Gilets jaunes : 9 gardiens de la paix suicidés en 2 semaines. Un policier témoigne.

Policier et secrétaire général du syndicat de police VIGI, Alexandre Langlois a décidé de témoigner au micro du « Média » à propos de la gestion du maintien de l’ordre par le gouvernement dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, et ce en dépit des pressions hiérarchiques qu’il encourt. Il dénonce une doctrine du maintien de l’ordre qui provoque une escalade de violences et fait état de ses inquiétudes quant au désarroi qui règne au sein des forces de l’ordre où de trop nombreux suicides sont répertoriés.

« Tout est mis en place pour que ça dégénère » : au micro du « Média », ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à critiquer de front sa hiérarchie ainsi que le gouvernement, dont il met tour à tour en cause la méthode de gestion des manifestations des gilets jaunes depuis le 17 novembre dernier. Selon le syndicaliste, l’inquiétude grandit également au sein des forces de l’ordre, fatiguées par les interventions répétées pendant les week-ends et dont elles n’ont pas le temps de se remettre, et qui souffrent par ailleurs des pressions de la hiérarchie. Il indique que 7 membres des gardiens de la paix se sont suicidés depuis le début de l’année (le syndicat Unité SGP Police FO avance quant à lui le chiffre de 9 à ce jour). Le syndicat de police, malheureusement minoritaire, plaide pour que le gouvernement puisse mettre en place des mesures sociales afin « d’apaiser » la population, plutôt que de répondre par une politique sécuritaire et répressive.

La doctrine « à la française » de maintien de l’ordre en question

Faisant référence aux doctrines de maintien de l’ordre appliquées dans certains pays voisins, Alexandre Langlois estime que la situation aurait pu être mieux appréhendée. En Allemagne, ou dans les pays du Nord, indique-t-il, « on accompagne le mouvement et on sanctionne individuellement les fauteurs de trouble dans la manifestation ». A contrario, « en France, nous sommes dans une gestion de la foule, ce qui fait des dommages forcément collatéraux », regrette-t-il. Selon lui, « on est dans une escalade de la violence, voulue par la doctrine de maintien de l’ordre actuelle en France ».

Alors que cette semaine les médias ont finalement commencé à faire la lumière sur les violences policières et le nombre important de blessés parmi les manifestants depuis le début du mouvement des gilets jaunes, les chiffres témoignent en effet de l’ampleur de la répression. Une répression qui est donc avant tout le fruit d’un choix politique et des ordres donnés aux forces de l’ordre. Au 11 janvier, Libération comptabilisait 82 gilets jaunes blessés graves dont 67 à la tête. Parmi eux, des personnes dans le coma ou qui ont perdu un œil. Au total, selon les chiffres communiqués par le ministre de l’Intérieur, il y aurait 1700 blessés parmi les manifestants et 1000 au sein des forces de l’ordre.

https://www.youtube.com/watch?v=gnYnmwQNWFc

Des chiffres sous-estimés ?

Le collectif « Désarmons-les », qui recense les blessés graves depuis le 19 novembre, conteste cependant ces chiffres et avance que le nombre de blessés parmi les manifestants serait plutôt situé entre 2000 et 3000. Sur son compte twitter, le journaliste indépendant David Dufresne relève tous les cas de violences policières filmées : à ce jour, il a fait 321 signalements. Interrogé par Arte, il estime que ce qui se passe actuellement est inédit depuis mai 68. En tout état de cause, ces éléments interrogent sur la proportionnalité de la répression et sur l’usage des armes dites « non létales », telles le LBD mais qui peuvent causer des traumatismes à vie.

Pour Alexandre Langlois, les forces de l’ordre sur le terrain ne sont pas les premières responsables. Le policier défend ainsi que les personnes qui interviennent afin de disperser les manifestants ne le font pas sur propre initiative, en fonction de la situation de terrain dont ils ont connaissance et qu’ils peuvent observer, mais sur ordre de la hiérarchie, sous ordre du préfet de police. La violence qui s’abat sur les gilets jaunes tout comme les pressions que subissent les policiers seraient donc avant tout systémiques et le fruit d’une vision politique dans la gestion des mouvements sociaux.

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