Avec l’arrivée à Matignon de Michel Barnier, la question d’augmenter les impôts est revenue dans l’actualité. Mais derrière ce sujet d’apparence simple se cache une réalité plus nuancée. Ainsi, la véritable interrogation ne réside pas dans le fait de rehausser les impôts ou non, mais plutôt de savoir sur qui doivent porter ces changements.

Dans la bouche des politiciens de droite, Emmanuel Macron en tête, « baisser les impôts » font office de sacerdoce, tout au moins dans les discours. Et pourtant, d’après de nombreux bruits de couloir, le nouveau premier ministre, qui juge la situation budgétaire du pays comme « très grave », envisagerait bien d’augmenter les contributions, en priorité sur les plus riches. Des velléités que la Macronie semble avoir très vite calmées.

Un festival de cadeaux pour les riches

Si l’on devait résumer l’action gouvernementale d’Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir en 2017, on évoquerait sans aucun doute ses multiples cadeaux aux grandes fortunes, que ce soit en aides aux entreprises, niches fiscales, ou autres allègements de taxes sur les plus riches.

Ainsi, en dix ans, le nombre de milliardaires a plus que doublé en France. Quant à la fortune des 500 Français les plus aisés du pays, elles ont bondi de 25 % du PIB de la nation en 2017 à 42 % en 2023. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les plus riches ont donc été les grands gagnants de la politique libérale d’Emmanuel Macron.

Barnier en pleine interrogation ?

En agissant ainsi, le chef de l’État n’a cessé de creuser le déficit français d’année en année. Chacun peut en effet saisir que si l’on prive la nation de recettes importantes pour faire favoriser les plus fortunés, le budget en prendra obligatoirement un coup, et ce malgré les diverses cures d’austérité prescrites dans de nombreux domaines.

Même Michel Barnier, qui vient pourtant d’un camp politique qui ressasse depuis toujours qu’il faut baisser les impôts, aurait donc compris l’absolue nécessité de mettre à contribution les plus aisés du pays.

Marine Le Pen et la Macronie, main dans la main

Pourtant, dans le même temps le RN s’est bien directement rangé du côté des plus riches, Jordan Bardella ironisant sur X : « Un problème, une taxe. Michel Barnier est décidément un dirigeant français comme les autres. » Marine Le Pen allait également sur cette ligne, expliquant qu’une hausse des impôts ne serait « pas sérieuse », arguant que « les Français n’en peuvent plus ».

Une hypocrisie certaine lorsque l’on sait le parti d’extrême droite avait inscrit un impôt sur la fortune dans son programme (ce qui ne l’avait pas empêché de voter contre lorsque la gauche l’a porté à l’assemblée).

Un son de cloche qui ressemble à s’y méprendre à celui que l’on a pu écouter du côté de la Macronie qui n’entend pas laisser son œuvre se faire détricoter par un Premier ministre qu’elle a elle-même choisi. Ainsi, l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a bien prévenu qu’il refuserait de soutenir ou rejoindre un « gouvernement qui augmentait les impôts ». De quoi stopper les idées de Barnier, s’il veut éviter la censure.

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Les impôts ne sont pas un bloc uniforme

Quoiqu’il en soit, en parlant de cette manière, la droite et l’extrême droite utilisent une vieille technique rhétorique consistant à désigner les impôts comme un bloc, comme si on ne pouvait les augmenter ou les baisser que pour tout le monde ou pour personne. Le but est d’effrayer les classes populaires et moyennes, déjà étouffées financièrement, en leur faisant croire qu’ils vont payer encore plus.

Pourtant, si l’objectif est seulement de renflouer les caisses de l’État, l’effort peut très bien se concentrer uniquement sur une petite partie de la population (en l’occurrence ceux qui ont vu leurs fortunes personnelles exploser), sans toucher à la grande majorité des gens. Mieux, il est même tout à fait possible de les rehausser pour les uns et de les abaisser pour les autres, comme le proposait d’ailleurs le Nouveau Front Populaire, coalition arrivée en tête des dernières élections, mais à qui Emmanuel Macron a refusé de céder le pouvoir.

Une question de justice fiscale

Procéder de cette manière relève d’abord d’une simple question de justice ; plus on gagne d’argent, plus on doit en verser aux collectivités. À l’inverse, si l’on a peu de moyens, il paraît sensé d’avoir une contribution faible.


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Une évidence, que les défenseurs du capitalisme n’ont eu de cesse de mettre à mal à grand coup de poncifs pourtant éculés depuis bien longtemps. On nous explique d’abord que la France serait championne du monde des impôts et qu’elle prélèverait déjà beaucoup. Un argument fallacieux, qui mélange outrageusement notre système social avec les taxes.

En outre, pour continuer à protéger cette minorité possédante, cette frange de la classe politique entretient toutes sortes de mythes sur les plus fortunés, allant de l’illusoire méritocratie, au chantage à l’évasion fiscale. Le tout soutenu par une partie de la population pauvre, atteinte du syndrome du larbin, qui préfère taper sur les précaires plutôt que sur ceux qui l’exploitent, afin de ne pas finir en bas de l’échelle sociale.

Les services publics dans le rouge

Pourtant, une chose est certaine, le budget de l’État est insuffisant pour faire tourner tous les services publics dont il a besoin. Que ce soit à l’hôpital, à l’école, dans la police, dans la justice et dans bon nombre de domaines, les voyants sont au rouge partout.

Du côté de la droite, plutôt que d’augmenter les prélèvements sur les riches, on tente de nous imposer une énième cure d’austérité où les portefeuilles des collectivités devraient de nouveau s’amincir. Entre d’autres termes, faire plus avec moins.

Et si cette situation tient encore à un fil, c’est indubitablement par la volonté et le dévouement des travailleurs qui portent le système à bout de bras. Pourtant, bon nombre d’entre eux ont déjà tiré la sonnette d’alarme, et d’autres ont même fini par rendre leur tablier. À force de refuser de prélever les plus riches, la Macronie conduit donc directement les collectivités dans le mur. Ce qui au fond, est sans doute le but, afin d’ouvrir la porte aux privatisations de masse. Et comme d’habitude, ce sont les plus pauvres qui trinqueront.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Flickr

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