Si l’espace public est aujourd’hui dominé par la classe bourgeoise, c’est tout sauf un hasard. La France, en 2022, n’est que 26e au classement mondial de la liberté de la presse, d’après une étude de Reporters Sans Frontières. Plus inquiétant encore : une dizaine d’oligarques vendent à eux-seuls chaque jour 90% des quotidiens nationaux ! Autrement dit, l’opinion publique est largement influencée par une poignée de milliardaires. La droitisation du paysage politique mondial n’est pas du fait d’une attirance profonde de l’humanité pour le néolibéralisme et la xénophobie, mais plutôt du fait des intérêts des plus puissants et de leur intense contrôle de l’espace médiatique. D’où l’intérêt de se tourner vers une presse libre et indépendante, mais aussi sourcée et documentée, qui s’intéresse d’abord à la parole et au destin des plus vulnérables et des victimes de l’oppression capitaliste. C’est dans cette logique que le média Fsociété, lancé en janvier 2022, propose une première revue axée sur la compréhension sociologique des enjeux de la modernité. Un objectif qui repose sur une campagne de crowdfunding Ulule, disponible jusqu’au 26 novembre. Présentation :
La plume comme catalyseur d’une colère intériorisée
« Nous devrions culpabiliser de ne pas nous conformer à la société, mais le pollueur lui, l’exploiteur aussi, le manipulateur de son propre peuple tout autant, ceux qui ont fait de ce monde le foyer de la honte ; sont les plus valorisés, les plus propres, les plus exemplaires. Pourtant ils se lavent d’or noir, s’essuient sur nos billets de banque et se couchent sur la couche d’ozone. Aux zones les plus touchées, nous oserons nous révolter. ». De ce premier pamphlet publié sur Instagram, Fsociété est né.
Derrière ce compte, une seule personne est au charbon : recherches, écriture, gestion du site internet, des réseaux sociaux, édition de la revue et publicité ; le tout sans moyen financier en amont, donc en toute indépendance. Seul le logo a été désigné par une tierce personne, à savoir la talentueuse illustratrice Maritrini Ilustra.
La création du blog Fsociété est apparu comme une évidence pour son détenteur, 28 ans et fraîchement diplômé d’un master en Sociologie des Vulnérabilités Sociales. Goût pour l’écriture, appétences et connaissances sociologiques, colère intériorisée, en plus d’un contexte de campagne présidentielle en ébullition, pour Fsociété il fallait prendre l’initiative de vulgariser la sociologie et d’influencer la société vers un monde plus désirable, sobre et solidaire.
Ligne éditoriale : sciences sociales et luttes citoyennes !
Fsociété définit sa ligne éditoriale dans la lignée des médias indépendants et alternatifs anticapitalistes et écologistes :
« En opposition à la frénésie du monde journalistique à l’affût de la dernière info croustillante, Fsociété choisit de prendre le temps de traiter les sujets en profondeur plutôt que de réagir le lendemain d’un événement.
Fsociété est à la croisée entre la sociologie et le journalisme engagé. L’approche sociologique se veut plus rigoureuse, avec une attitude moins affirmative qu’exploratoire.
L’approche générale n’en reste pas moins engagée en s’inscrivant dans la mouvance des médias indépendants à la recherche de liberté étant donné la monopolisation par les milliardaires des grands médias, et la droitisation de leur ligne éditoriale.
Fsociété repose sur une vision du monde aussi simple que disruptive : humaniste, anti-capitaliste, écologiste (liste non exhaustive). Plus qu’une simple idéologie, c’est l’urgence écologique et sociale qui nous pousse à informer différemment. Le but étant de donner des clefs de compréhension du monde aux lecteurs.
Fsociété est un journal apartisan mais radicalement politisé, basé sur le constat que le changement social ne s’obtiendra pas seulement en disant aux gens pour qui voter, mais plutôt en diffusant une autre manière de penser, en proposant une alternative à l’idéologie néolibérale, au mythe de la croissance infinie et à l’anthropocentrisme de notre espèce qui gagnerait à s’inscrire dans les écosystèmes plutôt que de les dominer. »
Pour ce qui est du nom, il est « une référence à la série Mr Robot, où un groupe de hackers tentent de renverser un système capitaliste injuste en redistribuant les richesses. Un idéal de rébellion par le bas inspirant pour quiconque n’a pas perdu espoir. »
Première revue Fsociété : vive la presse indépendante !
Parti de rien, Fsociété s’est lancé bénévolement dans l’écriture d’articles approfondis, en accès libre, sans publicité, une activité d’abord entièrement bénévole avant d’être repéré par Mr Mondialisation, pour qui le blogueur délivre régulièrement des piges.
Etant donné la précarité du métier de pigiste, surtout à ses débuts, autant dire que la motivation se trouve bien loin des intérêts lucratifs, et avant tout dans un désir de partage des valeurs humanistes ou encore dans la recherche profonde de sens (corrélée au déficit de sens que l’on trouve dans une grande partie des métiers modernes et au service du capitalisme marchand).
