Mafias, industries, croissance, déforestation, intoxications des locaux, l’huile de palme ne cesse d’alimenter la polémique. Récemment, de grands feux de forêts volontaires ont plongé des régions entières d’Indonésie dans un brouillard toxique. Dans un message désespéré au Président Indonésien, un papa, dont l’enfant a été intoxiqué par ces feux, témoigne sous masque à gaz.

Nul ne l’ignore, l’huile de palme est abondamment utilisée dans nos pâtes à tartiner, nos shampoings, nos glaces et un très grand nombre d’aliments industriels. Près de 90% de cette huile, dont la demande va croissante, provient d’Indonésie et de Malaisie. Pour agrandir leurs installations et faciliter le défrichage, des exploitants industriels ont pris l’habitude de mettre le feu aux parcelles. En 2015, tel un rituel désormais annuel, ces feux ont atteint une ampleur exceptionnelle. Une partie de l’Asie du Sud-Est est plongée depuis plus d’un mois dans un brouillard épais et nocif.

Ces incendies de forêts géants et répétés ont été jusqu’à interpeller les scientifiques de la Nasa. Couplés au courant côtier connu sous le nom d’El Niño, ces feux pourraient devenir les pires jamais connus par la région. Mais ces feux entrainent également et surtout l’envolée des cours de l’huile dont les prix ont augmenté de 26% en seulement un mois. Si cette augmentation de valeur pourra faire le bonheur des spéculateurs, la pollution engendrée entraine des conséquences dramatiques à tous les niveaux. Dans une tentative de mobiliser le président Indonésien, Chanee Kalaweit, un homme vivant à Palangkaraya depuis 17 ans, s’exprime face caméra, au cœur de la brume, sous masque à gaz. Son fils a été récemment atteint d’une infection respiratoire… Voici son message et une traduction.

« Mon message au président indonésien concernant les incendies »

Message de Chanee Kalaweit, au président Indonésien Joko Widodo. Je m’appelle Chanee, je suis originaire d’Europe, mais je vis depuis 17 ans à Palangkaraya, dans la province centrale de Kalimantan. Je suis fier d’avoir obtenu la nationalité Indonésienne il y a 3 ans, car j’aime vraiment l’Indonésie. Mais Monsieur le président, permettez-moi de vous adresser aujourd’hui ma colère. -Je ne suis pas en colère simplement parce que mon fils a une infection respiratoire comme des centaines d’autres enfants. -Je ne suis pas en colère simplement parce que des milliers de personnes ont du mal à respirer, pleurent, et prient de pouvoir revoir un jour le soleil. -Je ne suis pas en colère simplement parce que la forêt de Kalimantan est en train d’être détruite.

Monsieur le Président, je suis en colère parce que toutes ces souffrances existent à cause de l’industrie de l’huile de palme. Les décisions des gouvernements précédents et du gouvernement actuel, sont à l’origine de ce problème, tous les ans, et aujourd’hui il est aggravé par El Nino. Rien que dans la ville de Palangkaraya, au début du mois de Juin, j’avais identifié -du ciel- des dizaines d’incendies, pour l’expansion des cultures de palmiers… dans des zones de tourbières. À cette époque, au moment où la fumée n’était pas encore dans les actualités, tous les incendies pouvaient être encore maitrisés. Mais ce n’est pas arrivé. L’hélicoptère bombardier est arrivé 2 mois plus tard. Les équipes au sol, aussi fortes soient-elles, ne peuvent pas faire grand-chose lorsque les incendies sont trop grands, dans des zones de tourbière.

Les propriétaires des terrains incendiés ne seront pas sanctionnés. Ce n’est pas moi qui vais vous apprendre, Monsieur le Président, que la corruption, le népotisme, les intimidations, sont fréquentes pour soutenir l’expansion des plantations de palmiers. Lorsque que vous avez, Monsieur le Président, pris la décision de faire de nouveaux canaux dans la province centrale de Kalimantan, vous n’avez fait que aggraver la situation. Ces canaux vont drainer la forêt, la sécher, et faciliter les prochains incendies… Monsieur le Président, je suis en colère, pas simplement comme activiste pour l’environnement, mais aussi comme père, mari, et quelqu’un qui aime vraiment l’Indonésie. Doucement les responsables de ces incendies nous volent notre santé. Est-ce que c’est ce que vous voulez Monsieur le Président ? Pour l’industrie de l’huile de palme ?


Source : lesechos.fr

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