Deux experts estiment que l’organisme allemand chargé de l’évaluation des dangers du glyphosate – et dont les conclusions avaient servi de base pour réautoriser le glyphosate au sein de l’Union européenne – a copié-collé de très nombreux passages directement à partir des documents livrés par Monsanto.
L’accusation est grave et discrédite une fois de plus le travail réalisé par les autorités européennes. Selon l’expert en plagiat Stefan Weber et le biochimiste Helmut Burtscher-Schaden, le rapport qui avait pesé dans la décision de Commission européenne de renouveler l’autorisation du glyphosate à l’échelle européenne en 2017 contient des arguments venant de la multinationale Monsanto elle-même. D’après leur expertise, l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques aurait « textuellement recopié » des passages entiers issus du producteur Monsanto, en particulier ceux concernant la toxicité du glyphosate pour la santé humaine, plagiés à hauteur de 50% au moins.
Ces révélations de plagiat confirment les travaux de notre commission d’investigation #PEST. Nous urgeons la Commission européenne de remettre à plat le système d’autorisation des #pesticides en Europe et de procéder à une réévaluation sans délai du #glyphosate. #Monsanto #BfR https://t.co/nyq3Xk4n8s
— Eric Andrieu (@EricAndrieuEU) 15 janvier 2019
Les paragraphes et tableaux en cause proviennent notamment d’études commandées par des entreprises et notamment la Glyphosate Task Force, un consortium d’industriels regroupant une vingtaine de compagnies, dont Monsanto. Le procédé est à comparer avec du « plagiat » d’après Stefan Weber et Helmut Burtscher-Schaden, dont le rapport avait été commandé par les députés européens et remis ce 15 janvier. Leur étude ne permet cependant pas de dire si le plagiat est la conséquence d’un problème de méthodologie de travail ou la marque d’un manque d’indépendance.
Selon eux, les passages plagiés, voire copiés-collés, ont influencé les conclusions de l’Institut fédéral allemand d’évaluation. « Il est clair que l’adoption par le BfR [Institut fédéral allemand d’évaluation], sans recul critique, d’informations biaisées, incorrectes ou incomplètes fournies par les fabricants [de glyphosate] a influencé la base même de son évaluation« , écrivent-ils dans leur conclusion.
Or, le document Institut fédéral allemand d’évaluation, qui date de 2015, a été l’une des principales sources de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) permettant de conclure à l’absence de danger du glyphosate. En 2017, c’est sur la base de cette évaluation que la Commission européenne avait décidé d’émettre une nouvelle autorisation de cinq ans pour l’herbicide controversé. En septembre 2017 déjà, «La Stampa» et «The Guardian» avait révélé que plusieurs centaines de pages de l’EFSA semblaient avoir été copiées-collées à partir d’une demande de ré-autorisation remise par Monsanto. Des similitudes troublantes qui interrogeait la manière dont travaillent les autorités chargées d’évaluer la dangerosité du produit et mis en question l’indépendance de l’EFSA. Pour rappel, ne 2015, le CIRC, dépendant de l’OMS, avait quant à lui classé le glyphosate comme cancérogène probable pour l’être humain.
Le député européen Bart Staes du groupe des Verts/EFA a fermement réagi aux révélations : « Le Bfr s’est attribué l’analyse d’études publiées indépendantes alors que celle-ci a entièrement été rédigée par Monsanto. Une fraude d’autant plus grave qu’elle concerne les parties dans lesquelles les industries ont évincé les études mettant en garde contre la dangerosité du glyphosate. » Michèle Rivasi, membre EELV et également membre du parlement européen a quant à elle estimé que « la santé publique ne peut plus passer après les intérêts de l’industrie chimique. Garantir l’indépendance des agences tant nationales qu’européennes est le seul moyen de regagner la confiance des citoyens envers nos institutions ».
L’information a été diffusée la veille du vote des recommandations de la commission spéciale sur la procédure d’autorisation des pesticides par l’Union (PEST) ce 16 janvier. Sur twitter, Eric Andrieu, président de cette commission, a d’ailleurs indiqué que « Dès octobre nous demandions à la Commission européenne de réexaminer sans délai l’approbation du glyphosate compte tenu des doutes persistants sur la qualité et les importantes lacunes de l’évaluation scientifique réalisée par les agences nationales et européennes concernées ». Le glyphosate n’en a pas fini d’agiter la chronique.
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