Réalisateur, photographe et titulaire d’un diplôme d’architecture, Chris Morin-Eitner va ressortir troublé d’un voyage au Cambodge, et particulièrement de la visite du temple d’Angkor, dont il s’inspirera pour sa série de clichés intitulé « Il était une fois demain » que nous vous présentons aujourd’hui.
Dans « il était une fois demain », série de photographies recomposées dépeignant un monde moins désolé que renaissant, débarrassé de son engeance humaine, la nature fend la pierre et réinvestit des lieux bétonnés qui grouillaient autrefois d’une vie bien singulière. Les édifices historiques en proie au recouvrement végétal mettent en exergue un tableau où le caractère éphémère côtoie joyeusement l’éternel. Les capitales dont l’Homme s’enorgueillit si souvent font là figures de simples vestiges témoignant du passage fugace d’une espèce peut-être trop ambitieuse.
Paris, décrite par Hemingway comme « une fête » est devenue un immense jardin où la nature a repris ses inaliénables droits. Une nature visiblement adaptée à un autre climat, bien plus chaud. Londres et son célèbre « Tower Bridge » toisant la Tamise, est désormais un lieu de villégiature pour la faune sauvage. Dubaï, symbole du gigantisme, culte de la vanité, n’est plus guère qu’une empreinte bien délébile à la face du temps qui passe. Ce portrait urbain de la vie après les Hommes, signé de l’artiste–photographe Chris Morin-Eitner, engage une réflexion sur notre avenir possible et questionne cet orgueil intarissable propre à l’homo sapiens.
Références à la culture contemporaine
Sur ces montages, la nature y est florissante, foisonnante même, retrouvant toute sa place au cœur des villes qui ne s’y étaient visiblement pas préparées, jouant avec l’urbanisme pour former des paysages de cartes postales post-apocalyptiques. Abandonnées par ses anciens résidents, les villes ont accueillies d’autres locataires, moins pollueurs sans doute, moins bruyants aussi. Quant aux bâtiments, ceux-ci se voient criblés de tags en tout genre; derniers barouds d’honneur de la civilisation.
Les références culturelles modernes se bousculent : on pense instinctivement à « La route », « The last of us » ou encore « Je suis une légende » ; pour l’une d’entre elles, on ne s’y trompe pas, l’artiste avoue en effet s’être librement inspiré du roman post-apocalyptique de Cormac McCarthy, mais également du dessin animé « le livre de la jungle », de la scène culte qui clôt brusquement « La planète des singes » ou encore de certaines toiles du peintre Henry Rousseau avec qui il partage des traits communs.
Puisque toute chose est vouée à disparaître, dans un cycle éternel de naissance, d’apogée et de déclin, la conduite de la civilisation face à la crise écologique est une question greffée au cœur des réalisations de l’artiste. Que sont ces monuments, défaits de ceux qui les apprécient et qualifiés parfois de « merveilles », sinon des vestiges d’un mode de vie révolu et d’une fierté trop exclusive ? Dans cette postface photographique d’un monde qui n’aurait pas su s’adapter, le temps semble agir comme un rouleau compresseur que rien ne dévie. L’entropie ronge inévitablement toute vie quand celle-ci lutte pour avancer un jour de plus.
Sources : chrismorin / rue89 / Images à la discrétion de Cormac McCarthy