre-mer attirent toujours plus de touristes à la recherche de vacances idylliques. En 2017, la Martinique a franchi le seuil du million de visiteurs, tandis que La Réunion dépassait le cap des 500 000. Pourtant, derrière ces paysages de rêves se cache une réalité bien plus cruelle : errance, euthanasies de masse, réglementations ignorées, laxisme des autorités… La condition animale dans les DROM-COM est désastreuse. Le Collectif Outre-mer de Protection Animale en appelle au Ministère de l’Outre-mer pour inverser la tendance au plus vite.
Quiconque s’est déjà rendu dans un département ou territoire d’Outre-mer a été le témoin de cette triste réalité : nombreux sont les chats et chiens errants à travers les villes et villages. Ils sont des milliers dans les rues, jalonnant les routes ou cherchant leur nourriture dans les décharges. Faméliques, voire squelettiques, plus ou moins en mauvaise santé, ces animaux en détresse représentent aujourd’hui la norme dans les paysages de la France ultramarine.
95 % des animaux entrant en fourrière sont euthanasiés en Martinique
Pour ne citer que les chiffres les plus édifiants, 95 % des animaux entrant en fourrière sont euthanasiés en Martinique. L’île de La Réunion recense aujourd’hui quelques 300 000 chiens et chats errants pour seulement 850 000 habitants. La cause principale de cette errance massive est sans surprise l’abandon, qui sévit d’ailleurs un peu partout à travers le globe. Ceux qui acquièrent un animal de compagnie sans en mesurer la véritable implication s’en débarrassent souvent aussitôt que l’engouement s’est dissipé. Ainsi, les centres d’adoption de Blue Cross au Royaume-Uni ont annoncé une multiplication par cinq du nombre d’abandon de husky sibériens et de malamute de l’Alaska après le succès du film Twilight et une augmentation de 137 % de l’abandon touchant les races miniatures entre 2008 et 2013, malheureuses victimes de la mode lancée par les célébrités qui s’affichent avec de tout petits chiens enfouis dans leurs sacs à main.
Mais au delà de ce phénomène répandu, d’autres facteurs plus distincts et socioculturels s’ajoutent. Les propriétaires d’animaux en Outre-mer ont ainsi davantage tendance à laisser se promener leur compagnon à quatre pattes en toute liberté. Chiens et chats errants sont alors issus des portées de ces animaux divaguants, fréquemment non stérilisés. Certaines idées reçues perdurent également au sujet de la stérilisation, qui est perçue comme un processus contre-nature.
L’errance entraîne une multitude de risques
Pourtant, l’errance entraîne une multitude de risques pour la population locale et la faune sauvage en plus des conditions de vie déplorables de ces animaux. Ainsi, l’OMS avertit sur les risques sanitaires qu’une telle population d’animaux sans soins et sans surveillance entraine. Les zoonoses, des maladies infectieuses qui se transmettent naturellement de l’animal à l’homme, comme le coronavirus par exemple, sont ainsi plus à même de se propager. Les conséquences sont également sécuritaires puisque les risques de morsures, d’attaques et d’accidents de la route sont démultipliés.
Mais c’est aussi l’incroyable diversité de la faune et de la flore locale qui est menacée, puisqu’une telle multiplication d’individus engendre forcément un déséquilibre du biotope. Les associations locales déplorent également de très nombreux actes de cruauté impunis envers les animaux, sans omettre les refus d’enregistrements de plaintes, les plaintes fréquemment classées sans suite, le commerce illégal mais florissant de portées via petites annonces et réseaux sociaux qui ne fait qu’entretenir le phénomène…
Des politiques expéditives de mise à mort
Si les conséquences de l’errance sont diverses et dramatiques, la réponse que les collectivités locales apportent à cette problématique est néanmoins quasiment unilatérale et sans effet : l’euthanasie de masse. Des politiques expéditives de mise à mort, qui n’ont pourtant jamais infléchi la courbe de l’errance, sont ainsi mises en place. C’est face à ce constat désolant que le Collectif Outre-mer de Protection Animale (COPA) demande au Ministère de l’Outre-mer de se saisir de cette problématique en lui indiquant des solutions efficaces et pérennes pour gérer l’errance au sein du territoire. En parallèle, l’association interpelle les parlementaires de métropole et s’adresse aux collectivités locales des DOM TOM en lançant une pétition en ligne.
La présidente du COPA, Séverine Fontan, explique ainsi les initiatives à prendre d’urgence pour endiguer le phénomène : « seule une politique étatique de stérilisation des populations canine et féline peut endiguer l’errance : avec un programme éthique, effectif, et s’inscrivant dans la durée. Il est urgent de réorienter les fonds publics vers la création de refuges, d’ouvrir des dispensaires et de financer des unités vétérinaires mobiles. Ces actions doivent être accompagnées de campagnes de sensibilisation autour de l’identification et de la stérilisation. Il faut aussi systématiser la sensibilisation au bien-être animal dans l’éducation nationale. Enfin, pour les propriétaires d’animaux les plus modestes, les trop rares programmes de stérilisation subventionnée devraient être multipliés ».
Se questionner sur son rapport aux autres formes de vie
Actuellement, des initiatives en matière de stérilisation existent, mais les budgets consacrés à celles-ci demeurent nettement inférieurs à ceux – considérables – alloués aux captures, piqûres létales et ramassages d’animaux écrasés. Et cela au mépris des préconisations de l’Organisation Mondiale de la Santé relatives aux territoires fortement impactés : Attraper, Stériliser, Relâcher. Ces maîtres mots constituent le fondement du projet que porte l’association depuis la métropole. Celui-ci a été imaginé et conçu dans le but que les animaux, les populations locales et la faune sauvage soient gagnants et puissent cohabiter ensemble, sans souffrance.
Pour mettre fin à cet état de maltraitance animale généralisé qui n’existe aujourd’hui que par négligence et désintérêt de l’Homme envers d’autres formes de Vivant, il est urgent que les entités locales et étatiques se saisissent activement de cette problématique. Mais à titre individuel, chacun doit impérativement se questionner sur son rapport aux autres formes de vie qui l’entourent et cesser de les consommer au même titre que n’importe quelle autre marchandise.
L.A.