Face à l’avenir de plus en plus incertain de nos sociétés, le mal-être de la jeunesse est de plus en plus prégnant. La crise sanitaire a révélé les nombreuses inégalités sociales qui gangrènent nos sociétés, et plusieurs problématiques se sont aggravées ces derniers mois. S’ils préexistaient à la pandémie, le chômage, la pauvreté et l’isolement touchent ainsi de plus en plus de jeunes aujourd’hui. Face aux mesures de soutien inefficaces et trop ponctuelles du gouvernement français, le débat sur l’élargissement du RSA est relancé. Une idée que soutient l’association Tirelires d’avenir, qui vient en aide à des jeunes en rupture familiale âgés de 18 à 25 ans, les oubliés du système social français.

Si la pandémie de la covid-19 fait plus de victimes dans les tranches d’âge les plus élevées, ce sont les jeunes qui payent le plus lourd tribut à la crise économique qu’elle – et les mesures politiques – provoquent. Au troisième trimestre 2020, le taux d’emploi des jeunes de moins de 24 ans a quatre fois plus reculé par rapport à l’année précédente que pour l’ensemble de la population. Mais si la baisse d’activité économique explique en grande partie ce phénomène, la situation des jeunes en France était déjà particulièrement problématique avant la crise.

La précarité exacerbée des jeunes

Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités pointant en effet une réalité inquiétante : entre 2002 et 2018, le taux de pauvreté des jeunes a presque doublé en France, passant de 8% à près de 13%. Dans la catégorie d’âge 18-24 ans, le taux de pauvreté est ainsi deux fois plus important que la moyenne française, à 6,7%. Sur fond d’inégalités sociales qui se renforcent, la jeunesse est en première ligne des victimes du chômage et de la précarité généralisée. En 2014, le rapport indique que la moitié des jeunes vivait avec moins de 710 euros par mois, un chiffre qui les place en-dessous de seuil de pauvreté à 885 euros.

En 2014, la moitié des jeunes vivait en-dessous du seuil de pauvreté. – Tom Parsons on Unsplash

La situation est donc plus défavorable en France que dans beaucoup d’autres pays, avec une période d’insertion (stage, apprentissage, CDD) qui dure de plus en plus longtemps. Les jeunes travailleurs ont donc été massivement touchés par la crise économique, parce qu’ils sont surreprésentés dans les missions d’Interim et les CDD. Des contrats peu stables, qui ont été les premiers sacrifiés par les entreprises en perte de vitesse, qui ont aussi renvoyé en priorité les jeunes, moins cher à licencier. Ceux qui sont à la recherche d’un premier emploi sont dans une situation encore plus problématique, avec de fortes disparités qui subsistent en fonction du diplôme. Toujours plus nombreux à recourir à l’aide alimentaire, les étudiants peinent aussi à trouver les petits boulots qui arrondissent leurs fins de mois.

Des mesures de soutien insuffisantes

En plus de la pauvreté et de l’isolement, le chômage est à l’origine d’une autre réalité inquiétante : les problèmes d’accès au logement. Il s’agit d’un enjeu majeur pour les jeunes en situation de précarité, dans un contexte d’augmentation des prix de l’immobilier et des loyers. Sans présenter de CDI, il est de plus en plus difficile d’obtenir un contrat de bail dans les grandes villes françaises. En l’absence d’une couverture sociale suffisante pour faire face à cette situation, la plupart des jeunes n’ont en outre pas accès aux mêmes indemnités que l’ensemble de la population, à commencer par le chômage.

Pour Anne Brunner, directrice d’études à l’Observatoire des inégalités, les mesures de soutien du gouvernement ne sont pas à la hauteur, et la détresse des jeunes et des familles n’a pas été entendue. « Des aides ponctuelles d’urgence ont été délivrées. L’augmentation des moyens accordés aux missions locales pour aider les jeunes sans emploi et sans formation était indispensable. Mais ces mesures se révèlent clairement insuffisantes, en particulier en ce qui concerne le soutien au revenu des jeunes. »

Des mesures ont été prises pour soutenir les jeunes, comme la plateforme 1 jeune, 1 solution, mais elles se révèlent largement insuffisantes.

Vers un revenu universel ?

C’est ce constat qui a fait ressurgir le débat sur l’élargissement du Revenu de solidarité active (RSA), aujourd’hui inaccessible aux jeunes de mois de 25 ans sauf s’ils ont des enfants à charge. De plus en plus de voix s’élèvent pour l’instauration d’un revenu minimum unique (RMU) pour toutes les personnes précaires à partir de 18 ans, voire même d’un revenu universel. Un collectif de personnalités signaient en janvier une tribune dans le monde appelant à une réforme des successions pour financer le RSA Jeunes. Plusieurs modalités existent mais l’objectif est le même : assurer une autonomie aux publics défavorisés. Cette vision est partagée par l’association Tirelires d’avenir, qui visent à soutenir les jeunes en rupture familiale.

Beaucoup de jeunes en situation précaire s’appuient en effet sur leurs parents pour les aider, et ceux qui ne bénéficient pas de ce soutien sont les oubliés du système social français. Nombreux d’entre eux finissent par décrocher de leur parcours d’insertion, n’étant pas éligibles aux aides de l’Etat ni soutenus par leur famille. En France, un quart des Sans Domiciles Fixes seraient passés par les foyers de l’Aide Sociale à l’Enfance. Le jour de leur majorité, ces jeunes sont exclus de leur mesure de placement et se retrouvent seuls, sans ressources et isolés socialement. Autres jeunes en difficultés, les migrants qui arrivent sur le territoire français doivent souvent attendre plusieurs mois avant d’être régularisés.

Soutenir les jeunes en rupture familiale

Pour ces jeunes en rupture familiale, la réussite de l’insertion socio-professionnelle repose sur quatre piliers essentiels. Si deux d’entre eux sont souvent couverts : l’hébergement et l’accompagnement social, deux autres ne le sont quasiment jamais : le soutien financier et le lien social. « Notre mission consiste dans un premier temps à verser des aides financières à ces jeunes pour leur éviter de décrocher de leur parcours d’insertion. Nous avons commencé à travailler avec des associations partenaires qui logent et accompagnent socialement ces jeunes » explique Benoît Floquet, co-président de Tirelires d’Avenir.

Depuis sa création en mars 2020, 28 jeunes ont été aidés par l’association, qui s’est fixé l’objectif d’atteindre le nombre symbolique de 100 en 2021. L’équipe souhaite également aider des jeunes vivant encore à la rue qui ne sont pas accompagnés par des associations partenaires. Outre le soutien financier, Tirelires d’Avenir se consacre aussi à lutter contre l’isolement social, notamment via le binômage. « Notre mission consiste dans un second temps à créer du lien social avec ces jeunes. Nous créons des binômes avec des jeunes issus de milieux favorisés afin de créer des ponts, partager leur expérience respective et faire en sorte que chacun s’apporte mutuellement » poursuit Benoît Floquet.

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En attendant l’instauration d’un revenu qui permettrait l’autonomie des jeunes en situation de précarité, le travail des associations comme Tirelires d’Avenir, qu’il est possible d’aider financièrement via ce lien, se révèle donc essentiel. Le chômage, la pauvreté et l’isolement que connaissent de nombreux jeunes, victimes d’un système économique profondément inégalitaire, sont en effet encore plus difficiles à gérer en l’absence de soutien familial.

Raphaël D.

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