Comme annoncé en introduction, l’oligarchie pèse lourd dans la presse écrite, la revue Fsociété ne bousculera pas un marché aussi bien ancré. Mais en se procurant une presse écrite alternative, les citoyennes et citoyens alimentent un marché non détenu par les intérêts bourgeois. Elles et ils permettent aux idées de l’altermondialisme de peser un peu plus lourd dans l’espace public, tout en s’enrichissant d’un contenu fort d’arguments, pourquoi pas d’espoir et peut-être même d’inspiration afin de penser un autre type de société tourné vers l’inclusivité, le soin, la solidarité, etc.
Revue en main, pourquoi ne pas ensuite la faire circuler à son entourage, à son tonton qui ne jure que par le Figaro et Valeurs Actuelles, histoire de lui titiller ne serait-ce qu’un peu ses idées préconçues de la société. Qui sait ?
Un premier numéro : « Fête mieux »
« Le titre de ce premier numéro est évidemment une référence détournée des propos de J-L. Mélenchon au sortir des présidentielles : “faites mieux”. Certes, mais en faisant la fête.
Pour deux raisons : d’abord l’effondrement climatique est déjà suffisamment anxiogène, ensuite, c’est une belle opportunité de montrer aux conservateurs néolibéraux que notre monde idéal et responsable d’écologistes « illuminé·e·s », est joyeux et donne envie.
Cette couverture est aussi un clin d’œil à la Murga de Padova (Vénétie, Italie), collectif de spectacles de rue qui allie joliment l’art festif et les luttes sociales. » – peut-on lire en avant-propos du magazine.
12 articles sont au programme, parmi lesquels :
* Un article d’analyse sociologique sur l’éco-anxiété. Le parti pris étant celui de considérer la solastalgie comme un phénomène social et non comme une anxiété chronique (à moins que les symptômes se révèlent réellement handicapants). En d’autres termes, l’éco-anxiété ne serait pas maladive, mais plutôt une réaction normale à une crise climatique qui compromet notre avenir. Surtout, elle est motrice d’une mise en action, déjà visible par la montée en puissance des éco-lieux, des mouvements sociaux écologistes, ZADs, ou encore des piges rédigées pour Mr Mondialisation ou Fsociété !
* Un article d’analyse anthropologique sur la nature humaine et sa présumée violence. Il est courant de confondre violence et nature humaine pour justifier la violence sociale du capitalisme, les guerres (armées mais aussi économiques), la maltraitance et les inégalités sociales, etc. Or les recherches en anthropologie ne montrent pas de telles violences, notamment à travers l’analyse des sociétés ancestrales. Le propos n’est pas pour autant d’idéaliser la nature humaine comme fondamentalement bonne, mais notre nature sociale et le développement des institutions devraient nous permettre de faire le choix de combattre les injustices de la nature et non de les exacerber.
* Une autre analyse sociologique tirée d’un travail de J-B. Comby, sur la relation entre la pauvreté et l’écologie. On entend souvent dire que l’écologie est un truc de bobo, pourtant les riches sont bien ceux qui polluent le plus. Alors comment expliquer ce paradoxe ? Par le greenwhashing, et plus particulièrement la rhétorique politique. Celle-ci consiste du côté des classes bourgeoises de s’enorgueillir dans les discours d’adopter des comportements dit “écolos” afin de culpabiliser les plus pauvres sans devoir remettre en cause son ethos (son mode de vie). Une double peine pour les classes populaires dont on comprend finalement la méfiance face au terme “écologie” alors qu’iels pratiquent bien souvent une forme d’écologie non revendiquée comme telle.
* La virilité nous coûte cher, un constat réalisé par l’historienne Lucile Peytavin, ayant écrit un ouvrage sur le sujet et délivré une interview pour Blast. Son analyse, froide et pragmatique, met en lumière la responsabilité des hommes, et plus particulièrement le modèle viriliste qu’ils idéalisent, dans la production de violences mais aussi des pertes économiques qu’elles engendrent. L’occasion de revenir sur l’éthos féminin, construit en opposition au virilisme et valorisant le “prendre soin”, duquel nos sociétés pourraient s’inspirer pour construire une société plus pacifique.
Voici donc un florilège des articles qui vous attendent en version papier (comme à l’ancienne). Si la revue papier n’est pas perçue comme moderne, elle garde un côté romantique qui mérite d’être entretenu. D’autant que d’un point de vue écologique, il est difficile d’évaluer l’empreinte carbone la plus nocive entre le papier et le digital.
Il existe de plus en plus de médias indépendants, et c’est une bonne nouvelle. Fsociété représente ainsi une opportunité d’aider un petit média, partenaire de Mr Mondialisation.
Pour commander votre revue “Fête mieux”, rendez-vous sur la page Ulule de Fsociété. La fin de la campagne de soutien est fixée au 26 novembre. Il est également possible de faire un don sur uTip, de consulter les articles en accès libre et sans pub de fsociete.fr ou encore de suivre son actualité sur Instagram à @fsociete_fr.
– Benjamin Remtoula.