À Fukushima, les autorités s’activent sans relâche depuis 4 ans pour décontaminer la zone tant bien que mal, allant jusqu’à employer des sans-abris pour gonfler les effectifs. Arkadiusz Podniesiński s’est introduit dans la zone interdite pour documenter le processus de nettoyage et comparer cette réalité à un précédent reportage sur Tchernobyl. Ses clichés valent le coup d’œil.
Plus de 4 ans après la catastrophe, 120 000 personnes des 160 000 évacués sont toujours déplacées, dans l’incapacité de retrouver leurs terres et ce qu’il pourrait y rester. Se souciant peu du tsunami et de l’incident nucléaire, la nature n’a pas attendu pour reprendre possession des lieux. En dépit du drame, les scènes apocalyptiques offrent des images peu communes aux photographes du monde entier qui arrivent à pénétrer la zone, à leurs risques et périls. C’est notamment le cas de Arkadiusz Podniesiński, un photographe polonais spécialisé dans l’urbex (environnement urbain abandonné). Les scènes qu’il nous rapporte sont intéressantes à plus d’un titre.
La première chose qui surprend quand on pénètre dans la zone, c’est le gigantisme des travaux de décontamination. « 20 000 travailleurs nettoient méticuleusement chaque morceau de sol » explique le photographe. Une fine couche de terre, la plus contaminée, est prélevée et placée dans ces grands sacs noirs (visibles sur la photographie) qui seront stockés sous terre, dans des sites d’enfouissement. On ne peut pas les éviter. « Les sacs sont partout. Ils deviennent une partie intégrante du paysage de Fukushima. » Mais hors de question de se balader librement dans la région.
Par sécurité, la région contaminée est divisée en zones, en fonction du niveau de contamination : rouge, orange et vert. La zone rouge est jugée inhabitable à long terme. Elle est si contaminée qu’il est probable que les résidents ne puissent jamais y revenir. La zone orange est moins contaminé mais toujours inhabitable. Les propriétaires sont autorisés à s’y rendre mais ne peuvent pas y habiter. C’est dans la zone verte que le nettoyage se déroule en vue d’y réintroduire des habitants de manière permanente. Et quel nettoyage ! Chaque rue, chaque trottoir, chaque bâtiment, chaque tuile sont méthodiquement nettoyés par des techniciens en blouse blanche. « On ne sait pas où ces détritus contaminés vont aller. Pour l’instant, ils sont stockés sur la périphérie des villes dans la zone touchée. » explique le photographe. La population est visiblement inquiète mais il y a au Japon une forme d’honneur collectif face aux catastrophes qui pousse à l’acceptation. Tête haute, les japonais font face à l’adversité.
Dans l’attente d’un permis pour pénétrer dans une zone rouge, le photographe va aller à la rencontre de Naoto Matsumura, cet agriculteur japonais mondialement connu, rentré chez lui illégalement pour venir en aide aux animaux laissés à une mort certaine. L’homme ne pouvait pas supporter de voir des troupeaux entiers de bovins errants sans but en attendant de mourir de faim, sans même parler des chiens, des chats et autres animaux abandonnés. Finalement, le photographe aura le droit d’entrer dans Namie, une des villes en zone rouge. C’est ici que le reporter va réaliser ses plus « beaux » clichés mais aussi les plus inquiétants. La ville, complètement déserte, est toujours illuminée par l’éclairage public, ce qui lui donne des airs vraiment surprenants. « Les feux de circulation continuent de fonctionner. (…) La police patrouille, s’arrêtant à chaque feu rouge en dépit du fait que la zone est complètement déserte. » s’étonne Arkadiusz.
7 ans après ses clichés au cœur de Chernobyl, Arkadiusz Podniesiński observe des similitudes avec le désastre de Fukushima. Selon lui, on ne peut ni blâmer la nature ni la technologie dans ces deux histoires, mais bien l’Homme et ses choix qu’il croit maitriser. « Ce n’est pas le tremblement de terre ou le tsunami qu’il faut blâmer concernant le désastre de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, mais les Hommes. Le rapport produit par le comité parlementaire Japonais (…) ne laisse aucun doute à ce sujet. La catastrophe aurait pu être anticipée et évitée. Comme dans le cas de Tchernobyl, c’est l’être humain, et non la technologie, qui est le principal responsable de la catastrophe. » explique-t-il sur son site internet.
On retiendra enfin de son expérience au cœur de ce paysage apocalyptique que les Japonais ont un profond respect pour la propriété privée d’autrui. Ainsi, aucune scène de pillage, aucun objet dérobé, aucune destruction gratuite, la zone rouge est restée intacte, dans l’attente d’un mieux, d’une renaissance qui n’arrivera peut-être jamais. L’ensemble de ses travaux sont à découvrir sur son site.
Sur cette dernière photographie, on peut observer un écriteau géant de propagande affichant : « L’énergie nucléaire est l’énergie d’un avenir radieux. »
Source : ecowatch.com